Restaurations et Incunables 1/2 – Toute la Mémoire du Monde, 2023

Toute la Mémoire du Monde, le Festival international du film restauré fête ses 10 ans avec une riche sélection de restaurations prestigieuses accompagnées d’un impressionnant programme de rencontres, de ciné-concerts et de conférences.

La section Restaurations et Incunables, propose une sélection de raretés incontournables et de restaurations menées récemment en France et dans le monde. Un programme éclectique par nature qui, des classiques aux trésors cachés, comprend des projections de grands films absents des écrans depuis longtemps et des ciné-concerts. Cette section qui réunit aussi bien des classiques hollywoodiens, des films d’auteurs, des films muets, des films expérimentaux ou encore des films documentaires, met principalement en valeur le travail des archives, des ayants droit et des laboratoires.

 A Bout de course (Running on Empty) de Sydney Lumet – Etats-Unis – 1988 – 115 mn – Avec River Phoenix, Judd Hirsch, Christine Lahti, Martha Plimpton…

Traqués par la police pour avoir fait sauter une usine de napalm en protestation contre la guerre au Vietnam, Arthur et Annie Pope vivent dans la clandestinité. Leur fils se révolte contre cette vie qu’il n’a pas choisie.

À bout de course est un road movie qui raconte l’histoire d’un couple d’activistes en fuite depuis les années 1970 et qui, pour leur fils – un adolescent embarqué malgré lui dans leur cavale – décide de poser les armes. River Phoenix devra composer avec son aspiration à une vie « normale » et l’héritage politique et artistique de sa famille nomade. À bout de course est un film bouleversant sur les choix que les individus doivent faire dans la vie pour devenir qui ils sont au fond d’eux-mêmes.

Boy Meets Girl de Leos Carax – France – 1984 – 100 mn – Avec Denis Lavant, Mireille Perrier, Carroll Brooks.

Alex a 22 ans et aspire à de grandes œuvres. Pour inspirer ses écrits, il espionne les amoureux la nuit, dans Paris. Un jour, il rencontre une femme suicidaire, aussi solitaire que lui. Ils vivront une histoire d’amour insolite et dramatique.

Paris, années 1980, un jeune garçon (Denis Lavant) erre dans les rues dans sa chemise à carreaux trop grande pour lui et rencontre une femme (Mireille Perrier). Tourné par le jeune Alex Dupont, dit Leos Carax, à l’âge de 23 ans, l’histoire de Boy Meets Girl se cale sur les allées et venues d’Alex dans un monde où tous les couples se déchirent. Imprévisibles et poétiques, chacun des plans du film vient magnifiquement traduire une émotion. Carax annonce les chefs-d’œuvre qu’il réalisera ensuite.

Restauration supervisée par Caroline Champetier, réalisée par Théo films et la Cinémathèque française, avec l’aide de la Cinémathèque suisse, l’Institut audiovisuel de Monaco et le soutien du CNC et de la maison CHANEL. Numérisation et restauration en 4K à partir des négatifs originaux au laboratoire Éclair Classics, en 2022.

Ménilmontant de Dimitri Kirsanoff – France – 1924 – 42 mn – Avec Nadia Sibirskaïa, Yolande Beaulieu, Guy Belmont.

Après l’assassinat de leurs parents, deux jeunes sœurs très unies quittent la province pour Paris. Elles y sont séduites par le même jeune homme, et leurs destins se séparent.

Nadia Sibirskaïa fut l’actrice fétiche et la compagne de Dimitri Kirsanoff. Dans ce drame qui aborde les thèmes de la prostitution et de la condition des modestes citadines, cette dernière incarne une jeune femme amoureuse, trahie et démunie, dans une vie et une ville qui regorgent de fausses promesses et de pièges. Théâtre d’histoires sordides et criminelles, avec ses ruelles désertes, le quartier de Ménilmontant est le refuge des sœurs orphelines qui va déterminer leur devenir. Sobre et réaliste, avec Ménilmontant, Kirsanoff raconte à la fois la vie et le destin.

