Le Continent oublié – Kevin Connor

Troisième adaptation d’Edgar Rice Burroughs après Le 6e Continent et Centre terre : 7e Continent par l’Amicus, Le Continent oublié est un épatant film d’aventures fantastiques avec ses héros, explorateurs d’un monde perdu, ses monstres fabuleux du jurassique, ses hommes des cavernes, ses barbares, son éruption volcanique, etc.

Le Continent oublié est produit par une petite société anglaise : L’Amicus Productions, crée en 1959 par deux américains Milton Subotsky et Max J. Rosenberg. Elle est rapidement identifiée comme la principale rivale de la Hammer. En effet, l’Amicus, comme sa concurrente, se consacre exclusivement à la production de films fantastiques et de science-fiction. Le monde du cinéma anglais étant petit, on retrouve souvent les mêmes acteurs et techniciens dans leurs productions respectives. L’Amicus se mettait parfois au service de production américaine comme The Birthday Party (1968) de William Friedkin.

La répartition du travail entre les deux partenaires était simple : Max J. Rosenberg se chargeait de la recherche de financiers et Milton Subotsky de l’artistique. Subotsky était plutôt du genre interventionniste. Il y avait de sa part un certain mépris pour les réalisateurs « (.) je ne pense pas qu’un réalisateur soit tellement important. Tout le monde peut faire un film. Vous pouvez donner à n’importe qui quelques notions de cinéma. Ensuite, vous l’entourez de gens valables – un bon cameraman, un bon monteur,  – qui soient de préférence avec lui sur le plateau. Et en particulier une bonne scripte, car une scripte a plus de connaissances que la plupart des réalisateurs. (.) Le cinéma est davantage un moyen d’expression pour le scénariste que pour le réalisateur » (in L’Ecran Frantastique n°2 – 1977). De là à prendre de bons techniciens à la réalisation comme le chef-op, Freddie Francis qui dirige pour lui 7 films, il n’y a qu’un pas, où des jeunes à qui il donne leur chance. Subotsky remet au goût du jour la formule d’Au cœur de la nuit (Dead of Night, 1945), des sketches horrifiques avec Le train des horreurs (Dr Terror’s House of Horrors, 1964).

Subotsky écrit et supervise l’ensemble des productions de l’Amicus. Il se targue même de réécrire les scénarios d’autres auteurs ainsi Robert Bloch, scénariste et romancier auteur du célèbre Psycho d’Alfred Hitchcock, signe pour lui plusieurs scénarios, qu’il réadapte. Subotsky exerce un véritable contrôle sur le montage, mais à force de brider ses réalisateurs, ses productions accusent un manque de fantaisie, inventivité, figée dans la technique. Subotsky est un conservateur, il n’aime pas les scènes de violence, de sexe ou sanglante. « Mes films sont très moralistes » (op. cité) La Hammer est alors plus audacieuse. A la sortie des années 60, ses productions accusent un certain retard sur l’évolution des mœurs. Grand admirateur d’Edgar Rice Burroughs, Subotsky a toujours rêvé de porter à l’écran l’univers fantastique de l’auteur de Tarzan. Après de longues tractations avec les ayants droits de Burroughs, l’Amicus signe au début des années 70, un contrat pour plusieurs films. Le 6e continent (The Land that the Time Forget) est le premier roman du deal porté à l’écran.

Subotsky en écrit l’adaptation et fait appel à Kevin Connor qui vient de réaliser pour l’Amicus Frisons d’outre-tombe (From Beyond the Grave, 1974) son premier film. Connor s’applique sa réalisation est soignée et inventive, il introduit quelques touches sexy avec la présence de Caroline Munro. Le film est un succès, mais le torchon brûle entre Subotsky et Rosenberg. En juin 1975, c’est la rupture, Subotsky quitte l’Amicus en plein tournage de la deuxième des adaptations de Burroughs, Centre Terre 7e continent (At the Earth’s Core) que dirige Kevin Connor. Subotsky attaque l’Amicus en justice pour faire valoir ses droits. Subotsky déteste le résultat final de Centre Terre 7e continent, il lui reproche sa cruauté et sa violence (?). John Dark et Max J. Rosenberg sont désormais à la tête de l’Amicus. Le succès de Centre Terre 7e continent est au rendez-vous. Rosenberg, Dark et Connor se lancent dans une troisième adaptation de Burroughs.

