Sergio Sollima

C’est au début des années 2000 que le réalisateur italien Sergio Sollima est revenu sur le devant de la scène cinéphilique par le biais d’hommages consécutifs à la redécouverte du cinéma populaire des années 60/70. Son film le plus diffusé était alors l’excellent polar La cité de la violence en raison de la présence en tête d’affiche de la superstar Charles Bronson. Sergio Sollima n’était pas un inconnu pour qui s’intéressait au cinéma populaire et était considéré par un petit cercle de cinéphiles, qui ira en s’agrandissant, comme un cinéaste important et l’un des grands noms du western européen aux côtés de Sergio Leone, Sergio Corbucci et dans une moindre mesure de Guido Questi (Tire encore si tu peux).

la cité de la violence

Dans la foulée des succès de Sergio Leone, Sergio Sollima met en scène à la fin des années 60 trois westerns qui marqueront le genre. Comme d’autres cinéastes transalpins de l’époque, Sollima avait une conscience politique particulièrement acérée. Homme de gauche, il n’avait pas la renommée nécessaire auprès des producteurs pour aborder frontalement dans ses films des thèmes politiques comme Francesco Rosi ou Elio Petri. C’est par le cinéma de genre dans un premier temps dans le cadre du western européen, puis dans celui du polar urbain que Sollima va faire du cinéma politique.  C’est donc en contrebande qu’il va exprimer sa vision politique du monde.

Il met en place un système de duo de personnages qui fonctionne en opposition, dont les lignes de conduite finissent par converger avant de se brouiller totalement. Il use d’antagonismes forts entre ses personnages principaux qui se retrouvent confrontés à des situations de violence, de rébellion, de révolution qui les dépassent. Ses westerns abordent clairement la lutte des classes.

Lee van Cleff Colorado

Dans son premier western Colorado (La Resa dei conti, 1966), il confronte un shérif (Lee van Cleef) à un péon mexicain (Tomas Milian), transformant ainsi ses personnages en une allégorie des conflits entre riches et pauvres, nord et sud. La forme opératique du film et la formidable interprétation de Milian et van Cleef rendent Colorado passionnant de bout en bout.  Sollima ira encore plus loin dans l’antagonisme entre les personnages dans l’admirable Le Dernier face-à-face/Il était une fois en Arizona (Faccia a Faccia, 1967). Cette parabole sur la violence d’état et la barbarie met en relation un professeur en fin de vie (remarquable Gian Maria Volontè) et un bandit sans foi ni loi (Tomas Milian, tout aussi remarquable). Le Dernier face à face est certainement le chef-d’œuvre de Sergio Sollima et l’un des sommets du western européen. En 1968, il retrouve Tomas Milian et son personnage de Cuchillo de Colorado pour son troisième et dernier western, Saludos Hombre (Corri uomo corri) moins réussi que les deux précédents, il n’en demeure pas moins fort plaisant. Ce dernier film bénéficie de moyens de production moins importants que Colorado ou Le Dernier face-à-face, dont la production était assurée par Alberto Grimaldi, producteur des Dollars et du Bon, la Brute et le Truand de Sergio Leone, entre autres.

Oliver Reed

Au début des années soixante-dix, Sergio Sollima réalise deux polars d’une grande efficacité et noirceur. La vengeance froide d’un tueur à gages dans un monde totalement déshumanisé, c’est l’étonnant La Cité de la violence (Citta violenta, 1970) avec un Charles Bronson dans son rôle le plus monolithique et sauvage. Petite curiosité, le scénario est cosigné par la future réalisatrice Lina Wertmüller (Mimi Métallo blessé dans son honneur, Pasqualino). Après cette réussite, il enchaîne avec une œuvre mineure Le diable dans la tête (Il Diavolo nel Cervello), où l’on retrouve l’astronaute de 2001, Keir Dullea, puis Micheline Presle, Maurice Ronet et Stefania Sandrelli. Intrigue policière à la Agatha Christie et étude de mœurs au sein de la classe bourgeoise. Il cosigne le scénario avec la grande scénariste Suso Cecchi d’Amico (Le voleur de Bicyclette, Miracle à Milan, Senso, Le Pigeon, Rocco et ses frères, Salvatore Giuliano, Le Guépard, etc.). Sollima réalise son meilleur polar et dernier grand film, La Poursuite Implacable (Revolver, 1973), une sombre histoire de manipulation. A la suite du kidnapping de sa femme, un directeur de prison est contraint de faciliter l’évasion d’un prisonnier. Mais très vite, comme toujours chez Sollima, tout se brouille et la réalité n’est pas celle que l’on croit. Le film est une métaphore sur la situation politique et morale de l’Italie du début des années 70. Le constat est terrible et d’une noirceur absolue. Le duo de La Poursuite implacable formé par Oliver Reed et Fabio Testi est impressionnant et n’a rien à envier à celui du Dernier face-à-face, Tomas Milian et Gian Maria Volontè. Oliver Reed (Love, Les DiablesTommy, Venin) représente avec une incroyable autorité, la loi et l’ordre et de son côté Fabio Testi (L’important c’est d’aimer), la délinquance et l’anarchie.