Restauration 4K en 2022 par Lobster Film et la Cinémathèque française, avec le soutien du CNC. Travaux menés au laboratoire Lobster à partir d’une copie nitrate originale teintée du BFI et d’un contretype des collections de la Cinémathèque française. Un plan supplémentaire est extrait d’une copie nitrate fragmentaire de la Cinémathèque française. Séance présentée avec accompagnement musical par la classe d’improvisation de Jean-François Zygel.

Brumes d’automne de Dimitri Kirsanoff – France-Suisse – 1928 – 12 mn – Avec Nadia Sibirskaïa.

Une femme au visage triste brûle des lettres, et part se promener dans une nature de fin d’automne.

Restauration 4K en 2022 par Lobster Films et la Cinémathèque française avec le soutien du CNC. Travaux réalisés au laboratoire Lobster et au studio L.E. Diapason, à partir des négatifs image et son originaux et d’un interpositif sonore conservés à la Cinémathèque française. Séance présentée avec accompagnement musical par la classe d’improvisation de Jean-François Zygel.

Buck et son complice (Buck and the preacher) de Sidney Poitier – Etats-Unis – 1972 – 103 mn – Avec Sidney Poitier, Harry Belafonte, Ruby Dee.

 Après la guerre de Sécession, Buck, un ancien sergent de l’Union, guide un groupe d’esclaves affranchis vers les territoires où ils pourront s’établir. Des hommes de main de leurs anciens maîtres les attaquent pour les ramener de force en Louisiane.

Réalisé en pleine vague de contestation noire américaine, Buck et son complice aborde pour la première fois dans le western, les thèmes du racisme et de l’esclavage. La Blaxploitation apparaissant et le casting porté par le militant Harry Belafonte et Sydney Poitier, vont imposer le film. Après l’éviction de Joseph Sargent, c’est Sidney Poitier qui prend la direction du film qui sera sa première réalisation. L’acteur-réalisateur se fait le porte-parole de cette histoire tragique d’esclaves affranchis par la guerre de Sécession mais traqués par les Sudistes prêts à tout pour empêcher leur exode. Plus que la « simple » chronique douloureuse d’un pays, Buck et son complice est une épopée intemporelle et universelle qui condamne toute forme de racisme. Un western noir, qui, à l’aube des années 1970, célèbre aussi la culture afro-américaine dans l’histoire du cinéma. Restauration 4K réalisée en 2022 par Sony à partir du négatif 35 mm d’origine, au laboratoire Cineric. Correction couleur effectuée par MTI.

Le Caporal épinglé de Jean Renoir – France – 1962 – 105 mn – Avec Jean-Pierre Cassel, Claude Brasseur, Claude Rich, Jean Carmet.

En 1940, prisonniers de guerre dans un stalag allemand, le Caporal et Peter tentent, de façon aussi répétée qu’infructueuse, de s’évader.

Tourné en 1962, Le Caporal épinglé, dernier film pour le cinéma de Jean Renoir, est l’adaptation du roman du même titre de Jacques Perret dans lequel ce dernier évoquait ses souvenirs de prisonnier de guerre en Allemagne. Une occasion pour Renoir de reprendre le sujet de La Grande illusion (1937), mais cette fois ci, « sans illusion ». Porté par toute une génération de jeunes comédiens en devenir, Le Caporal épinglé n’est pas, comme on a pu l’entendre, le remake de La Grande illusion mais une œuvre réaliste qui traite de la thématique de la liberté des individus. Restauration et numérisation en 4K par StudioCanal en 2021 chez Hiventy, avec la participation du CNC. Négatif 35 mm original scanné en 4K par immersion car présentant de profondes rayures. Les multiples altérations de la pellicule ont été atténuées ou retirées.

Le Comédien de Sacha Guitry – France – 1948 – 95 mn – Avec Sacha Guitry, Lana Marconi, Jacques Baumer, Pauline Carton.

Biographie du comédien de théâtre Lucien Guitry, joué par son fils réalisateur Sacha, qui propose une réflexion poétique sur l’amour des deux hommes pour l’art.

