PIFFF 2018 – Jour 2

Mercredi 05 décembre 2018

Au programme aujourd’hui : Début de la compétition avec un thriller indépendant made in U.S. et une dinguerie « malsaine » made in France; une Séance Culte pour le troisième volet de la saga Halloween et des policiers affrontant des Yakuzas.

14h30: Piercing – Etats-Unis – En Compétition

Reed embrasse sa femme et son jeune fils avant de partir – semble-t-il – en voyage d’affaire. Dans sa valise, il n’a pourtant rangé ni vêtements, ni trousse de toilette, mais un nécessaire pour réussir le crime parfait. Reed a le plus grand mal à contenir ses penchants psychopathes et a tout prévu dans les moindres détails. Il loue une chambre d’hôtel et fait appel aux services d’une call girl qu’il prévoit de tuer à son arrivée afin d’étancher son irrépressible envie de meurtre. Mais Jackie, la séduisante et mystérieuse prostituée qu’il fait monter dans sa chambre, pourrait bien mettre à mal son plan. Lorsqu’un événement imprévu vient perturber le cours des choses, Reed et Jackie débutent une partie haletante du jeu du chat et de la souris… Sa proie s’avère encore plus tordue que lui…

Dans l’œuvre du romancier japonais Ryu Murakami, Piercing se rapproche d’Audition, superbement adapté au cinéma par Takashi Miike en 1999. Les rapports de domination de classe et de genre s’y entrechoquent avec la plus grande des perversités, le huis clos sanguinolent venant traduire le profond dérangement de la société. Découvert avec le déjà très singulier et fascinant film d’horreur The Eyes of My Mother (inédit en salle en France) Nicolas Pesce transpose audacieusement ici son histoire avec le maniérisme d’un Brian De Palma accompagnée d’une bande originale aux accents de giallo, et offre aux deux comédiens principaux, l’excellente Mia Wasikowska (Restless, Jane Eyre, Stoker, Only Lovers Left Alive, Maps To The Stars, Crimson Peak…) et Christopher Abbott (Martha Marcy May Marlene, A Most Violent Year, First Man – Le Premier Homme sur la Lune…) des rôles mémorables.

16h30 : Halloween III : Le Sang du Sorcier (Halloween III : Season of the Witch, 1982) – Etats-Unis – La Séance Culte

Une publicité passe sur toutes les chaînes, sur tout le territoire américain. Elle hypnotise les enfants et agace les adultes un minimum mélomanes. Un fabricant de masques d’Halloween met au point un plan démoniaque pour tuer des millions d’enfants avec ses masques. Le docteur Daniel Challis qui quelques jours avant Halloween voit arriver dans son service un homme à bout de force, serrant dans sa main un masque pour enfant est l’un des seuls à voir dans cette ritournelle diabolique un sinistre compte à rebours visant à transformer la veille de la Toussaint en carnage rituel.

Avec Michael Myers laissé pour mort à la fin du deuxième volet, voulant éviter de laisser la série s’enliser dans une succession de slashers répétitifs, John Carpenter, à l’image et à la manière de Twilight Zone,  souhaitait emmener la saga Halloween dans d’autres directions et en faire une anthologie horrifique en racontant une histoire indépendante à chaque nouvel épisode. Exit Michael Myers ? L’échec du film, première réalisation de Tommy Lee Wallace qui avait occupé le poste de production designer sur Halloween et Fog et qui allait traumatiser une génération de téléspectateurs à la fin des années 1980 avec la première adaptation de Ça, eut malheureusement raison de cette idée brillante. Segment mal aimé car trop éloigné de la saga, Halloween III : Le Sang du Sorcier est pourtant un hommage sincère aux films de SF des années 50 qui ont bercé l’enfance de Carpenter. Baignant dans une ambiance poisseuse et une atmosphère paranoïaque du meilleur effet à la manière de L’Invasion des Profanateurs de Sépultures (Invasion of the Body Snatchers, 1956) chef-d’œuvre réalisé par Don Siegel qui a été la principale source d’inspiration du film, le tournage d’Halloween III : Le Sang du Sorcier, se déroulera à Santa Madre tout comme celui du film de Siegel. La satire politique du film et les dénonciations des dangers des médias (la télévision) et de la société de consommation ne sont pas sans rappeler Invasion Los Angeles (They Live, 1988) que réalisera Carpenter quelques années plus tard. Composée par John Carpenter et Alan Howarth, froide et implacable, l’impressionnante et envoûtante bande originale du film y est pour beaucoup dans l’ambiance crépusculaire et angoissante du film. On retrouve à l’affiche du film l’excellent Tom Atkins (Fog, New York 1997, L’Arme Fatale, Maniac Cop, Bruiser,…) qui incarne le docteur Daniel Challis, et dans le rôle de l’inquiétant Conal Cochran, le comédien Dan O’Herlihy (Macbeth, Les Aventures de Robinson Crusoé, Mirage de la Vie, Le Cabinet du docteur Caligari, Point Limite, Robocop, Gens de Dublin, Twin Peaks,…). Afin de l’apprécier à sa juste valeur, Halloween III : Le Sang du Sorcier est à redécouvrir en salle avec une ouverture d’esprit et une réflexion sur le genre et du recul quant aux autres (moins bons) « épisodes » qui l’ont succédé.

