Dunkerque – Christopher Nolan

1940. Les troupes britanniques (en grande partie) mais aussi françaises, néerlandaises, belges, etc., au bas mot, plus de 400 000 hommes qui se retrouvent coincés entre la mer du Nord et les troupes du IIIe Reich dans la poche de Dunkerque. A peine 40 kilomètres séparent les côtes anglaises de Dunkerque. Les autorités britanniques lancent l’opération Dynamo pour évacuer les soldats. Winston Churchill espère récupérer au mieux 40 000 hommes… A l’arrivée, c’est 330 000 qui traverseront la Manche. C’est la « réussite » de cette opération qui intéresse Christopher Nolan. Son film s’articule autour de trois groupes de soldats sur trois espaces-temps différents. L’effet simple : avec trois sur-titrages, une heure, un jour, une semaine sur trois plans, le tour est joué. Ainsi nous suivons un soldat, durant une semaine, qui tente d’embarquer. La traversé et le retour en une journée d’un père et de ses deux fils à bord d’un Little Ship qui part secourir des soldats. Et enfin, deux pilotes de la RAF qui, en une heure, tentent de protéger les navires et les soldats des attaques allemandes sur la plage.

La volonté de Nolan est de nous immerger au cœur de l’événement. Tout est mis en œuvre dans ce sens. Il pousse son film vers une sorte d’abstraction qui pose question. Où sommes-nous? A Dunkerque – c’est le titre du film. Que se passe-t-il? Là c’est plus complexe, qui ne connaît pas l’histoire n’en saura pas plus à l’arrivée. Le film de Nolan s’apparente à un gigantesque jeu vidéo. Tout est destiné à nous faire ressentir l’horreur et à nous mettre à la place de ces hommes. Esthétiquement Nolan cherche à nous donner une vision de cauchemar tel que l’ont vécu les hommes à l’époque. Mais sa vision cauchemardesque est sous antibiotique. C’est l’horreur grand public avec son mappage musical. Si le montage entremêle habilement les trois actions, nous perdons pied bien vite et finissons par nous demander mais contre qui se battent-ils ? Le dialogue évoque pendant un long moment uniquement des ennemis, rien de plus. Ce n’est qu’à moitié du film que les Allemands sont cités. C’est bien de la Seconde Guerre mondiale dont il est question, des soldats du Reich nous n’en verrons qu’à la fin, sorte d’ombres fantomatiques dans un plan particulièrement esthétisant. Comme d’ailleurs tout le film.

L’impact « sensoriel » doit être maximal: le mixage du film est remarquable, le montage s’organise dans sa première partie en une progression vers un étrange climax et son basculement vers la seconde partie. Ce point « grandiose » du film est une exaltation patriotique qui transforme chaque personnage en héros. La guerre c’est ça – chaque combattant (du bon côté) est un héros, point barre. Aucune remise en cause de quoi que ce soit. A peine une toute petite pique contre Churchill et encore. Puis, en off, un article de journal met en avant ces héros du quotidien, soldat ou citoyen. Nolan se donne du mal, sa réalisation est efficace, pourtant on se dit que dans les années soixante, Henri Verneuil avec Week-end à Zuydcoote d’après le roman de Robert Merle était autrement plus lucide sur la réalité des hommes et de l’événement. La comparaison entre les deux films tourne curieusement plus d’une fois à l’avantage de Verneuil. Il y avait chez Verneuil un souci du détail bien plus prononcé que chez Nolan. Mais c’est avant tout cette dimension patriotique et héroïque qui sépare les films. En d’autres temps, Dunkerque eut été taxé sans peine de film de propagande.

Fernand Garcia

Dunkerque (Dunkirk), un film de Christopher Nolan avec Fionn Whitehead, Damien Bonnard, Aneurin Barnard, Lee Armstrong, Mark Rylance, Tom Hardy, Kenneth Branagh, James D’Arcy… Scénario : Christopher Nolan. Directeur de la photographie : Hoyte Van Hoytema. Décors : Nathan Crowley. Costumes : Jeffrey Kurland. Montage : Lee Smith. Musique : Hans Zimmer. Producteurs : Christopher Nolan – Emma Thomas – Production : Warner Bros. – Syncopy – Dombey Street Production – Kaap Holland Film – RatPac – Dune Entertainment – Canal+ – Ciné+. Distribution (France) : Warner Bros. (Sortie le 19 juillet 2017). Royaume-Uni – Etats-Unis – France – Pays-Bas. 2017. 106 mn. Super Panavision 70 et Imax 65 mm. Pellicule Kodak. Couleur. Format image 70 mm : 2.20 :1. Son : Dolby Digital. Copie : 35 mm Scope / 70 mm et DCP. Tous Publics.