Pour son premier film d’après-guerre, Sacha Guitry rend hommage à son père Lucien et déclare dans le même temps tout son amour pour le théâtre. Sacha Guitry y joue à la fois le rôle de son père mais aussi son propre rôle. Si Guitry est au centre de l’histoire, il réunit tout de même à l’affiche du film ses actrices fétiches, comme Pauline Carton ou son épouse Lana Marconi dans son premier rôle au cinéma. Le Comédien, c’est l’art du théâtre et du cinéma mis au service d’une histoire d’amour filiale.

Présentation de TF1 Studio. Nouvelle version restaurée en 4K par TF1 Studio, avec le soutien du CNC, à partir du négatif image nitrate original, d’un marron nitrate et d’un négatif son nitrate. Travaux numériques et photochimiques réalisés par le laboratoire Hiventy en 2022.

Danse Macabre (Danza Macabra) de Antonio Margheriti sous le pseudonyme d’Anthony Dawson – Italie-France – 1963 – 89 mn – Avec Barbara Steele, Georges Rivière, Margrete Robsahm, Montgomery Glenn.

Un jeune journaliste relève le pari de passer la nuit dans un château hanté. Il perd rapidement pied car, devant ses yeux horrifiés, se rejouent des meurtres passés, dont celui du précédent couple à avoir relevé le même défi.

Dans la lignée des productions anglaises de la Hammer, l’Italie connaît, au début des années 1960, un engouement pour l’horreur gothique, genre dans lequel Danse macabre tient une place importante. Tournée en à peine deux semaines et inspiré de l’atmosphère fantastique des contes et du roman du même titre d’Edgar Allan Poe, le film d’Antonio Margheriti procure un plaisir esthétique envoûtant. Pris au piège d’une maison hantée, un mortel tombe amoureux d’une revenante. Révélée dans Le Masque du démon de Mario Bava, reine du genre, la magnifique Barbara Steele apporte à Danse macabre l’érotisme dont étaient régulièrement empreintes les productions du genre. Notons également la présence de Sergio Corbucci comme collaborateur à la réalisation ainsi que celle de Ruggero Deodato au poste d’assistant réalisateur.

Restauration 4K menée en 2022 par la Société Cinématographique Lyre en collaboration avec la Cinémathèque française et avec le soutien du CNC, de la mairie de Paris 8, des contributeurs du crowdfunding ProArti et des sociétés Artus Films, Lobster Films et Severin Films. Travaux réalisés au laboratoire Éclair Classics et au studio L.E. Diapason à partir des négatifs originaux et de contretypes d’époque. La version restaurée intègre certaines séquences initialement censurées lors de la première sortie du film.

Le Diable probablement de Robert Bresson – France – 1976 – 95 mn – Avec Antoine Monnier, Tina Irissari, Henri de Maublanc.

Quatre adolescents en révolte forment un petit groupe écologiste qui se préoccupe de l’avenir du monde. Michel, militant, cherche à lutter avec ses modestes moyens, tandis que Charles, dégouté par la société, refuse l’engagement.

Questionné sur l’origine de son film, Robert Bresson répondait : « Le gâchis qu’on a fait de tout ». Dès la fin des années 1970, fasciné par la révolte d’une génération contre la société de consommation, précurseur, le cinéaste engage une réflexion sur l’écologie et l’avenir du monde. Primé au festival de Berlin, Le Diable probablement est une prise de conscience poignante et plus que jamais actuelle. Restauration en 4K par Gaumont au laboratoire Éclair.

Le Dieu noir et le diable blond (Deus e o diablo na terra do sol) de Glauber Rocha – Brésil – 1964 – 123 mn – Avec Geraldo del Rey, Yoná Magalhães, Maurício do Valle, Othon Bastos.

Un couple de paysans brésiliens, touché par la misère, est prêt à se compromettre pour s’en sortir. Ils s’en remettent à deux personnages violents et mystiques, symbolisant la révolte : une incarnation de Dieu et l’autre du diable.

