Arizona, 1879. Les Apaches Mescaleros, menés par le redoutable Victorino (Joseph A. Vitale), ont une nouvelle fois fui la réserve de San Carlos. Déterminés à défendre la terre de leurs ancêtres, ils se préparent à affronter les chercheurs d’or qui l’ont envahie. À quelques kilomètres derrière, le deuxième escadron de la cavalerie américaine est lancé à leur poursuite depuis plus de trois semaines. Épuisés par la chaleur et couverts de poussière, les soldats progressent péniblement à travers un paysage aride. L’unité est commandée par le capitaine Green (Peter Hansen), bientôt relevé de ses fonctions par l’arrivée du capitaine Jeff Stanton (Audie Murphy). Stanton est un homme dur, hanté par un drame personnel : son père, militaire lui aussi, avait accordé sa confiance à des Indiens — une décision qui s’était soldée par l’anéantissement de son bataillon. Traduit en conseil de guerre, déshonoré, il avait été renvoyé de l’armée. Depuis, Stanton porte ce traumatisme comme un fardeau, nourrissant une haine viscérale envers les Indiens, et cherchant coûte que coûte à effacer la faute paternelle… en tuant des Indiens.
Tout en étant distribué par la 20th Century Fox, La Fureur des Apaches est un western à budget dérisoire. Aux commandes, William Witney, vétéran du sérial, artisan de ces films à épisodes dont chaque fin devait donner envie de revenir la semaine suivante pour découvrir comment le héros allait s’en sortir. Habitué des tournages rapides et des productions faites avec les moyens du bord, Witney signe ici un western totalement décalé par rapport à son époque — 1964 — alors que le genre connaît une relecture critique aux États-Unis et explose en violence baroque en Italie.

La fureur des Apaches est en réalité un remake des Derniers jours de la nation Apache (Indian Uprising, 1952) de Ray Nazzaro. Pourquoi pas — après tout, Hollywood ne s’est jamais privé de recycler ses propres récits. Mais le plus étonnant ici est que Witney et la production réutilisent des séquences entières (de bataille) du film de Nazzaro, ainsi que des chutes issues d’autres productions. Le résultat est un patchwork visuel immédiatement repérable, tant les différences colorimétriques entre les pellicules utilisées sautent aux yeux. Plutôt que de dissimuler la pauvreté du projet, ce procédé la met crûment en évidence.
Cela dit, Witney ne se contente pas de bricoler avec des bouts de pellicule : il fait tout son possible pour maintenir le film debout. En vieux routier du cinéma d’action, il insuffle une véritable dynamique au récit, et sa mise en scène en extérieur se révèle souvent inspirée — il sait jouer avec le placement des corps dans l’espace, les lignes de fuite, et le relief du décor. Si La Fureur des Apaches peut être lu comme un film pro-indien, c’est surtout dans sa portée antiraciste qu’il prend tout son sens. Cette attention parcourt discrètement la longue filmographie de Witney, où il arrive fréquemment que des personnages issus de minorités ethniques aient le beau rôle — sans didactisme et sans insistance.
William Witney et Audie Murphy collaboreront à deux reprises après ce film : d’abord avec Représailles en Arizona (Arizona Raiders, 1965), puis une dernière fois avec 40 fusils manquent à l’appel (40 Guns to Apache Pass, 1967). Audie Murphy malgré les limites du film, parvient à donner une réelle épaisseur à son personnage. Le capitaine Stanton partage certains traits avec Ethan Edwards (John Wayne) dans La Prisonnière du désert (The Searchers, 1956), à commencer par cette colère aveugle tournée contre les Indiens. Stanton n’est pas un loup solitaire, il est au sein de l’armée, mais un enragé, prêt à des décisions cruelles pour l’honneur de son père et assouvir sa vengeance. Lors d’une scène marquante, il n’hésite pas à attacher Red Hawk (Michael Dante), le fils de Victorio, à un rocher en plein cagnard — punition sadique, révélatrice de sa dureté.

Mais cette fureur ne mène pas Stanton uniquement au carnage : elle le confronte aussi à ses propres contradictions. Il découvre peu à peu que la trahison ne vient pas toujours de là où on l’attend — qu’elle réside souvent du côté de la « civilisation » plutôt que chez les prétendus « sauvages mangeurs de chiens ». Sa rencontre avec Dawn Gillis (Linda Lawson), qu’il croit d’abord prisonnière des Apaches, joue un rôle décisif dans cette prise de conscience. Missionnaire idéaliste, douce mais déterminée, elle lui renvoie l’image de sa propre brutalité. Sans même s’en rendre compte, Stanton entame un lent chemin vers une forme de rédemption.

La révélation des origines comanches de Dawn vient encore troubler ses certitudes. Peu à peu, Stanton comprend que le monde n’est pas fait de blocs opposés — civilisés contre barbares, bons contre mauvais — mais d’un entrelacs de liens complexes, de transmissions mêlées, de sangs croisés. C’est dans cette veine dramatique que le film trouve ses plus beaux moments : les scènes entre Audie Murphy et Linda Lawson, sensibles, tendues, sont parmi les plus chargées en émotion de l’ensemble.
Modeste production, La Fureur des Apaches appartient aux derniers soubresauts du western de série B américain. Mais dans son classicisme et ses efforts sincères, il parvient à émouvoir — et à surprendre.
Fernand Garcia

La Fureur des Apaches bénéficie d’une édition Sidonis Calysta, dans la collection Western de légende, disponible pour la première fois en Blu-ray (combo Blu-ray + DVD) ainsi qu’en DVD unitaire, avec un master en Haute Définition. En complément, deux présentations du film viennent enrichir cette sortie. Patrick Brion, historien du cinéma, revient sur la carrière de William Witney, analyse le film et le replace dans le contexte du western américain des années 1960 (6 minutes). Puis, Jean-François Giré, prolonge l’analyse avec un regard plus critique : « Je ne dirais pas que c’est un film pro-indien, parce que les films pro-indiens, ils ont déjà quatorze ans d’avance ; on peut dire que c’est une continuité » (15 minutes). Deux interventions complémentaires qui permettent de mieux cerner La Fureur des Apaches.
La Fureur des Apaches (Apache Rifles), un film de William H. Witney avec Audie Murphy, Michael Dante, Linda Lawson, L.Q. Jones, Ken Lynch, Joseph A. Vitale, Robert Brubaker, Eugene Iglesias, J. Pat O’Malley, John Archer… Scénario : Charles B. Smith. Histoire de Kenneth Gamet et Richard Schayer. Image : Arch R. Dalzell. Décors : Frank Sylos. Supervision Montage et producteur associé : Grant Whytock. Musique : Richard LaSalle. Production : Admiral Pictures, Inc. États-Unis. 1964. 1h28. DeLuxe. Format image : 1,85:1. Son : Version originale avec sous-titres français ou Version française. Tous Publics.