Le Continent oublié est cette fois adapté par l’écrivain de science-fiction Patrick Tilley. Kevin Connor est à nouveau aux commandes. Le film est une suite direct du 6e Continent. Un navire de la marine britannique se faufile entre les icebergs, il se dirige vers le lieu où Bowen Tyler (Doug McClure) a été localisé pour la dernière fois. Très vite, le navire est bloqué par des montagnes de glaces. Le Major Ben McBride (Patrick Wayne) voit d’un mauvais œil la présence à bord de Lady Charlotte (Sarah Douglas), mais il doit faire avec, le London Times qui finance l’expédition l’a imposé. Elle doit rapporter des photos de l’expédition. Le Major est dans sa mission accompagné par Dr Norfolk (Thorley Walters) et le pilote Hogan (Shane Rimmer). Ils ont trois semaines pour trouver Tyler avant que la dérive des icebergs ne contraigne le navire à faire machine arrière. L’équipe poursuit le voyage en hydravion, mais un ptérodactyle les attaque en plein ciel…

Le Continent oublié est un grand spectacle d’aventure, le budget est plus important que pour les deux précédents films, ce qui permet à l’équipe de tournage de se rendre aux Canaries sur une île volcanique, ce qui explique le sol gris des extérieurs.

Kevin Connor débute comme monteur tout en écrivant des histoires fantastiques pour des séries TV. Il achète les droits de plusieurs nouvelles fantastiques de Ronald Chetwynd-Hayes dans le but d’en faire un long-métrage à sketches. Son agent propose le projet à Milton Subotsky. « C’était parfois assez frustrant de travailler avec Subotski, car il veut être seul responsable du montage, mais comme c’est le producteur, après tout, il lui appartient de droit d’avoir certaines idées personnelles » (in L’Ecran Fantastique n°4, 1978). Connor signe avec Frisson d’Outre-tombe sa première réalisation et son premier film pour l’Amicus. Satisfait du résultat, il se retrouve sur les trois films adaptés de Burroughs. Sur Le Continent oublié, il est un peu plus libre. Il doit toutefois prendre en compte les exigences de l’American International qui souhaite que Le Continent oublié soit classé « Tous publics » aux Etats-Unis. Connor renonce à quelques effets un peu sanglants et fait en sorte que les personnages meurent de la manière la moins violente possible. Ce qui n’empêchera pas la censure anglaise d’exiger des coupes contrairement au reste du monde. Film plaisant, Le Continent oublié, réserve quelques bonnes surprises comme ses hommes de la cité des morts très samouraïs ou le trône de Sabbala (Milton Reid) inspiré des superbes couvertures de Frank Frazetta, ses hommes préhistoriques et sa faune de dinosaures.

Kevin Connor retrouve la même équipe, à quelques exceptions près, déjà à l’œuvre sur Le 6e Continent et Centre terre 7e Continent. Alan Hume à la photo fait des merveilles. Alan Hume est un technicien fidèle puisqu’il signe l’image de 7 films de Kevin Connor, qu’il accompagne dès son premier film. Hume est un grand chef-opérateur de l’école anglaise, on lui doit l’image très pop des Chapeau melon et bottes de cuir avec Diana Rigg. George Lucas épaté par L’arme à l’œil (Eye of the Needle, 1981) embauche son réalisateur Richard Marquant et Alan Hume pour Le retour du Jedi (Return of the Jedi, 1983). Hume signe l’image de trois James Bond avec Roger Moore dirigé par John Glen, Rien que pour vos yeux (For Your Eyes Only, 1981), Octopussy (1983) et Dangereusement vôtre (A View to a Kill, 1985). A l’aise aussi bien en intérieur qu’en extérieur, il réussit des exploits pour Runaway Train d’Andreï Kontchalovski, certainement son film le plus extrême.