Immense territoire aride du Nordeste brésilien, le sertão est le lieu choisi par Glauber Rocha pour son deuxième long métrage. A seulement 24 ans, avec son film, le jeune critique et cinéaste bahianais ambitionne de révolutionner la vision que son pays a de lui-même. Pour le cinéaste, seule la faim, l’injustice et la violence qui règnent sur le sertão de 1940 doivent être données en conscience au Brésil de 1960. En 1964, Le Dieu noir et le Diable blond est un véritable choc. Restauration 4K conduite par Metrópoles, Lino Meireles et Paloma Cinematográfica à partir du négatif 35 mm original conservé à la Cinemateca brasileira. Travaux réalisés par Estúdio Colors et Estúdio JLS, les cinéastes Luís Abramo et Rogério Moraes, sous la direction de Rodrigo Mercês. Ressortie en salles au troisième trimestre 2023 par Capricci.

Et la lumière fut de Otar Iosseliani – France-Allemagne-Italie – 1989 – 103 mn – Avec Sigalon Sagna, Saly Badji, Binta Cissé, Marie-Christine Dième.

En Afrique, dans un village au cœur de la forêt mystérieuse, un peuple insouciant vit au rythme de la nature et des coutumes ancestrales. Jusqu’au jour où l’arrivée de bûcherons bouleverse l’existence des habitants.

Récompensé par le Grand prix du jury au festival de Venise, Et la lumière fut, est probablement l’œuvre la plus énigmatique du cinéaste géorgien Otar Iosseliani. Réalisé dans un village de Casamance, dans le sud du Sénégal parmi les peuples diolas avec une équipe réduite et des acteurs tous non professionnels, le sixième long métrage du réalisateur est une fable intemporelle qui rend hommage au cinéma muet. Iosseliani utilise magistralement la puissance du cinéma pour dénoncer l’urgence de la tragédie qui se joue encore, trente ans après, devant nos yeux, à savoir les ravages de la déforestation et l’épuisement des ressources naturelles. Restauration 4K en 2021 par Pastorale production et la Cinémathèque française en collaboration avec L’Institut audiovisuel de Monaco. Travaux réalisés à partir des négatifs originaux au laboratoire Hiventy, supervisés par Otar Iosseliani et Martine Marignac.

Fin d’été de Jean-Marie Larrieu et Arnaud Larrieu – France – 1997 – 68 mn – Avec Philippe Suner, Pia Camilla Copper, Marie Henriau.

Édouard invite Diana à passer un week-end chez Gilbert, ancien soixante-huitard vivant dans une vallée de la montagne Noire, entre l’Aude et le Tarn. Il tente de séduire Diana, et découvre que Gilbert est peut-être son père.

Dans leur premier long métrage les frères Larrieu n’hésitent pas à explorer différentes formes que propose le cinéma : le documentaire, la comédie et le mélodrame. Fin d’été raconte les retrouvailles de Diana, l’étrangère, et Édouard, en route vers la montagne, un paradis perdu où, durant l’été, on assiste sans aucun tabou à la mise à nu des corps et des mots. Mais la fin de saison va sonner la fin de l’innocence. Restauration pour La Traverse par Cosmodigital et L.E. Diapason, avec le soutien du Centre national du cinéma. Séance présentée par Jean-Marie et Arnaud Larrieu.

Folies de femmes (Foolish wives) de Erich von Stroheim – Etats-Unis – 1922 – 117 mn – Avec Erich von Stroheim, Maude George, Mae Busch.

Aidé de ses deux complices féminines, Karamzin, faux aristocrate russe, s’installe à Monte-Carlo pour escroquer les casinos avec de faux billets, et tente de séduire la femme de l’ambassadeur des USA.