19h15 : Tous les Dieux du Ciel – France – En Compétition – Première Française

Simon vit dans une ferme isolée avec sa sœur Estelle, alitée dans un état végétatif, sous le joug des séquelles motrices d’un accident survenu durant leur enfance. Suite à son licenciement, Simon rompt encore plus le ban avec la société et se replie sur ses obsessions paranoïaques, en quête éperdue d’un contact avec un autre monde…

Après avoir écumé un nombre impressionnant de festivals internationaux et récolté une flopée de prix avec le moyen-métrage Un Ciel Bleu Presque Parfait, Quarxx et son binôme de comédiens Jean-Luc Couchard et Mélanie Gaydos, aux côtés desquels on retrouve avec grand plaisir l’excellent Thierry Frémont, remettent le couvert avec la version longue de cette histoire dingue, malsaine et entêtante. Ils délivrent ce faisant la proposition de cinéma fantastique français la plus singulière de la fin des années 2010. Un récit paranoïaque qui transforme la campagne en foyer de bizarreries quand Simon, isolé, décide de communiquer avec les aliens. Invités du Festival, le réalisateur et scénariste Quarxx et les comédiens Jean-Luc Couchard et Thierry Frémont seront présents lors de la projection du film.

21h40 : The Blood of Wolves (Korô no chi) – Japon – Hors Compétition -Première Française

Pour son baptême du feu dans les forces de l’ordre, Hoika Shuichi est mis en binôme avec Ogami Shogo, vieux briscard au code d’honneur assez vague, suspecté, entre autres délicatesses, d’être en collusion avec un clan yakuza. Les deux nouveaux partenaires entament leur collaboration en enquêtant sur la disparition d’un comptable en lien avec les Yakuzas, en pleine guerre des gangs à Hiroshima. Des soupçons sur l’implication d’Ogami dans cette guerre rendent l’enquête plus complexe qu’elle parait.

Kinji Fukasaku nous manque, mais la relève déboule, prête à en découdre. Dans la lignée de ses furieux films de yakuzas des années 1970, The Blood of Wolves creuse sa voie et surprend, d’une violence ahurissante, d’un nihilisme sourd et d’autant plus trouble qu’il s’assortit d’une saisissante maîtrise formelle et visuelle. Le travail effectué sur l’esthétique du film (photo, lumière…) nous plonge de façon remarquable dans les années 1980, époque à laquelle se déroule l’intrigue du film. Dans le rôle d’Ogami, Kôji Yakusho (L’Anguille, De l’eau tiède sous un pont rouge, Babel, The Third Murder,…), loué pour ses inestimables nuances de retenue dans les films de Kiyoshi Kurosawa (Cure, License to Live, Charisma, Séance, Kaïro, Retribution, Tokyo Sonata,…) s’abandonne ici totalement et livre une performance de ripou sadique mémorable. The Boold of Wolves est réalisé par Kazuya Shiraishi.

Steve Le Nedelec