Ireland

Les polars de Sergio Sollima coïncide avec l’apparition de personnages féminins plus consistants et déclencheurs de l’intrigue, soit par la trahison, Jill Ireland dans la Cité de la peur, soit par la manipulation, Micheline Presle dans Le Diable dans la tête ou comme simple victime la charmante Agostina Belli dans La Poursuite implacable.

Agostina Belli La Poursuite implacable

Malgré ces succès artistiques Sergio Sollima est un cinéaste peu considéré à son époque. Le relatif  échec commercial de La Poursuite implacable le contraint à poursuivre sa carrière à la télévision, où il réalise l’un des plus gros succès de l’histoire de la RAI Sandokan en 1976. Cette série d’aventures exotiques, adaptation d’un roman de Emilio Salgari écrit au début du XXe siècle, est un triomphe. La série reste proche des préoccupations politiques de Sergio Sollima et en filigrane l’on perçoit très nettement un propos anticolonial. Sandokan fait de Kabir Bedi, dans le rôle-titre, une star du petit écran, l’on retrouve à ses côtés d’excellents acteurs comme Carole André (Rapt à l’italienne), Adolfo Celi (Opération Tonnerre, Mes chers amis) et Philippe Leroy (Le Trou, Portier de nuit). Sergio Sollima à la suite de ce succès adapte cette fois pour le grand écran un autre roman anticolonial d’Emilio Salgari, Le Corsaire noir (Il corsaro nero, 1976) avec son couple vedette de Sandokan, Kabir Bedi et Carole André, auxquels se joint l’acteur américain Mel Ferrer.

Catherine Spaak

Sergio Sollima avait débuté sa carrière comme journaliste avant de devenir critique de cinéma. Il passe naturellement à l’écriture de scénarios. C’est Luigi Comencini qui lui met le pied à l’étrier en tant que co-scénariste des Volets Clos (Persianes chiuse, 1951). En 1954, il est l’assistant-réalisateur d’un futur grand du western transalpin, Sergio Corbucci (Django, Le Grand silence) sur Terra straniera. Il écrit plusieurs péplums au cours des années 60, production alors en vogue en Italie. Et c’est par un sketch, Le donne (Les femmes) avec Catherine Spaak et Enrico Maria Salerno du film Les Amours difficiles (L’amore difficile) que Sergio Sollima passe à la réalisation en 1962. Il réalise et écrit sous le pseudonyme de Simon Sterling deux films d’espionnage dans le sillage des James Bond. L’Agent 3S3 est le héros de ses deux films : Passeport pour l’enfer (Agente 3S3 passaporto per l’inferno,  1965) et Massacre au soleil (Agente 3S3 massacro al sole,  1966) de charmantes fantaisies quelque peu désuètes aujourd’hui avec George Ardisson. Plus ambitieux et élaboré est  Un Certain Monsieur Bingo (Requiem per un agente segreto, 1966), où il dirige une star américaine Stewart Granger et que produit Alberto Grimaldi.

Il faut signaler que les grands films de Sergio Sollima, ses trois westerns et ses trois polars, bénéficient d’un accompagnement musical d’Ennio Morricone en tout point formidable.

Sergio Sollima est décédé le 1er juillet 2015 à Rome, la ville qui l’avait vu naître le 17 avril 1921. Sa dernière réalisation la série Il figlio de Sandokan date de 1998. Sergio Sollima est le père du réalisateur Stefano Sollima réalisateur du dérangeant A.C.A.B. (All Cops Are Bastards, 2012), la succession est assurée.

Fernand Garcia