Le Bal de l’horreur – Paul Lynch

A sa sortie en salles, Le Bal de l’horreur n’était pour le (jeune) spectateur en quête de sensation forte et de transgression violente qu’un ersatz de Carrie (1976), d’Halloween (1979) et de Terreur sur la ligne (When a Stranger Calls, 1979) malaxé avec La Fièvre du samedi soir (Saturday Night Fever, 1977), étrange mixture, impression qui reste toujours valable et juste.

Le Bal de l’horreur raconte une histoire au déroulement des plus classiques. Quatre jeunes enfants (3 filles, Kelly, Judy, Wendy et 1 garçon, Nick) jouent au « tueur arrive », une sorte de cache-cache dans une immense bâtisse abandonnée. Quand arrivent à l’extérieur les trois enfants Hammond, Robin, Kim et Alex, ils se séparent, la plus grande Kim part chercher son livre de géo oublié et Alex rentre à la maison. Seule, Robin reste, elle aimerait bien jouer avec les autres, mais ils ne l’aiment pas. A pas de loup la petite entre dans la bâtisse. Elle devient rapidement la proie des enfants. Prise de panique, elle tente de leur échapper. Le jeu s’achève tragiquement. Robin tombe par une fenêtre et se tue. Les quatre enfants jurent de ne rien dire de peur d’être accusés. Ils quittent les lieux, mais quelqu’un a tout vu… Six ans plus tard, pour la famille Hammond et la police, l’identité du meurtrier reste un mystère. Les enfants du drame ont grandi. Kim (Jamie Lee Curtis), ainsi que son frère, Alex (Michael Tough), entament leur dernière année au lycée Hamilton, établissement dont leur père (Leslie Nielsen) est proviseur. A quelques jours du bal de fin d’année, Judy (Joy Thompson) est la première à recevoir un étrange appel anonyme. Le tueur arrive… enfin…

Ce schéma du film d’horreur a été depuis usé jusqu’à la corde. Ce qui aurait pu être préjudiciable au Le Bal de l’horreur, lui donne toutefois un indéniable charme. Il le doit en grande partie à ses jeunes acteurs et à l’énergie qu’ils déploient pour faire tenir leurs personnages d’adolescents debout. Si la distribution est dominée par Jamie Lee Curtis tout juste échappé d’Halloween, le reste de la troupe ne démérite pas dans cette petite production canadienne.

Jamie Lee Curtis, fille de Tony Curtis et de Janet Leigh, rame pour obtenir des rôles malgré le triomphe d’Halloween. C’est son agent qui contacte la production. Paul Lynch saute sur l’occasion, renonce à l’actrice initialement prévue pour sa « star » américaine. Jamie Lee Curtis donne une excellente prestation sensible et sexy, et cerise sur le dancefloor, elle danse avec un entrain communicatif. Il faut surtout voir l’éclat triste de ses yeux quand elle découvre l’identité du tueur, instant puissant qui transmet une véritable émotion à la séquence finale. Jamie Lee Curtis exprimera des réserves sur le film à cause de sa trop grande proximité avec le film de John Carpenter, alors que le scénario original n’y faisait que peu référence.

Leslie Nielsen n’est pas encore une star, mais une vedette, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, il n’est pas américain, mais canadien. Choix qui peut paraître surprenant pour un spectateur d’aujourd’hui tant il s’est habitué voir l’acteur dans des comédies. Nielsen tourne Le Bal de l’horreur juste après Y a-t-il un pilote dans l’avion ? (Airplane !, 1980). La comédie culte de Jim Abrahams et des frères Zuker n’est alors pas encore sortie sur les écrans. C’est oublié bien vite qu’avant de devenir un acteur populaire de comédie et d’incarner le détective gaffeur Frank Drebin d’abord dans une série TV, Police Squad! (1982) puis dans plusieurs films de la série Y a-t-il un flic… à partir de 1988. Leslie Nielsen est un véritable stakhanoviste des seconds rôles au cinéma et à la télévision. La filmographie de Nielsen comprend plus de 250 films en 61 ans de carrière !

