Une semaine et un jour – Asaph Polonsky

Eyal et Vicky ont perdu leur fils unique. A la fin du Shiva’ah, les 7 jours de deuil dans la tradition juive, ils doivent reprendre leur vie. Une longue journée pas comme les autres débute pour le couple…

Une semaine et un jour n’est à aucun moment un film larmoyant sur le deuil, c’est une tragi-comédie d’une grande élégance. Eyal (Shai Avivi), le père, récupère à l’hôpital un sachet d’herbe médicale comme « héritage ». A la maison, incapable de se rouler un joint, il fait appel au fils de son voisin et ami de son fils, Zooler (Tomer Kapon). La mère, Vicky (Evgenia Dodina), organise sa journée, hésite à reprendre son boulot d’instit, comme son mari elle navigue à vue.

Ce premier film d’Asaph Polonsky est une réussite. Le film ne cherche absolument pas une quelconque empathie et se refuse à tout sentimentalisme. C’est un couple sur la corde raide. Le père est un personnage bourru et un peu con sur les bords. Petit à petit, nous entrons dans sa vie et comprenons ses accès de colère. Colère qu’il exprime envers les autres: le chauffeur de taxi, ses voisins, mais surtout envers lui-même, envers sa vie, envers ce qu’il est. Il est dans l’incapacité d’exprimer ce qu’il ressent. La vie doit reprendre son cours, mais avec la disparition du fils elle n’a plus de sens, de but. Alors Eyal s’attache au fils des voisins Zooler, comme à un reflet de son fils disparu.

Une ligne invisible le sépare de sa femme. Ils vivent leur douleur chacun de son côté. Vicky tente de reconstruire son quotidien, de poursuivre tant bien que mal. Elle accepte le comportement de son mari. Elle-même n’arrive pas à trouver les mots pour exprimer ce vide en elle qui désormais va l’accompagner. Dans l’une des plus belles scènes du film, allongée sur le fauteuil du dentiste, une larme coule sur sa joue. Vicky accepte, que faire d’autre?, quand son fils est parti pour un voyage d’où l’on ne revient pas.

Par une séquence admirable  de construction et de mise en scène, Eyal fait le deuil de son fils. Au cimetière, il assiste à l’éloge d’une défunte par son frère. Ses mots, la description de sa journée, son acharnement sur des fientes, qui couvrent son pare-brise, renvoient Eyal à sa propre situation. Dans ce lieu, où se croisent vivants et morts, Eyal va reprendre les chemins de la vie.

Zooler, qui suit Eyal dans ses délires, apporte une fraîcheur et un humour désarmant d’humanité.

Les trois acteurs principaux, Sahi Avivi, Evgenia Dodina et Tomer Kapon sont dignes de tous les éloges; ils arrivent à faire passer l’indicible, naturellement, sans effets, ni excès. Une semaine et un jour est la révélation d’un véritable metteur en scène, Asaph Polonsky. L’avenir lui sourit à ne pas en douter…

Fernand Garcia

Une semaine et un jour un film d’Asaph Polonsky  avec Sahi Avivi, Evgenia Dodina, Tomer Kapon, Alona Shauloff, Uri Gavriel, Sharon Alexander, Carmit Mesilati-Kaplan… Scénario : Asaph Polonsky. Image : Moshe Mishali. Direction artistique : Yoav Sinai. Montage : Tali Halter-Shenkar. Musique : Ran Bagno. Chansons : Tamar Aphek. Producteurs : Saar Yogev & Naomi Levari. Production : Black Sheep Film Productions LTD. Distribution (France) : Sophie Dulac distribution (sortie le 14 décembre 2016). Israël.  98 mn. Couleur. Format image : 2.39 :1. DCP. Son : 5.1. Sélection Semaine de la Critique, Prix de la Fondation Gan à la diffusion, Cannes 2016.