Oncle Brady (Herbie Goldstein) tente de convaincre Alan (Terence Hill) de renoncer à ses paris hippiques et de partir sur l’île de Bongo Bongo dans le Pacifique où se trouve un trésor. Alan n’accorde aucun crédit aux élucubrations de son oncle. Dans une boîte de nuit, Linda (Linda Prast) une charmante serveuse, lui donne un tuyau de dernière minute à Alan. Une course de chevaux truquée en faveur d’un canasson du nom de Big Phil. C’est la fortune assurée ! Ça tombe bien, Alan vient de perdre 2 000 dollars. Alan réussit à convaincre l’un des hommes de main de Frisco (Salvatore Basile), un mafieux local, de lui prêter 15 000 dollars pour parier sur Big Phil. Mais la course ne se passe pas tout à fait comme prévu…
Sergio Corbucci reste à jamais l’autre Sergio, l’homme de deux westerns majeurs du genre : Django (1966) et Le Grand silence (Il grande silenzio, 1968). Deux films qui tranchent par leur noirceur et leur violence avec le tout-venant de la production italienne de l’époque. Ces sommets éclipsent souvent ses autres westerns des années 60 et 70, plus légers, ponctués d’ironie, voire franchement humoristiques. Sergio Corbucci débute au cinéma au tout début des années 50. Il n’a que 25 ans lorsqu’il signe son premier film, Salvate mia figlia (1951), un mélodrame larmoyant, dans la veine très populaire de l’époque en Italie. Malgré son jeune âge, Corbucci a déjà derrière lui des études d’économie, quelques articles de critique de cinéma, et surtout plusieurs années d’assistanat, notamment sur les films de Roberto Rossellini. Il enchaîne les comédies sentimentales — pas moins de cinq films en 1954 — puis, subitement, réalise un film qui marque un tournant dans sa carrière : I ragazzi dei Parioli (1959). Cette œuvre, plus personnelle, le rapproche de la Nouvelle Vague par son ton, son attention aux personnages, et sa manière de détourner les conventions narratives. On y suit un fils de bonne famille désœuvré, qui séduit des jeunes femmes en se faisant passer pour un producteur de cinéma. Le film est un échec commercial, qui affecte profondément Corbucci. Il envisage alors d’abandonner la réalisation. C’est à ce moment qu’il rencontre Sergio Leone, à qui il propose de redevenir assistant réalisateur. Mais Leone l’encourage à continuer.

Sergio Corbucci plonge alors corps et âme dans le cinéma populaire. La production italienne est à son zénith : elle inonde les écrans du monde entier avec une incroyable diversité de films. Dans ce maelström des années 60, où s’entremêlent péplums, comédies et westerns spaghetti, Corbucci, tout en suivant les tendances du moment, parvient à injecter dans ses films des touches personnelles, parfois même subversives. Ses westerns sont remarquables. Au-delà de Django et Le Grand silence, deux monuments baroques, d’une noirceur rare, sa veine zapatiste donne naissance à deux autres réussites majeures : Le Mercenaire (Il Mercenario, 1968) et Compañeros (Vamos a matar, compañeros,1970). Il traverse cette période foisonnante avec une étonnante liberté, allant jusqu’à diriger Johnny Hallyday et Françoise Fabian dans Le Spécialiste (Gli specialisti, 1969), un western de bonne facture, à la fois stylisé et cynique.
La carrière de Corbucci est aussi marquée par plusieurs collaborations fortes avec des acteurs emblématiques. Parmi eux, Totò, le « prince du rire », occupe une place à part. Leurs collaborations dans la dernière période de l’acteur donnent naissance à des films comme Chi si ferma è perduto (1960), Totò, Peppino e… la dolce vita (1961), Les Deux Brigadiers (I due marescialli, 1961), Le Religieux de Monza (Il monaco di Monza, 1963), ou encore Gli onorevoli (1963). Totò introduit chez Corbucci un goût pour le masque bouffe hérité de la commedia dell’arte. Corbucci retiendra la leçon, il va poussé certains films vers une forme de carnaval grotesque, de farce grinçante, à laquelle le cinéaste ajoute volontiers une cruauté morbide, presque sadique.
« John Ford avait John Wayne, Sergio Leone avait Clint Eastwood, moi, j’avais Franco Nero », disait Sergio Corbucci avec une pointe d’humour. Pourtant, cette collaboration marquante ne compte que trois films… mais quels films ! Trois westerns d’anthologie qui ont marqué l’histoire du genre.

