Le Faucon Maltais – John Huston

San Francisco, années 1930. Au cours d’une enquête, le détective privé Sam Spade (Humphrey Bogart) retrouve son associé Miles Archer assassiné. Spade enquête pour le compte d’une jeune femme, la fascinante Brigid (Mary Astor), mêlée à une affaire de statuette volée, qu’il va très vite soupçonner de double jeu…

Né le 05 août 1906 dans le Nevada, John Huston est le fils unique du comédien Walter Huston. John Huston débute sa carrière hollywoodienne comme scénariste et auteur de scripts d’abord chez Universal puis pour la Warner à la fin des années 1930. La Warner qui, depuis les années 1930, produisait des films au rythme frénétique d’un ou deux par semaine est à son apogée au début des années 1940. John Huston participe notamment à l’écriture de Orages (A House Divided, 1931), L’Insoumise (Jezebel, 1938), Les Hauts de Hurlevent (Wuthering Heights, 1939) réalisés par William Wyler, du western Law and Order (1932), film sombre, violent et atmosphérique réalisé par Edward L.Cahn, Sergent York (Sergeant York, 1941) réalisé par Howard Hawks et signe surtout le scénario de La Grande Évasion (High Sierra, 1941) réalisé par Raoul Walsh qui révèle Humphrey Bogart au public. Satisfait et impressionné par son travail chevronné, le prestigieux studio annule le réalisateur Jean Negulesco (Le Masque de Dimitrios, 1944 ; Comment épouser un Millionnaire, 1953,…) et lui donne sa chance en lui confiant la réalisation d’un premier film en 1941, Le Faucon Maltais.

Première mise en scène de John Huston, Le Faucon Maltais va connaître un succès immédiat et considérable. De cette fidèle adaptation du roman de Dashiell Hammett publié en 1930, reconnu comme un classique de la littérature policière américaine et qui est la troisième que produit la Warner, naîtra non seulement une œuvre majeure et fondatrice, un classique du film noir, un classique du cinéma, un chef-d’œuvre qui fera d’Humphrey Bogart une star et de son réalisateur, l’un des plus grands d’Hollywood, mais aussi tout un courant. Un courant dur et violent qui ressemble aux années qu’il traverse, les années qui ont suivi la grande crise de 1929. Un courant à la morale salutaire qui transpose la violence quotidienne et donne au genre sa noblesse. Un courant qui va s’inscrire comme la tradition romantique du film noir. Le film de Huston se distingue principalement des deux autres versions déjà existantes, par le relief et la savoureuse ambiguïté qu’il a su apporter aux personnages avec humour et modernité, mais aussi par sa mise en scène épurée, le soin particulier apporté à la photographie et l’introduction de ce qui va devenir sa thématique de prédilection, la quête absurde.

Le choix des acteurs, mais aussi leur direction et bien évidemment leur interprétation, participent grandement à la qualité de l’œuvre. Suite au refus de l’acteur George Raft, qui avait déjà refusé celui de High Sierra, Huston confie le rôle de Sam Spade à son ami Humphrey Bogart. Jusqu’ici cantonné aux seconds rôles de gangsters et criminels, contre toute attente, Bogart suscite l’adhésion et la sympathie du public et devient instantanément le héros hustonien par excellence. Endurci, ironique, cynique, son personnage se révèle être moins mauvais qu’il ne le parait et du côté de la morale. Comme le roman, Le Faucon Maltais est construit du point de vue de son personnage qui est présent dans toutes les scènes (à l’exception d’une).

Après son premier rôle convaincant dans High Sierra (1941) écrit par Huston et réalisé par Raoul Walsh qui l’avait déjà dirigé auparavant dans des seconds rôles sur d’autres films, Le Faucon Maltais marque un tournant décisif dans la carrière de l’acteur qui va trouver un nouveau souffle. En effet, si Le Faucon Maltais fait de Bogart une star, c’est Bogart qui, sous ses traits désabusés, avec son humour grinçant et son interprétation incisive et sans fioriture du personnage de Sam Spade, au diapason avec le style de la mise en scène et la vision de la société du cinéaste, créera un mythe. Succédant aux gentlemen détectives des années vingt et trente, appuyé par les magnifiques affiches de films de l’époque, c’est sous les traits du visage de Bogart qu’apparaît le personnage du privé. Le policier non officiel, en marge de la loi. Feutre mou, imperméable, complet-veston, revolver, whisky, cigarette. Le mythe du privé dur à cuir et cinglant. Le hard boiled detective qu’il incarne pour toujours. À ses côtés, les seconds rôles sont tout aussi remarquables, Mary Astor est parfaite en séductrice vénéneuse et menteuse pathologique, Elisha Cook, inoubliable et le duo Peter Lorre – Sydney Greenstreet campe un couple crapuleux explosif. La distribution est sublime.

Le Faucon Maltais ne se contente pas de marquer la renaissance d’un grand acteur et la naissance d’un immense cinéaste, Le Faucon Maltais pose avec une insolente évidence les codes du film noir.

Véritable coup de maître pour un premier film, Le Faucon Maltais est à la fois le récit d’une enquête inutile et le récit d’une quête vaine et absurde. La fausse statuette du film marque déjà la présence des thématiques de l’échec et de la quête absurde qui seront récurrentes tout au long de l’œuvre du cinéaste.

Cinq ans plus tard, dans Le Grand sommeil (The Big Sleep, 1946) réalisé par Howard Hawks et inspiré par un autre grand romancier noir américain, Raymond Chandler, Bogart interprétera un personnage similaire à Sam Spade, le célèbre détective Philip Marlowe. En 1947, avec l’histoire d’un groupe d’hommes qui se disputent la possession d’un trésor qui échappera à tous, John Huston reprendra le canevas du Faucon Maltais pour réaliser Le Trésor de la Sierra Madre.

Steve Le Nedelec

Le Faucon Maltais est disponible en Blu-ray chez Warner Bros.

Le Faucon Maltais (The Maltese Falcon) un film de John Huston avec Humphrey Bogart, Mary Astor, Peter Lorre, Sydney Greenstreet, Elisha Cook Jr., Gladys George, Barton MacLane, Lee Patrick, Ward Bond, Jerome Cowan, James Burke… Scénario : John Huston d’après le roman de Dashiell Hammett. Directeur de la photographie : Arthur Edeson. Décors : Robert M. Hass. Costumes : Orry-Kelly. Musique : Adolph Deutsch. Montage : Thomas Richards. Producteur : Hal B. Wallis. Production : Warner Bros. Etats-Unis. 1941. 101 minutes. Noir et blanc. Format image : 1,37 :1. Son Version originale sous-titrée en Français. DTD-HD Master audio. Tous Publics.