Le Bal de l’horreur est le troisième et plus célèbre film de Paul Lynch. Il s’applique particulièrement à masquer les manques de l’histoire par quelques effets de montage dont l’utilisation de la voix off et d’un montage déstructurant le temps, procédé habile qui rapproche le film du thriller. Effets qui permettent à Lynch de maintenir une certaine tension. Lynch érotise ses personnages (chemisier ouvert, short moulant, etc.) et joue sur quelques effets sanglants, très efficace, afin que l’attention du spectateur ne retombe jamais.

Cependant, la petite histoire raconte que le producteur Peter Simpson a ajouté des séquences après tournage, qu’il a lui-même réalisées afin que le film colle le plus possible à Halloween et tire profit de la présence de Jamie Lee Curtis au générique. Telle l’introduction d’un psychiatre aux trousses d’un tueur psychopathe fraîchement échappé de l’asile, fausse piste qui n’apporte absolument rien à l’histoire principale. On peut comprendre le dépit de Jamie Lee Curtis à la découverte du montage final. Plus intéressant pour la compréhension du film est l’insert sur les photos des jeunes responsables de la mort de Robin, arrachées du livre d’or du lycée par le tueur.

Le Bal de l’horreur est un beau succès qui entraîne la mise en chantier de plusieurs pseudo-suites. En 2008, le film est l’objet d’un remake et comme de coutume totalement inutile. Paul Lynch s’illustrera par la suite à la télévision où il réalise un nombre considérable d’épisodes de série (Mike Hammer, Arabesque, Clair de lune, La Belle et la Bête, Star Trek : la nouvelle génération, Xana, la guerrière, etc.).

Le film doit en partie son statut d’œuvre culte à l’importance dans la culture nord-américaine du bal de promo (le Prom Night du titre original), moment important qui marque le passage des adolescents à l’âge adulte et à une forme d’autonomie. Le Bal de l’horreur avec son tueur masqué, ses meurtres à l’arme blanche et ses jeunes vierges sacrifiées sur l’autel de la morale est un parfait exemple des thrillers horrifiques des années 80 à destination des adolescents.

Fernand Garcia

Pour Le Bal de l’horreur, Rimini Editions propose un excellent choix de compléments : le Making of : The Horrors of Hamilton High (Terreur sur Hamilton High) avec des interviews des principaux acteurs et artisans du film, truffés d’anecdotes de la conception du film jusqu’à sa sortie et après (39 minutes). Death at the Disco (Mort sur le Dancefloor) interview du scénariste William Gray (20 minutes). Toujours sur la “galette”, la très efficace bande-annonce d’époque (1’42). Enfin, un excellent livret écrit par un spécialiste du genre, Marc Toullec, qui revisite pour notre plus grand plaisir l’histoire du Bal de l’horreur. Une édition combo (DVD-Blu-ray) essentielle pour tous les amoureux des slashers.

Le Bal de l’horreur (Prom Night) un film de Paul Lynch avec Leslie Nielsen, Jamie Lee Curtis, Casey Stevens, Eddie Benton (Anne-Marie Benton), Michael Tough, Robert Silverman, Pita Olivier, David Mucci, Mary Beth Rubens, Georges Touliatos, Melanie Morse MacQuarrie, Antoinette Bower… Scénario : William Gray d’après une histoire de Robert Guza Jr. Directeur de la photographie : Robert New. Décors : Reuben Freed. Effets spéciaux : Allan Cotter. Montage : Brian Ravok. Musique : Carl Zittrer & Paul Zaza. Producteur : Peter Simpson. Production : Simcom Limited – Guardian Trust Company – Prom Night Productions. Canada. 1980. 92 minutes. Couleur. Panavision Panaflex. Format image : 1,85;1. Son : VO 2.0 et 5.0 avec ou sans sous-titres français et en Version française. Interdit aux moins de 12 ans.