Holocauste nazi – Luigi Batzella

 En 1982, dans une petite salle du Maxéville sur les Grands Boulevards, j’ai « découvert » Holocauste nazi dans une copie 35 mm proche de la malfaçon tout comme le film. Le revoir trente-quatre ans plus tard est l’occasion de revenir sur une époque où l’opportunisme commercial pouvait aboutir à de telle aberration. Holocauste nazi s’inscrit dans un sous-genre du cinéma d’exploitation, la Nazisploitation, il réussit même l’exploit d’être à lui seul un sous-genre dans le sous-genre, le dernier de la liste en quelque sorte, le plus mauvais pour faire court. Cette pellicule de Luigi Batzella est pourtant passée du statut d’arnaque cinématographique à celui de film culte pour un petit parterre de biseux.

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La Nazisploitation est un courant limité à quelques films apparus dans le sillage de Salo, les 120 journées de Sodome de Pier Paolo Pasolini, Portier de nuit de Liliana Cavani, et de Salon Kitty de Tinto Brass, films passionnants, transgressifs, à plusieurs niveaux de lecture. L’association du film de guerre de la Seconde Guerre mondial avec le sadomasochisme, les scènes de nudités (masculine et féminine) et de toutes sortes de tortures, est du pain béni pour le cinéma Bis. La trilogie canadienne des Ilsa avec la pulpeuse fausse blonde Dyanne Thorne parachève de structurer le genre dans lequel vont s’engouffrer des producteurs Italiens et dans une moindre mesure des producteur Français (quelques productions Eurociné). De 1975 à 1980, une quinzaine de films de qualité très variable vont sortir sur les écrans. La Nazisploitation est parfois à la limite du film pornographique; le mélange de sexe, de violence, de fétichisme nazi a attiré sur lui les foudres de la censure. Tous les titres connaîtront des problèmes avec les différentes commissions de classification. La Nazisploitation n’est qu’une machine à phantasmes, perverse et malsaine, et non un discours idéologique, du spectacle que l’on peut rejeter, et rien de plus. Les scénarios tournent autour d’une imagerie simpliste, les rapports dominants / dominés avec des geôliers nazis sadiques s’acharnant sur de belles prisonnières, soumises et humiliées.

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Holocauste nazi est un film d’une opportunité absolue. En pleine vogue du genre, Luigi Batzella, sous le pseudo d’Ivan Katansky, décide de délester les spectateurs de quelques sous. Afin de réduire les coûts, Batzella reprend d’une de ses anciennes réalisations, Quand explose la dernière grenade (1970), des séquences entières ainsi que des images d’archives de combat et, pour entrer dans le genre, tourne quelques scènes bien crades et gores, l’ensemble saupoudré de touches de lesbianisme. L’histoire est involontairement délirante, il faut reconnaître que la vraisemblance n’est pas une préoccupation de notre cinéaste. Avec son squelette de scénario tout droit sorti d’une série Z des années 50, il charpente tant bien que mal, plutôt mal, l’ensemble.

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Une très sexy toubib nazi la SS Ellen Kratsch, sorte de Dr Moreau, conçoit un être hybride mi-homme, mi-singe qu’elle garde enfermé dans une cage. Kratsch espère que ce monstre-cobaye puisse engendrer des aryens ! Pour satisfaire la bête, le titre original est La bête en chaleur, notre doctoresse SS lui donne en pâture des jeunes femmes. Le monstre en état permanent de rut copule si fort, que les jeunes femmes n’y résistent pas. L’antre de la bête est aussi un lieu de torture, où la doctoresse laisse libre cours à sa fantaisie sadique. En parallèle de l’action principale, Batzella raconte une histoire de résistance en utilisant son vieux film de guerre et balance de-ci de-là des stock-shots de combat. Tout cela est fait en dépit du bon sens, au mieux on peut y voir une sorte de collage surréaliste involontaire. Ce qui importe pour Batzella c’est d’obtenir la durée d’un long-métrage à un coût défiant toute concurrence.

Dans la partie trash, l’actrice Macha Magall, qui incarne la doctoresse SS Ellen Kratsch, est une brune charmante, elle est à l’opposé de Dyanne Thorne des Ilsa. Son joli minois rend ses scènes visibles.

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Quant à la bête, Batzella fait appel à Salvatore Baccaro, qui trouve ici son rôle le plus important. Sa tronche incroyable, il était atteint d’une maladie, l’acromégalie, en fait un monstre de choix pour les bandes à petit budget. Cet ex-vendeur de fleurs est filmé sous tous les angles. Sa tronche s’étale en gros plan et au grand angulaire sur l’écran. Il faut reconnaitre qu’il est naturellement repoussant, une belle économie sur les effets spéciaux de maquillage. Holocauste nazi est vraiment un exemple de cinéma d’exploitation au sens premier du terme.

Fernand Garcia

holocauste naziHolocauste nazi est édité par Artus Films dans la collection Guerre et Barbarie avec en suppléments La bête en chaleur par Christophe Bier, passionnante intervention sur le genre et le film (33 mn), un Diaporama d’affiches et photos du film et les Films-annonces de la collection (Holocauste nazi, La dernière orgie du IIIe Reich et Horreurs nazies – Le Camps des filles perdues).

Holocauste nazi (La bestia in calore/La bestia en calor) un film de Ivan Katansky (Luigi Batzella) avec Macha Magall, Gino Turini, Xiro Papas, Salvatore Baccaro… Scénario : Lorenzo Artale. Directeur de la photographie : Ugo Brunelli. Décors : Xiro Papas. Montage : Luigi Batzella. Musique : Giuliano Sorgini. Producteur : Clemente Roberto P. Moreno. Production : Sonora Films – Eterna Films. Italie. 1977. 83 mn. Versions : français, italien. Sous titres : français. Format 1.77 original respecté 16/9ème compatible 4/3. Couleur (Eastmancolor). Interdit aux moins de 16 ans.