Fort Ti – William Castle

Albany, 1759. Le Capitaine Jed Horn (George Montgomery) et le Sergent Wash (Irving Bacon), deux Rangers, arrivent en ville. Ils portent un message du commandant Rogers au Général des troupes anglaises. Il a besoin de renfort pour repousser les Indiens. Tandis que le Général mandate les Rangers pour mettre la main sur son pire ennemi Raoul de Moreau, les indiens attaquent la ferme Chesney et kidnappent la femme et les enfants de Mark (James Seay), le beau-frère de Jed. Les Français utilisent cet enlèvement pour exercer un terrible chantage sur  Mark…

Fort Ti est le premier western en 3D et, dès le premier plan, tout est fait pour en mettre plein la vue du spectateur. La caméra en travelling avant cadre un canon, dont le premier tir éclate sur le titre du film. Fort Ti joue pleinement avec les attentes du public ne ménageant pas ses effets tout au long de l’histoire. Ce qui prime avant tout est la mise en scène du relief. Toute la panoplie des effets 3D est présente, tout est jeté au visage des spectateurs: flèches et torches enflammées, planches, débris de verre, couteaux, haches, lances, coup de crosse, etc. La lourdeur du matériel de prise de vues 3D explique en partie le statisme des séquences dialoguées. Le meilleur restant les séquences d’actions avec ses attaques d’Indiens et les combats contre les Français.

Pourtant au sein de cette intrigue des plus routinières, arrive un moment surprenant. Jed sauve une très belle femme Fortune Mallory (Joan Vohs) d’une tentative de viol. Il la soupçonne d’être au service des Français honnis. Bien évidemment, il s’instaure entre les deux une histoire d’amour, rien de bien excitant, sauf qu’en chemin, Jed rencontre un ami canadien, le jovial Leroy. Arrivé à proximité de sa maison, la femme de Leroy, « Loutre Joyeuse » (!), se précipite vers Jed et l’embrasse à pleine bouche ! « Parfois je me demande si ma femme ne passe pas son temps à l’attendre » concède Leroy à l’oreille de Fortune. La situation a de quoi surprendre, nous sommes dans un film des années 50, surtout qu’elle se poursuit de la même manière avec un dialogue des plus bizarres : « On ne dirait pas qu’il est comme son père » alors qu’ils continuent le plus joyeusement du monde à s’embrasser ! « A nous trois, on fait une belle famille » de quoi rendre jalouse la plus indulgente des femmes. Une concurrence entre les deux femmes éclate aussitôt… on a connu des conflits pour moins que ça !

George Mongomery incarne le parfait héros intègre et donneur de leçon, il le fait si bien qu’il en devient presque antipathique avec ses grands airs. Quant à Joan Vohs, elle a le charme naturel qui caractérise à merveille ce genre de personnage.

Fort Ti s’inscrit dans la deuxième partie de la carrière de William Castle, succédant à sa période films policiers et précédant celle des thrillers horrifiques. Il réalise pendant quelques années plusieurs westerns de série B en couleur sans parvenir à y trouver ses marques. Les grands espaces inspirent moins Castle que les chambres dans la pénombre. Quoiqu’au détour d’une séquence où Jeb et ses compagnons d’infortune se réfugient de nuit dans la caverne d’un cimetière indien où pullulent les squelettes et les chauves-souris, on entrevoit l’espace de quelques secondes le côté macabre de Castle qu’il saura si bien exploiter par la suite.

Fernand Garcia

Fort Ti est édité par Sidonis / Calysta dans la collection Western de Légende. Très beau report, image et son restaurés, dommage que le film ne soit pas proposé dans sa version 3D. En complément, une présentation du film par Patrick Brion « Un film sans prétention (.) une curiosité » (9 minutes). Enfin une galerie photos d’affiches d’époque de Fort Ti.

Fort Ti un film de William Castle avec George Montgomery, Joan Vohs, Irving Bacon, James Seay, Ben Astar, Phyllis Fowler, Howard Petrie, Cicely Browne… Histoire & scénario : Robert E. Kent. Directeur de la photographie : Lester H. White & Lothrop B. Worth. Consultant Technicolor : Francis Cugat. Décors : Paul Palmentola. Montage : William A. Lyon. Producteur : Sam Katzman. Production : Columbia Pictures. Etats-Unis. 1953. 71 minutes. Couleur. Technicolor. Filmé en Natural Vision 3-Dimension. Format image : 1,33 :1. 16/9e compatible 4/3. Son Dolby Digital mono. 2.0. VF et VOSTF. Inédit en France. Tous Publics.