Le Trésor de la Sierra Madre – John Huston

Mexique, années 1920. Fred Dobbs (Humphrey Bogart) et Bob Curtin (Tim Holt), deux aventuriers américains sans le sou, s’associent avec Howard (Walter Huston), un vieil homme chercheur d’or, pour exploiter un filon d’or dans la Sierra Madre.

Lorsque la Warner achète les droits du roman Le Trésor de la Sierra Madre de l’énigmatique B. Traven en 1941, John Huston a déjà depuis plusieurs années le projet de son adaptation à l’écran. Si l’écriture du scénario débute pendant la guerre, le tournage du film est quand à lui reporté au retour du front du réalisateur alors enrôlé dans les troupes américaines. Bien que l’écrivain lui ait écrit sa satisfaction à la lecture du scénario, John Huston ne rencontrera jamais ce dernier malgré ses multiples tentatives et sa rencontre au Mexique avec un certain Hal Croves, prétendument envoyé par B. Traven pour le représenter. Huston et Croves vont si bien s’entendre que le cinéaste l’embauchera sur le tournage du film comme conseiller technique. Des années plus tard, on apprendra que Croves et Traven étaient une seule et même personne. Notons tout de même que Huston apporte sa marque personnelle à l’histoire en changeant la fin du roman de Traven où les deux survivants emportent chacun un sac d’or.

Pour le contexte historique de l’histoire du film, si, dans les années 1920, la violence de la Révolution mexicaine est retombée, il faut savoir que subsistent tout de même encore des groupes de bandits qui terrorisent le pays et assassinent les prospecteurs étrangers. Dans une ambiance aride et poussiéreuse formidablement retransmise à l’écran, tourné au printemps 1947 au Mexique à Tampico et Durando, dans la région montagneuse de Jungapeo, Le Trésor de la Sierra Madre est probablement le premier film de fiction hollywoodien à avoir été presque intégralement tourné en extérieur hors des États-Unis.

Aux côtés de Humphrey Bogart, qu’il retrouve ici, après Le Faucon Maltais (The Maltese Falcon, 1941) et Griffes Jaunes (Across the Pacific, 1942), pour la troisième fois, et de Tim Holt, John Huston impose la participation de son père, Walter Huston, dans le rôle d’Howard, le vieil aventurier, sage, rusé… et édenté. Afin de satisfaire les exigences de son fils cinéaste qui souhaite absolument, dans un soucis d’authenticité, filmer les autochtones avec des dialogues dans leur langue natale, Walter Huston apprend l’espagnol pour son rôle. Les personnages qu’interprètent les comédiens se définissent principalement dans le film par le dialogue. Western moderne reprenant, avec ce groupe d’hommes qui se disputent la possession d’un trésor qui échappera à tous, le canevas du Faucon Maltais, toujours plus intéressé par ses personnages, leurs relations et leurs conditions que par l’action elle-même, appuyé par une thématique de l’échec et de la fatalité symbolisée ici avec le vent qui disperse la poudre d’or durement conquise par les aventuriers, avec Le Trésor de la Sierra Madre, John Huston parvient au statut d’auteur.

Au cœur d’un monde maudit, perdu, écroulé, Le Trésor de la Sierra Madre est une œuvre sombre et désespérée qui explore la limite fragile qui sépare le bien du mal. Abordant entre autres les thèmes l’échec, de la paranoïa, de l’obsession ou de la peur irrationnelle avec intelligence et efficacité, le film délivre avec simplicité une histoire sur la noirceur de la nature humaine au puissant sens moral. La vie est une énorme farce face à laquelle la plus grande des sagesses est de rire de tout, à commencer de soi-même. Film incontournable sur l’avidité, Le Trésor de la Sierra Madre est tout simplement l’un des meilleurs films à suspens jamais réalisés et les interprétations époustouflantes des comédiens figurent parmi les plus remarquables du cinéma américain.

À sa sortie en 1948, Le Trésor de la Sierra Madre reçoit à la fois un excellent accueil critique et commercial. Il séduit dans le même temps les adeptes du genre et le grand public. Seront principalement mises en avant, sa densité psychologique, son esthétique réaliste, son intérêt ethnologique et la qualité de sa mise en scène à la fois élégante et très travaillée qui conjugue habilement l’aventure et les grands espaces avec le drame psychologique et l’intime. À la cérémonie des Oscars de 1949, Walter Huston remporte celui du Meilleur acteur dans un second rôle et John Huston ceux du Meilleur scénario comme adaptation et du Meilleur réalisateur.

Western moderne reprenant, avec l’histoire d’un groupe d’hommes qui se disputent la possession d’un trésor qui échappera à tous, le canevas du Faucon Maltais, toujours plus intéressé par ses personnages, leurs relations et leurs conditions que par l’action elle-même, appuyé par une thématique de l’échec et de la fatalité symbolisée ici avec le vent qui disperse la poudre d’or durement conquise par les aventuriers, avec Le Trésor de la Sierra Madre, John Huston parvient au statut d’auteur.

Aujourd’hui encore Le Trésor de la Sierra Madre continue de fasciner, d’inspirer et d’influencer nombre de cinéastes comme par exemple William Friedkin qui s’en est autant inspiré que du Salaire de la peur d’Henri-Georges Clouzot pour réaliser Sorcerer (1977), le chef-d’œuvre que l’on connaît.

 « Je regarde ce film une dizaine de fois par an. Je peux vous le dire aujourd’hui, je pense que Le Trésor de la Sierra Madre est mon film préféré. (…) Je me souviens de ce que m’a dit un jour John Huston lors d’une rencontre : Nous avons quelque chose en commun dans notre travail et notre façon d’aborder le cinéma. Nous faisons des films pour le public. Ne vous attendez pas à voir un jour vos films projetés dans une cinémathèque. » William Friedkin

Steve Le Nedelec

Le Trésor de la Sierra Madre, est disponible en Blu-ray et DVD chez Warner Bros.

Le Trésor de la Sierra Madre (The Treasure of the Sierra Madre, 1947) un film de John Huston avec Humphrey Bogart, Walter Huston, Tim Holt, Bruce Bennett, Barton MacLane, Alfonso Bedoya, Arturo Soto Rangel, John Huston… Scénario : John Huston d’après le roman de B. Traven. Directeur de la photographie : Ted D. McCord. Décors : John Hughes. Montage : Owen Marks. Musique : Max Steiner. Producteur exécutif : Jack L. Warner. Producteur : Henry Blanke. Production : Warner Bros. Etats-Unis. 1948. 126 minutes. Noir et blanc. Pellicule 35 mm. Format image : 1,37 :1. DCP. Tous Publics. Oscar du meilleur réalisateur, scénario et acteur dans un second rôle (Walter Huston) . Toute la mémoire du monde, 2020.