Côté effets spéciaux Derek Meddings n’est plus du voyage accaparé par ceux de L’Espion qui m’aimait (The Spy who Loved Me, 1977); c’est donc Ian Wingrove, un des ses assistants, qui se charge du boulot. Là aussi, c’est de toute beauté, le navire dans une mer de glace, le survol de la chaîne de montage par l’hydravion, les explosions finales, etc. Il faut aussi signaler le superbe matte-painting de la Cité des morts.

Tout bon film d’aventures préhistoriques ne serait rien sans une petite touche sexy. La belle sauvageonne est incarnée par Dana Gillespie dans une tenue en cuir des plus affriolantes de quoi rendre fou un homme des cavernes et pas que. Dana Gillespie avait collé le tissu sur sa poitrine avec du ruban adhésif afin que ses seins ne bondissent pas hors de son fabuleux décolleté. Côté charme, si Dana Gillespie attire le regard, Sarah Douglas n’est pas en reste dans sa tenue d’exploratrice très serrée. Signalons sa coiffure, avec ses deux « plateaux » sur les oreilles que l’on retrouve sur la Princesse Leila (Carrie Fisher) dans La Guerre des étoiles, mais la belle Sarah Douglas s’en libère pour les scènes finales, laissant apparaître ses superbes cheveux longs. Sarah Douglas, cheveux courts, marquera les imaginations en méchante Ursa de la planète Krypton condamné à la damnation éternelle par Jor-El (Marlon Brando) dans Superman I et II (1977-80).

Fils du grand John Wayne, Patrick Wayne est dans une bonne période puisqu’on le retrouve la même année dans la peau d’un autre héros avec Sinbad et l’œil du tigre de Ray Harryhausen et Sam Wanamaker. Le Continent oublié et Sinbad et l’œil du tigre restent ses films les plus célèbres. Il aura moins de chance par la suite en enchaînant les seconds rôles dans des séries T.V. Dans un imposant second rôle, Milton Reid, un habitué de la Hammer, incarne un chef barbare des plus convaincants, les fans de James Bond le connaissent bien pour une mémorable scène de L’Espion qui m’aimait, où sur le rebord d’un immeuble, 007 (Roger Moore) le tient par sa cravate avant de le lâcher.

Le continent oublié, histoire fabuleuse au charme indéniable ravira petits et grands, un continent à réinvestir…

Fernand Garcia

Le Continent oublié, une très belle édition de Rimini truffés de bonus : Le commentaire audio de Kevin Connor et de Brian Trenchard-Smith (en vostf). Deux interviews de charme, Sarah Douglas « c’est sans aucun doute, l’une des plus belles expériences de ma vie »(20 minutes) et Dana Gillepsie « (mon décolleté) était la seule raison pour laquelle ils craignaient que le film soit interdit aux enfants » (24 minutes), sympathique évocation d’un tournage. Comme si cela ne suffisait pas, Rimini ajoute un formidable documentaire Retour sur Caspak d’Alexandre Jousse, un tour d’horizon très complet et instructif sur le film jusqu’à des animations 3D pour tout comprendre des techniques d’effets spéciaux employer sur Le Continent oublié (22 minutes) et pour finir la bande-annonce d’époque (2’25). Le master HD du Continent oublié est de toute beauté et bonne nouvelle Le 6e Continent devrait faire l’objet d’une prochaine édition en France.

Le Continent oublié (The People That Time Forgot) un film de Kevin Connor avec Patrick Wayne, Sarah Douglas, Dana Gillespie, Thorley Walters, Shane Rimmer, Doug McClure… Scénario : Patrick Tilley d’après The People That Time Forgot de Edgar Rice Burroughs. Directeur de la photographie : Alan Hume. Decors : Maurice Carter. Musique : John Scott. Producteurs : Max J. Rosenberg, Samuel Z. Arkoff & John Dark. Production : American International. Grande-Bretagne – Etats-Unis. 1977. 91 minutes. Couleur. Format image : 1,85:1. 16/9e compatible 4/3. Image : 1920 x 1080p. Son VF et VO Dual Mono DTS-HD Master Audio. Sous-titres français. Tous publics.