Amants super-héroïques – Paolo Genovese

Juillet 2022, le télescope spatial James Webb nous fait parvenir l’image de galaxies formées, il y a 13 milliards d’années. Photo d’une portion du ciel équivalent à la taille d’un grain de sable. Lumière lointaine du plus profond de l’Univers où la notion du temps n’existe pas ou alors autrement. Image déjà disparue et pourtant devant nos yeux. L’homme mesure le temps dans son désir de contrôler le monde, mais une simple donnée microscopique peut remettre à plat toutes les certitudes.

Il en va ainsi des êtres humains. Une simple rencontre une nuit sous la pluie et le destin d’Anna (Jasmine Trinca) et Marco (Alessandro Borghi) se retrouve modifier à jamais, vingt années de fusion, de rupture, de 2000 à 2020, une vie à l’échelle humaine et poussière à l’échelle de l’Univers. Paolo Genovese avec Amants super-héroïque cartographie la vie d’un couple de notre temps. Comment résister à l’usure du temps ? Comment vivre à deux ? Que reste-t-il des amours ? Questions simples et pourtant essentielles dans une civilisation occidentale qui a complexifié à l’extrême la notion de vie en commun et de famille. Stanley Kubrick avait vu juste avec Eyes Wide Shut (1999) : la dernière odyssée de l’Homme est le couple. Paolo Genovese, à sa manière, lui emboîte le pas dans le labyrinthe du temps.

Anna est dessinatrice de bande dessinée, elle trouve dans sa « nouvelle » vie l’inspiration pour une histoire de super-héros. Les siens sont loin de ceux de Marvel ou de DC Comics, ils vivent un quotidien de couple avec ses hauts et ses bas. Anna est célibataire avec ses rêves de couple, mais farouchement indépendante. Elle a du mal à faire de simples concessions de couple. Elle n’a que des amours d’une nuit, elle quitte ses amants par peur des sentiments futurs. Pourtant, Anna s’engage dans une relation avec Marco, une première, mais avec retenue et de manière chaotique. Rien n’est sûr et tout est aléatoire.

Chaque instant de « bonheur » est vécu comme un moment éphémère et sans descendance. Sa bande dessinée est comme un lien avec son enfance, elle recherche autant par sa création, une image idéalisée du passé que le témoignage d’un présent bien réel où s’accumulent les solitudes. Sa mère, personnage égocentrique, actrice, évoque dans une one woman show sur un mode humoristique ses rapports avec Anna de l’enfance à l’âge adulte. Thérapie solitaire et publique à destination d’une spectatrice : sa fille. Comme souvent le particulier rejoint le général. Tout le monde a vécu des problèmes avec ses parents et de couple. Elle transforme son mal-être en œuvre, ce que fait aussi, à sa manière, sa fille. Anna est une rêveuse qui se confronte à la réalité avec maladresse.

Marco est l’inverse d’un rêveur, il calcule dans des formules mathématiques le monde. Tout s’explique et peut se mettre en équation. Il a vécu des histoires d’amour, mais celles-ci se sont terminé, comme l’on arrive au résultat d’un calcul, après, il n’y a plus qu’à recommencer. Ainsi, il a laissé sur la marge de ses amours. Résultat d’un mauvais calcul, Pilar (Greta Scarano) est restée en suspens. Elle l’attend toujours, sans avoir fait son deuil d’une relation où elle l’a aimé trop fort. Marco cherche la stabilité, mais Anna est incapable de lui donner satisfaction. Ils ont tous pour vivre ensemble. Plus ils s’éloignent et plus l’attraction est forte. Un lien invisible les relie par-delà le temps et l’espace.

Paolo Genovese glisse dans le temps, le passé et le présent ne font plus qu’un. Les souvenirs remontent, les premiers moments, l’amour, les méprises, les amis, séparations et retrouvailles, les voyages se confondent pour raconter l’histoire d’Anna et Marco. Les années passent, pour Anna et Marco, c’est toujours le même désir, mais pas au même moment. Ce décalage va sceller leur destin. Marco, découvre qu’à la réalité, il faut la force de l’imaginaire pour aller plus loin. Anna découvre qu’à l’imaginaire, il faut la réalité pour aller plus loin. L’envie d’un enfant apparaît rapidement dans leur relation. Mais comment faire quand vivre ensemble est impossible ?

Le couple Alessandro BorghiJasmine Trinca fonctionne à merveille. Ils donnent toute son intensité à cette relation navigante au fil du temps. Trinca a la candeur irritante de l’indécision au charme renversant. Borghi, est impeccable en professeur ébranlé dans ses certitudes mathématiques. Ils sont émouvants et authentiques.

Amants super-héroïques est autant une comédie romantique qu’un mélodrame ambitieux, même si l’on se perd dans les faisceaux du temps, Genovese emporte le spectateur. Dans son mélodrame à la Love Story, Paolo Genovese en fait parfois trop, dédoublant le drame de Marco et Anna à l’antichambre de la mort et abusant parfois d’effets de soleil face objectif. Mais son histoire tient la distance. Évidemment, les grandes histoires d’amour sont parcourues par l’angoisse de la mort. Paolo Genovese y répond par la pérennité de la création. Le salut est chez l’enfant, dans l’Art et la vie continue.

Fernand Garcia

Amants super-héroïques un film de Paolo Genovese avec Alessandro Borghi, Jasmine Trinca, Greta Scarano, Elena Sofia Ricci, Vinicio Marchioni, Flavio Parenti, Gwendolyn Gouvenec, Linda Caridi, Beppe Severgnini, Angelica Leo, Giacomo Mattia… Scénario : Paolo Genovese, Rolando Ravello et Paolo Costella. Image : Fabrizio Lucci. Décors : Chiara Balducci. Costumes : Gemma Mascagni. Montage : Consuelo Catucci. Musique : Maurizio Filardo. Producteurs délégués : Ughetta Curto et Ilaria Zazzaro Producteur : Marco Belardi. Production : Lotus Production (Leone Group) – Medusa Film avec la participation de Prime Video. Distribution (France) : L’Atelier Distribution (Sortie : 3 août 2022). Italie. 2021. 120 minutes. Couleur. Format image : 2,39 :1. Son : 5.1. DCP. Version Originale avec sous-titres français et Version Française. Tous publics. Sélection Festival du Film de Cabourg – Panorama.