Troisième film d’Erich von Stroheim, Folies de femmes marque le début de sa légende et de ses ennuis avec Irving Thalberg, le directeur de production d’Universal. Le réalisme de la reconstitution d’un quartier de Monaco va en son temps rendre célèbre Folies de femmes pour ses décors et son budget défrayant la chronique. Comme la Côte d’Azur dans La Main au collet d’Hitchcock (1955), Monte-Carlo apparaît non dans sa réalité mais dans sa vérité, immense façade de studio, festival du trompe-l’œil, lieu du faux et du faux-semblant social dont la façade ne sert qu’à cacher les pulsions des individus. Restauration par le San Francisco Silent Film Festival, à partir d’une copie nitrate 35 mm de la Cineteca italiana de Milan, et d’une copie 35 mm du Museum of Modern Art de New York. Teintages et virages réalisés selon les conventions de colorisation d’Universal de l’époque. Pour réaliser les effets colorisés à la main, les équipes se sont référé à des revues contemporaines et à un article de presse spécialisée écrit par le coloriste d’origine, Gustav Brock.

Histoire de la guerre civile (Istoria grajdanskoï voïny) de Dziga Vertov – Russie – 1921 – 94 mn

En pleine guerre civile russe, Vertov filme des figures emblématiques du gouvernement et de l’Armée rouge, ainsi que la violence et le chaos qui règnent dans le pays.

Deuxième long métrage de Dziga Vertov, Histoire de la guerre civile, comme son premier, L’Anniversaire de la Révolution (1918), a été considéré comme perdu pendant 100 ans, et n’était principalement connu que des historiens au travers des mémoires de Vertov. Histoire de la guerre civile est l’œuvre d’une commande réalisée pour le troisième congrès de l’Internationale communiste à Moscou, en juin 1921. Le film n’étant pas destiné à une exploitation en salles, il n’en existait qu’une seule copie. Le travail de recherche et la restauration ont duré près de deux ans. La première projection publique a eu lieu en novembre 2021 au Festival international du film documentaire à Amsterdam. La réapparition de ce film oublié car invisible, apportera sans nul doute de nouvelles perspectives d’études à la fois sur l’homme, sa vie et son œuvre. Restauration par Nikolaï Izvolov à partir d’une description du film faite par Grigory Boltyansky conservée aux Archives d’État de la littérature et de l’art (Moscou) et d’éléments du matériel d’origine 35 mm conservés dans différentes archives. Séance présentée avec accompagnement musical par Gabriel Cazes et Nicolas Giraud.

L’Inconnu (The Unknown) de Tod Browning – Etats-Unis – 1927 – 65 mn – Avec Lon Chaney, Joan Crawford, Norman Kerry.

Alonzo, lanceur de couteaux dans un cirque, est amoureux de sa partenaire, la fille du directeur, que convoite également le costaud Malabar. Par amour, et pour échapper à la police, il prend une décision extrême.

Partout dans L’Inconnu règnent la dissimulation, les faux-semblants et une violence sourde prête à exploser. Farce macabre et cruelle sur l’amour et la mort, L’Inconnu est porté par l’interprétation aussi puissante qu’hallucinée de Lon Chaney, l’acteur fétiche de Tod Browning, ici au sommet de son art. Plus confidentiel que Dracula (1931) ou Freaks (1932), L’Inconnu n’en est pas moins un chef-d’œuvre de la période muette du cinéaste, dans lequel on retrouve ses thématiques. Un diamant noir. Restauration avec le soutien de la National Film Preservation Foundation, à partir d’une copie restaurée du Eastman Museum et une copie nitrate du Národní filmový archiv (Prague). Séance Ciné-concert de clôture par Gaspar Claus.

Italia, le feu, la cendre de Céline Gailleurd et Olivier Bohler – France-Italie – 2022 – 93 mn – Avec Isabella Rossellini, Fanny Ardant.

Un voyage lyrique et visionnaire vers les origines du cinéma muet italien, réalisé à partir de copies nitrates préservées dans les archives de l’Eye Filmmuseum à Amsterdam, la Cineteca Milano, le Museo nazionale del cinema, la Cineteca di Bologna, la Cineteca nazionale, la Cineteca del Friuli, le CNC, l’Istituto Luce et le British Film Institute.

