Sadao Yamanaka – Festival de la Cinémathèque, 2024

Présentation et programme

Festival de la Cinémathèque : Sans la connaissance de notre passé, notre futur n’a aucun avenir. C’est pourquoi le passé est un présent pour demain.

Le Festival de la Cinémathèque (ex Toute la mémoire du monde), le Festival international du film restauré fête ses 11 ans avec une riche sélection de restaurations prestigieuses accompagnées d’un impressionnant programme de rencontres, de ciné-concerts et de conférences.

La Section SADAO YAMANAKA, propose trois restaurations récentes de films de l’un des grands noms du cinéma japonais des années 30, mort à 29 ans après avoir réalisé 25 films.

Né à Kyôto en 1909, dès la fin de ses études, Sadao Yamanaka débute sa carrière à 17 ans en intégrant en tant qu’assistant scénariste la société de production de Masahiro Makino, puis celle de l’acteur Kanjûrô Arashi, pour lequel il écrit de nombreux scénarios. Il réalise son premier film en 1932 : Le Sabre de chevet (Dakine no nagadosu). En 1933, il est engagé par la Nikkatsu. Reconnu par la critique comme par le public, dès 1934, le cinéaste prend part aux activités du « groupe de Narutaki » (Narutaki-gumi), à Kyôto. Le groupe est composé de jeunes amis réalisateurs et scénaristes. Jusqu’en 1937, Sadao Yamanaka écrit 54 scénarios et réalise 26 jidaigeki (films à caractère historique), un genre qu’il va contribuer à moderniser en le réinventant formellement et en y injectant de l’irrévérence et de la parodie. Yamanaka se distingue alors comme l’un des auteurs majeurs de la nouvelle vague qui caractérise le premier âge d’or du cinéma japonais des années 30. Il est ensuite invité par le P.C.L. (Laboratoires photochimiques), ancêtre de la future Tôhô, où il réalise son ultime film, Pauvres humains et ballons de papier, considéré comme l’un des plus grands du cinéma japonais. Tout en lyrisme retenu et une distance ironique, le cinéma de Sadao Yamanaka marie parfaitement réalisme et expressionnisme. Notons que la singularité de l’œuvre du cinéaste présente certaines affinités avec celle d’Ozu : « Tous deux se servaient de techniques qu’on reconnaîtrait aujourd’hui comme minimalistes. Ils dépouillaient le plateau de tout ce qui n’était pas essentiel : ils réduisaient au minimum les gestes des acteurs ; ils exprimaient leurs idées indirectement, par des plaisanteries, des apartés et des conversations brèves et suggestives. » Donald Richie. Mobilisé pour la Mandchourie, Sadao Yamanaka y meurt prématurément, à l’âge de 29 ans, des suites d’une dysenterie.

Pauvres humains et ballons de papier (Ninjô kamifûsen, 1937) de Sadao Yamanaka, d’après la pièce Kamiyui Shinzo de Kawatake Mokuami. – 90 mn – Avec Chôjûrô Kawarasaki, Emitarô Ichikawa, Shizue Yamagishi…

L’histoire du film se déroule dans les bas-fonds de Tokyo à l’ère Edo. Il témoigne du quotidien misérable de divers personnages d’un même quartier. Un barbier féru de jeux d’argent est traqué par les hommes de main d’un gang local, un samouraï désespéré se suicide, un autre rônin cherche en vain du travail, tandis que son épouse fabrique des ballons de papier pour survivre, un notable s’efforce de marier sa fille… Métaphore de l’existence humaine, les ballons de papier finissent emportés par le courant du caniveau, conclusion d’un film à la noirceur ironique, qui révise les codes du drame traditionnel.

Avec ses personnages qui parlent le japonais contemporain ou encore la conduite des samouraïs qui n’observe plus le rituel en vigueur, Pauvres humains et ballons de papier détruit les vieux stéréotypes comme les conventions. En résulte une œuvre libre à la fraîcheur inédite. Restauration et numérisation 4K en 2020 par la Japan Foundation. Pauvres humains et ballons de papier est présenté en avant-première parisienne dans le cadre de sa ressortie en salles par Bac Films.

Le Pot d’un million de Ryô (Tange sazen yowa : hyakuman-ryô no tsubo, 1935) de Sadao Yamanaka, d’après le roman Tange Sazen de Hayashi Fubô – 92 mn – Avec Denjirô Ôkôchi, Kiyozô Shinbashi, Kunitarô Sawamura…

À l’occasion du mariage de son frère, le seigneur du clan Yagyû offre en cadeau un simple pot orné d’une tête de singe. Désargenté et vexé de recevoir un bien de si peu de valeur le marié se débarrasse du vieux pot dont il a hérité. Yasu, un petit orphelin des quartiers pauvres, le récupère pour élever des poissons rouges. Mais Lorsque le seigneur et son frère découvrent ensuite que ce dernier contenait une carte menant à un trésor caché valant un million de ryô, ils se lancent dans une quête effrénée pour le récupérer. Tange Sazen, un samouraï borgne et manchot se voit dans l’obligation de protéger le petit orphelin.

