Psychomagie, un art pour guérir – Alejandro Jodorowsky

Pour la première fois la Cinémathèque française accueille Alejandro Jodorowsky pour une rétrospective intégrale de son oeuvre cinématographique avec en ouverture son dernier film Psychomagie, un art pour guérir. En 2009, Alejandro avait écrit un essaie sur la psychomagie (Manuel de psychomagie, Albin Michel), art inventé et basé sur les actes et pas sur les paroles comme la psychanalyse. La psychomagie se pratique en parfait accord entre « guérisseur » et « malade » et de manière totalement désintéressé.

Avant la projection en avant-première à la cinémathèque, le cinéaste a assuré que tout ce qu’on voit dans Psychomagie est vrai car il n’y avait pas de deuxième prise d’un événement ce qui fausse, selon le cinéaste, tous les rapports humains.

Jodorowsky, qui a une réputation sulfureuse, presque chamanique,  a confié au public être content de pouvoir créer sans producteur, grâce aux dons récoltés sur Internet (crowdfunding) ce qui lui assure une parfaite liberté de création et ne trahie pas son crédo de rependre la vérité, la bonté et la beauté dans le monde.

Psychomagie, un art pour guérir est réalisé en duo (pascALEjandro) avec  sa femme, artiste peintre et designer Pascale Montandon, responsable de l’image.

Au début du film, Alejandro Jodorowsky à l’image nous explique le besoin de guérir le mal (viols, crises du couple, cancers) qu’ont subi des générations d’hommes et de femmes de sa famille ont abouti à la création de cet art particulier. Une personne lui expose son mal être et ensemble ils trouvent une façon métaphorique pour parler au subconscient du patient, car le principe de cet art est que les rêves enfermés dans la tête sortent enfin et deviennent la réalité.

Une jeune fille confie ne pas pouvoir enfanter car elle n’a jamais ressentie de l’amour de la part de sa mère, qui, à son tour, n’était jamais aimée par sa propre mère car elle était une enfant d’un homme qu’elle n’aimait pas. Dans des scènes très intimes du trio père, mère et fille, le cinéaste parvient à capter une douceur enveloppante qui berce la douleur latente qui se transforme en énergie créatrice. Quelques temps après la séance on découvre la protagoniste de l’histoire avec un joli ventre rond sublimée par l’attente d’un petit être.

Chaque être en souffrance porte une histoire douloureuse qui souvent enfouie dans l’inconscient le condamne à la solitude. Les épisodes « thérapeutiques » correspondent à des passages dans ses films, notamment ses deux derniers autobiographiques La Danza de la realidad (2013) et Poesia sin fin (2016). L’épisode du film la plus marquante peut-être est celle de l’homme bégayant, dont le subconscient s’était arrêté à garçon de 9 ans. Jodorowsky lui propose d’enfiler des habits de petit garçon et de passer une journée entière à Disneyland sans s’interdire des caprices infantiles. Puis l’on retrouve l’homme à l’intérieur d’une église, on enduit son sexe en sang et le reste de son corps d’une peinture de couleur dorée. Afin de faire venir l’image de la virilité en lui, le cinéaste-guérisseur prend l’homme par les testicules et lui demande de crier. Après cette séance, en sortant dans la rue, l’homme s’adresse aux gens sans bégayer.

Jodorowsky ne revendique pas le titre de chaman guérisseur, sa démarche est toute autre. Il est à l’écoute de l’être humain, c’est tellement rare aujourd’hui d’être écouté… Il absorbe le mal être d’une personne en le transformant dans une énergie créatrice. Dans un acte théâtral et poétique, il incite l’être à sortir de sa souffrance qui est une sorte de zone de sécurité et faire parti à nouveau de la société en tant qu’être unique, le maillon manquant de la chaine humaine.

Alejandro Jodorowsky est un réalisateur inclassable, ses films sont d’une générosité extravagante. Ceux qui ont participé à la séance de psychomagie à l’ouverture de la rétrospective savent que le cinéaste porte une aura mystérieuse d’artiste. « Levez vos bras, prenez vous tous par les petits doigts et faites des vagues… et maintenant criez » on obéit, ça ne coûte rien, une séance de vivre ensemble chorale… Mais une fois le maître parti, la magie poétique s’est évaporée, il ne reste même plus une poussière d’étincelle dans la salle.

Rita Bukauskaite

Psychomagie, un art pour guérir un film d’Alejandro Jodorowsky. Directeur de la photographie : Pascale Montandon-Jodorowsky. Conception couleur : PascALEjandro. Directeur de la production : Xavier Guerrero Yamamoto. Musique : Adan Jodorowsky. Production : Satori Films avec le soutien de La Région Ile-de-France. Distribution : Nour Films (Sortie le 2 octobre 2019). France. 2019. 104 minutes. Format image : 1.85 :1. DCP. Tous Publics. Ouverture de la rétrospective Jodorowsky à la Cinémathèque Française.