PIFFF 2019 – Jour 7

Mardi 17 décembre 2019

Au programme aujourd’hui : La Rediff. du PIFFF ; une « japanimation » féerique ; Une Séance Culte pour une plongée dérangeante dans les méandres de la folie fanatique ; et une belle histoire d’amour et de latex venue de Finlande pour clôturer cette édition 2019 du PIFFF.

12h00 Les Rediffs du PIFFF : WHY DON’T YOU JUST DIE (Papa, Sdokhni, 2018) de Kirill Sokolov – Interprètes : Vitaliy Khaev, Aleksandr Kuznetsov, Evgeniya Kregzhde, Michael Gor… – Russie – En Compétition – Première Française.

14h30 RIDE YOUR WAVE (Kimi to, nami ni noretara) de Masaaki Yuasa avec Ryôta Katayose, Rina Kawaei, Honoka Matsumoto, Kentarô Itô… – Japon – Hors Compétition.

Hinako, une jeune fille passionnée de surf, revient sur les terres de son enfance pour ses études, mais surtout pour surfer. Un soir, son appartement prend feu et elle est sauvée par un pompier nommé Minato. De cet incident va naître une histoire d’amour passionnelle et fusionnelle entre deux êtres aux éléments contraires. Le choc n’en est que plus grand quand la jeune fille apprend la mort de son compagnon, emporté par les flots en surfant seul. Pas le temps de porter le deuil que l’esprit de Minato se manifeste à Hinako dans des circonstances particulières…

Révélé au public international dès son premier long-métrage, le monumental Mind Game (2004), Masaaki Yuasa s’est joué de l’énorme attente suscitée par ce coup d’éclat. Tandis que Lou et l’Île aux Sirènes (2017) tendais vers le merveilleux, la mini-série Devilman : Crybaby (2018) diffusée sur Netflix se vautrait dans le trash. Dans Ride Your Wave, l’imagination débordante de Yuasa fait se succéder des rebondissements toujours plus inattendus les uns que les autres.  Si l’animation est une fois encore d’une beauté à couper le souffle, l’auteur développe dans son histoire ses thèmes de prédilection : le grand amour, l’amour perdu, la mort, le deuil, l’amitié, la recherche de soi et de sa place dans le monde. Dans l’esprit de Ghost (1990) de Jerry Zucker ou de La Forme de l’Eau (2017) de Guillermo del Toro, Ride Your Wave est une magnifique romance fantastique. Féerique. N’hésitez plus, prenez la vague !

Ride Your Wave a été présenté aux derniers Festivals internationaux d’Annecy et de Shanghai, au Festival international du film Fantasia de Montréal et au Festival international du film fantastique de Sitges.

16h30  EMPRISE (Frailty, 2001) de et avec Bill Paxton et Matthew McConaughey, Powers Boothe, Matt O’Leary… – Etats-Unis – Les Séances Cultes.

Le Texas vit sous la terreur d’un tueur en série qui se fait appeler « La Main de Dieu ». Une nuit, Fenton Meiks s’en va raconter à Wesley Doyle, l’agent du FBI en charge de l’enquête, son incroyable histoire familiale commencée vingt ans plus tôt, en 1979. Son père se disait mandaté par Dieu en personne pour débarrasser la surface de la terre de « démons » à l’apparence humaine, ses deux fils à ses côtés pour l’assister dans cette effroyable besogne.

Pour ses premiers pas derrière la caméra, Bill Paxton a confié l’un des rôles principaux de son film à Matthew McConaughey qui déploie ici un récit en flashbacks se situant dans les méandres occultes de l’Amérique profonde. Sous un œil aussi investi derrière que devant la caméra, Bill Paxton place Matthew McConaughey au cœur du mal. Contacté par les producteurs du film, à l’origine, Bill Paxton ne devait être que l’un des interprètes et le co-producteur du film. Mais son intérêt pour le sujet du film qui révèle les dangers d’une Amérique puritaine et repliée sur elle-même, a poussé le comédien à se lancer dans la réalisation de son premier long métrage. Plongée dérangeante dans les tréfonds de l’esprit humain qui peut mener certains individus à une démence mystique, avec Emprise et son atmosphère poisseuse dérangeante, le cinéasteutilise le genre de manière subtile et singulière pour traiter à la fois des thèmes de l’amour familial, du doute, du désespoir, de la religion, du fanatisme et de la folie. Inspirée par la technique de mise en scène et l’univers de Sam Raimi qu’il a pu observer lorsque ce dernier l’a dirigé sur le splendide Un Plan Simple (1998), l’unique incursion de Bill Paxton dans le cinéma d’horreur, qui plus est par des sentiers particulièrement « osés », est non seulement réussie mais toujours aussi fascinante et puissante. Aujourd’hui, en 2019, Emprise n’a peut-être jamais aussi bien porté son nom.

19h30 DOGS DON’T WEAR PANTS (Koirat eivät käytä housuja) de J.-P. Valkeapää avec  Pekka Strang, Krista Kosonen, Ilona Huhta, Oona Airola… – Film de Clôture – Finlande/Lettonie – Hors Compétition.

Juha a perdu sa femme dans une noyade accidentelle des années plus tôt. Le respecté chirurgien continue de porter son deuil et de vivre replié sur lui-même. Alors que ce dernier accompagne sa fille au salon de piercing, ses déambulations à l’étage le font tomber nez à nez sur Mona, une dominatrice. Cette rencontre sous les néons réveille en lui des émotions enfouies qu’il ne va cesser de vouloir explorer toujours plus loin. Devenir le « chien » de Mona est pour Juha une manière de se rapprocher de sa défunte épouse. Mais sera-t-il digne de porter un pantalon ?…

A priori, un film finlandais / letton, avec un titre saugrenu et un sujet chargé en connotations négatives, peut sembler un choix inopportun pour la clôture d’un festival. D’une beauté époustouflante et à l’opposé de toute volonté scabreuse, le troisième long-métrage du trop rare J.-P. Valkeapää (Le Visiteur, 2009 ; They Have Escaped, 2014) nous invite à revoir nos préjugés. Brillamment construit autour des dualités existantes entre l’obscurité intérieure et la lumière extérieure, entre la norme et la marginalité ou encore le bonheur et la souffrance, l’univers du film développe les thématiques de l’identité, du deuil et de l’acceptation de soi. Inattendu, perturbant, faisant rimer douleur et sensualité, violence et douceur avec une intelligence et une subtilité rares, Dogs Don’t Wear Pants est une pure merveille, euphorisante et galvanisante, du genre que l’on adore. Suivant le parcours intérieur et cathartique de Juha, évitant tout pathos et jugement, cette fine auscultation de la douleur célèbre la vie, la tolérance, l’acceptation et l’authenticité. Dogs Don’t Wear Pants est une oeuvre lumineuse, une belle histoire d’amour et de latex, un pur plaisir pour le spectateur.

Dogs Don’t Wear Pants a été présenté au  Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg et à la Quinzaine des Réalisateurs au dernier Festival de Cannes.

Rendez-vous l’année prochaine.

Steve Le Nedelec