Héros populaire de la littérature des années 20, Tange Sazen est un guerrier borgne et manchot qui fut plusieurs fois incarné au cinéma. La version comique de Yamanaka met en vedette l’acteur Denjirô Ôkôchi, dans une histoire de carte au trésor cachée au fond d’un vieux pot en terre. Une parodie du film de samouraï qui s’amuse de la tendresse des durs à cuire et s’achève par un message humaniste.

Restauration 4K en 2020, d’après une copie 35 mm issue du négatif original et une bande muette pour projecteurs domestiques, éléments conservés par les Archives du film japonaises. Le Pot d’un million de Ryô est présenté en avant-première parisienne dans le cadre de sa ressortie en salles par Bac Films.

A noter que la projection du film sera précédée de celle de Nezumikozô Jirokichi réalisé par Rintarô. Nezumikozô Jirokichi est un court métrage d’animation muet de 24 minutes qui rend hommage à l’un des films perdus de Yamanaka.

Priest of Darkness (Kôchiyama Sôshun, 1936) de Sadao Yamanaka, d’après la pièce de kabuki Kôchiyama Sôshun de Kawatake Mokuami – 82 mn – Avec Chôjûrô Kawarasaki, Senshô Ichikawa, Setsuko Hara …

Kôchiyama Sôshun, qui tient une salle de jeu au-dessus d’une taverne, et Kaneko, un rônin employé comme garde du corps et collecteur de taxes par le clan Moritaya, s’allient pour venir en aide à Onami, une jeune fille qui tient une petite échoppe d’amazake. Cette dernière risque de sombrer dans la prostitution à cause de dettes engendrées par les méfaits de son frère Hirotarô mais aussi de la jalousie d’Oshizu, la femme Kôchiyama Sôshun.

Dans un quartier pauvre de Tokyo, deux voisins décident d’aider une jeune fille prise dans un enchaînement d’événements dramatiques. Refusant le mode de fonctionnement féodal en vigueur dans le kabuki, Yamanaka détourne les conventions et modernise une pièce du grand dramaturge Kawatake Mokuami, pour mettre à jour les hiérarchies sociales et les mécanismes de pouvoir, dans un mélodrame mâtiné d’humour, qui décrypte subtilement les sens de l’honneur et du sacrifice.

Restauration en 4K en 2020, par la Nikkatsu et la Fondation du Japon, au laboratoire Imagica Lab. Inc., sous la supervision technique des Archives nationales du film japonaises, d’après une copie 16 mm du négatif original conservé par la Nikkatsu Corporation. Priest of Darkness est présenté en avant-première parisienne dans le cadre de sa ressortie en salles par Bac Films.

Moment privilégié de réflexion, d’échange et de partage qui met l’accent sur les grandes questions techniques et éthiques qui préoccupent cinémathèques, archives et laboratoires techniques mais aussi, bien évidemment (on l’espère encore !), éditeurs, distributeurs, exploitants et cinéphiles, le Festival de la Cinémathèque, né dans le contexte de basculement du cinéma dans l’ère du numérique, propose une fois de plus, cette année encore, une programmation exceptionnelle en donnant à voir aux spectateurs les chefs d’œuvre comme les œuvres moins connues (curiosités, raretés et autres incunables) du patrimoine du cinéma. Avec toujours un élargissement « Hors les murs » dans différentes salles partenaires de la manifestation à Paris et banlieue parisienne, puis, dans la continuité du festival francilien, en partenariat avec l’ADRC (Agence nationale pour le développement du cinéma en régions), plusieurs films qui tourneront après le festival dans des cinémas en régions, pour sa onzième édition, le Festival International du film restauré, renommé cette année « Festival de la Cinémathèque », s’affirme comme étant l’immanquable rendez-vous dédié à la célébration et à la découverte du patrimoine cinématographique mondial.

Créé par La Cinémathèque française en partenariat avec le Fonds Culturel Franco-Américain et Kodak, et avec le soutien de ses partenaires institutionnels et les ayants droit essentiels aux questions de patrimoine, ce festival est incontournable pour les cinéphiles passionnés, les amoureux du patrimoine cinématographique, les archivistes, les historiens, les chercheurs et autres curieux. Riche et foisonnante, la programmation du festival nous propose un panorama très éclectique des plus belles restaurations réalisées à travers le monde et salue ainsi non seulement le travail quotidien des équipes des différentes institutions, mais nous fait également prendre toute la mesure de la richesse incommensurable de cet Art qui n’a de cesse de témoigner tout en se réinventant tout le temps.

Cinq jours durant, dans 9 cinémas (La Cinémathèque française, La Filmothèque du Quartier Latin, Le Christine Cinéma Club, L’Ecole Cinéma Club, La Fondation Jérôme Seydoux – Pathé, L’Archipel, L’Alcazar, Le Vincennes et Le Reflet Médicis) le Festival de la Cinémathèque propose cette année encore, près d’une centaine de séances de films rares et/ou restaurés présentés par de nombreux invités et répartis en différentes sections pour célébrer le cinéma de patrimoine et fêter en beauté son onzième anniversaire.

Afin de ne rien manquer de cet évènement, rendez-vous à La Cinémathèque française et dans les salles partenaires du festival du 13 au 17 mars.

Steve Le Nedelec