Corbucci signe son dernier western avec Le Blanc, le Jaune et le Noir (Il bianco, il giallo, il nero, 1975), une parodie assumée réunissant Giuliano Gemma, Tomas Milian et Eli Wallach. Le ton est léger, volontiers absurde, comme un pied de nez à une époque désormais révolue. Autre collaboration décisive : celle avec Adriano Celentano, qui culmine avec le succès massif de Bluff (Bluff – Storia di truffe e di imbroglioni, 1976). Ce film lui vaut le David di Donatello du meilleur acteur — l’équivalent italien du César — et consacre l’alchimie entre le réalisateur et le chanteur-acteur.
En 1978, Corbucci dirige pour la première fois le duo comique Terence Hill et Bud Spencer dans Pair et Impair, comédie pleine de fraudes, machines à sous et faux aveugles, où toute la panoplie corbucienne est à l’œuvre. L’entente est telle qu’il retrouve Terence Hill en solo pour Un Drôle de flic (Poliziotto superpiù, 1980), une comédie dans laquelle un policier hérite de pouvoirs surnaturels. On y croise également deux stars américaines : Ernest Borgnine et Joanne Dru, cette dernière dans ce qui sera son dernier rôle à l’écran.
Au fil de sa carrière, Sergio Corbucci aura dirigé une impressionnante galerie de stars italiennes — Marcello Mastroianni, Vittorio Gassman, Nino Manfredi, Ornella Muti, Virna Lisi, Giancarlo Giannini, Ugo Tognazzi — mais aussi internationales : Burt Reynolds, Jack Palance, Joseph Cotten, Jean-Louis Trintignant, Klaus Kinski, Telly Savalas, Anthony Quinn, Michel Piccoli… toujours avec une étonnante dextérité et un vrai sens du spectacle.

Salut l’ami, adieu le trésor !, deuxième et dernier film de Sergio Corbucci avec le tandem Terence Hill / Bud Spencer, est un véritable festival burlesque, du pur slapstick. Terence Hill campe un sympathique petit arnaqueur qui, après une ultime embrouille, se retrouve avec des mafieux à ses trousses. Pour se planquer, il ne trouve rien de mieux qu’un petit voilier dont le capitaine – Bud Spencer – s’apprête à faire le tour du monde. La confrontation entre les deux lascars est immédiate, et d’autant plus savoureuse qu’elle se joue dans l’espace confiné du bateau.
Le scénario les embarque ensuite dans une chasse au trésor sur une île perdue au beau milieu de l’océan. Ils y croisent des autochtones hauts en couleur… et un soldat japonais resté retranché dans un fort, persuadé que la Seconde Guerre mondiale n’est pas terminée. Une situation qui évoque Tête de pioche (Block-Heads, 1938), chef-d’œuvre de Laurel et Hardy réalisé par John G. Blystone, où Stan Laurel incarne un vétéran oublié de la Première Guerre mondiale. Le film fait aussi écho à l’histoire réelle d’Hirō Onoda, soldat japonais qui a continué le combat jusqu’en 1974, croyant toujours le Japon en guerre. Son destin a d’ailleurs inspiré le film Onoda, 10 000 nuits dans la jungle d’Arthur Harari (2021).

Évidemment, chez Corbucci, tout cela vire à la farce. Son soldat japonais est une figure délirante, père d’un autochtone franchement crétin. Salut l’ami, adieu le trésor ne se prend jamais au sérieux. C’est une bande dessinée tropicale, et Corbucci – grand amateur du genre – s’y amuse comme un gamin. Les pirates, caricatures en cuir noir tout droit sorties d’un club SM digne de Cruising (1980), viennent « faire leur marché » en jeunes femmes sur l’île : c’est si outrancier que cela en devient irrésistiblement drôle.
Les séquences de bagarre, savamment chorégraphiées, regorgent de gags visuels et d’effets sonores dignes de Tex Avery. La mise en scène de Corbucci, inventive et joyeuse, exploite à merveille le huis clos du voilier comme les grands espaces de l’île. Avec cette farce ensoleillée, Sergio Corbucci signe son dernier grand succès populaire. Salut l’ami, adieu le trésor est un film d’aventures à l’ancienne, dont l’humour bon enfant et la bonne humeur communicative tiennent toujours la route. Une comédie irrésistiblement sympathique – et emblématique d’un certain cinéma du samedi soir, généreux, populaire, et terriblement attachant.
Fernand Garcia

Salut l’ami, adieu le trésor ! une édition BQHL pour la première fois en 4K UltraHD et Blu-ray et aussi en DVD. En supplément : Entretien avec l’auteur et réalisateur Jean-François Giré, analyse avec justesse le film et évoque l’ambition des acteurs, séparément, dans d’autres films, une intervention sympathique et documentée (31 minutes).
Salut l’ami, adieu le trésor ! (Chi trova un amico trova un tresoro / Who Finds a Friend Finds a Treasure), un film de Sergio Corbucci avec Terence Hill, Bud Spencer, John Fujioka, Louise Bennett, Sal Borgese, Linda Prast, Kainowa Lauritzen, Mira Seya, Terry Moni Mapuana, Herbie Goldstein… Scénario : Mario Amendola et Sergio Corbucci. Directeur de la photo : Luigi Kuveiller. Décors : Marco Dentici. Costumes : Franco Carretti. FX : Cass Gillespie. Montage : Ashley Daleki. Musique : Fratelli La Bionda (Carmelo La Bionda et Michelangelo La Bionda). Producteur exécutif : Victor Gillespie. Producteur : Josi W. Konski. Production : El Pico S.A. – Take 1 Productions. Italie – USA. 1981. 1h46. Technicolor. Format image : 1.66:1. 16/9 Audio : Version anglaise avec sous-titres français et Version Française. Son : VO et VF DTS-HD MA 2.0 (Blu-ray) et Dolby Digital 2.0. (DVD). Tous Publics.