Qui marche sur la queue du tigre – Akira Kurosawa

XIIe siècle, au Japon. Le prince Yoshitsune en disgrâce prend la fuite accompagnée par six fidèles vaseux. Déguisé en moine, le prince espère quitter le territoire mais pour ce faire, il doit passer le poste-frontière d’Ataka alors que toute l’armée est à sa recherche.

Qui marche sur la queue du tigre - Kurosawa -Toho

Qui marche sur la queue du tigre était, de manière incompréhensible, resté inédit en France. C’est une merveille d’intelligence et de mise en scène. Avec ce quatrième film, Akira Kurosawa est un cran au-dessus des précédents  (La Légende du grand judo I et II, Le plus beau).

Tourné en grande partie en extérieur, le film de Kurosawa s’attache au long chemin que parcourent le prince et ses hommes à travers la forêt. Ses magnifiques mouvements de caméra, travelling latéraux, combinés avec des volets, donnent un formidable rythme au film, pas un moindre moment de faiblesse. Avec un sens remarquable de la narration, Kurosawa nous fait découvrir le caractère des personnages au fil de leur progression dans la forêt. Les enjeux politiques entre le prince Yoshitsune et son frère au pouvoir sont parfaitement exposés. Kurosawa adjoint à ce cortège un porteur, un homme du peuple, avec lequel il va mettre en place un discours d’une grande finesse sur les rapports de classes. Le porteur est le personnage balloté par l’histoire sur lequel pas une ligne ne sera jamais écrite, pourtant, il est le témoin, l’acteur et la victime de la folie des puissants et des soldats.

QUI MARCHE SUR LA QUEUE DU TIGRE

La dernière partie, le poste-frontière, est une leçon de mise en scène. Avec son alternance de plans larges et de gros plans, Kurosawa crée un incroyable sentiment d’insécurité. Un suspense se met en place, une question se pose : le petit groupe va-t-il réussir à passer le poste-frontière ? Prodigieuse séquence avec ses rebondissements, le doute qui s’installe, et puis quand tout semble gagner pour les moines, la machine à suspicion redémarre. Des joutes verbales impressionnantes alliées à un découpage magistral caractérisent cette dernière partie. Qui marche sur la queue du tigre annonce les immenses réussites à venir, et plus d’une fois on pense à Rashōmon.

Tourné en 1945, Qui marche sur la queue du tigre ne sortira dans les salles japonaises qu’en 1952. Kurosawa subira une double censure, de la part de ses compatriotes qui lui reprocheront d’avoir tourné en ridicule la pièce d’origine en introduisant le personnage de porteur et d’autre part par l’occupant américain qui y verra l’apologie du féodalisme.

Qui marche sur la queue du tigre prouve par l’évidence qu’il n’y a pas de petit Kurosawa.

Fernand Garcia

Qui marche sur la queue du tigre

Qui marche sur la queue du tigre (Tora no o wo fumu otokotachi) un film d’Akira Kurosawa avec Denjirô Ôkôchi, Susumu Fujita, Ken’ichi Enomoto, Masayuki Mori, Takashi Shimura, Akitake Kôno. Scénario : Akira Kurosawa d’après les pièces de Nobumitsu Kanze et Gohei Namiki. Directeur de la Photographie : Takeo Itô. Décors : Kazuo Kubo. Montage : Akira Kurosawa. Musique : Tadashi Hattori. Producteur : Motohiko Itô. Production Toho. Distribution salle : Carlotta Film (sortie en France le 9 mars 2016). Edition DVD-Blu-ray HD : Wild Side. Japon. 1945-1952. Noir et blanc. Format image : 1.37 :1. DCP. 59 mn. Tous Publics.