A l’image de la folle trajectoire du cinéma muet italien que le fascisme va mener à sa perte, avec quelques secondes d’actualités cinématographiques, un court instantané de l’Italie des années 1900, nous montrant le déraillement d’un train, Italia, le feu, la cendre débute de manière métaphorique. Grandeur et décadence. Le magnifique documentaire de Céline Gailleurd et Olivier Bohler relate la toute-puissance mystique, à la fois païenne et spirituelle, qui accompagnait l’art cinématographique à ses origines en Italie. Porté par les voix de Fanny Ardant (en VF) et Isabella Rossellini (en VO), et une musique de Lorenzo Esposito Fornasari, Italia, le feu, la cendre ravive la flamme. Indispensable. Présentation en avant-première de sa sortie en salles le 15 mars par Carlotta Films.

Jane Campion, la femme cinéma de Julie Bertuccelli – France – 2022 – 99 mn

 Portrait de Jane Campion, réalisatrice plasticienne et iconoclaste, subtile portraitiste de l’âme humaine et des femmes, qui a su en quarante ans se tailler une place unique dans le panthéon très masculin du cinéma.

Première femme réalisatrice récompensée d’une Palme d’or pour La Leçon de Piano en 1993, Jane Campion est entrée dans la vie de Julie Bertuccelli avec Un ange à ma table, sorti en 1990. Bâtie autour de personnages féminins anticonformistes, dès ses débuts, l’œuvre de Jane Campion passionne Julie Bertuccelli, la future réalisatrice de Depuis qu’Otar est parti (2003) et de L’Arbre (2010). C’est la manière singulière qu’à Campion d’aborder l’intimité de ses héroïnes qui lui donnera envie de faire du cinéma et de lui consacrer ce documentaire. Bertuccelli est partie durant deux ans à la recherche d’images d’archives, d’interviews, de conférences de presse et de master classes, retraçant le parcours de la cinéaste néo-zélandaise. Ce sont finalement des centaines de rushes, d’extraits de films et d’images de making-of qui dessinent un portrait de femme contestataire et tenace dans un monde viril, et dévoilent son regard singulier sur la sensualité, le désir, la sexualité et la féminité. Séance présentée par la réalisatrice Julie Bertuccelli.

Le Jour des rois de Marie-Claude Treilhou – France – 1991 – 93 mn – Avec Danielle Darrieux, Micheline Presle, Paulette Dubost, Michel Galabru.

Trois vieilles sœurs se réunissent tous les dimanches. Pour l’Épiphanie, le programme est chargé : cimetière, restaurant chinois, galette des rois, puis aller voir une troupe comique du troisième âge dans laquelle joue la quatrième sœur.

Le Jour des rois est fait de petits riens mais qui sont une mine d’or pour Marie-Claude Treilhou, militante d’un cinéma du quotidien, proche de Paul Vecchiali et de Gérard Frot-Coutaz. Une mise en scène dépouillée au service du réel et des dialogues authentiques sont la marque du style de la réalisatrice. Après Simone Barbès ou la vertu et L’Âne qui a bu la Lune, la réalisatrice fait exceptionnellement appel à des interprètes professionnels. Loin de la caricature, Le Jour des rois est à la fois juste, drôle et émouvant. Scan et restauration en 4K en 2022 par les Films du Losange, avec le soutien du CNC, par Lobster Films pour l’image et par Léon Rousseau (L.E. Diapason) pour le son.

Cinq jours durant, dans 8 cinémas (La Cinémathèque française, La Filmothèque du Quartier Latin, Le Méliès, La Fondation Jérôme Seydoux – Pathé, L’Archipel, L’Alcazar, Le Vincennes et Le Reflet Médicis) le festival « Toute la mémoire du monde » propose cette année encore, près d’une centaine de séances de films rares et/ou restaurés présentés par de nombreux invités et répartis en différentes sections pour célébrer le cinéma de patrimoine et fêter en beauté son dixième anniversaire.

Toute la Mémoire du Monde : Sans la connaissance de notre passé, notre futur n’a aucun avenir. C’est pourquoi le passé est un présent pour demain.

Steve Le Nedelec