PIFFF 2019 – Jour 2

Jeudi 12 décembre 2019

Au programme aujourd’hui : Deux Séances Cultes : Une pour un merveilleux Spielberg et l’autre pour un éblouissant Ronny Yu ; Début de la compétition avec un film d’horreur métaphorique venu d’Irlande et un excellent film à sketchs ; Un documentaire passionnant sur un Classique incontournable et la Rediff du PIFFF du film d’Ouverture.

09h00  RENCONTRES DU TROISIEME TYPE (Close Encounters of the Third Kind, 1977) de Steven Spielberg avec Richard Dreyfuss, Teri Garr, François Truffaut, Melinda Dillon… – Etats-Unis – Les Séances Cultes – Séance Jeune Public.

La vie de Roy Neary change du tout au tout lorsqu’un soir il assiste à ce qu’il pense être un vol d’ovni au-dessus de sa voiture dans sa paisible bourgade de l’Indiana. D’autres personnes sont également témoins de ce type de phénomène : Barry Guiler, un petit garçon de quatre ans, est réveillé par le bruit de ses jouets qui se mettent en route… Des faits étranges se produisent un peu partout dans le monde : des avions qui avaient disparu durant la Seconde Guerre mondiale sont retrouvés au Mexique en parfait état de marche, un cargo est découvert échoué au beau milieu du désert de Gobi,… Obsédé par ce qu’il a vu et hanté par une image de montagne qu’il essaie désespérément de reconstituer, Neary est abandonné par sa femme Ronnie et ses enfants. Il n’y a que Jillian, la mère du petit Barry, qui le comprenne. L’obsession de Neary pour ces événements affecte son moral, ses rapports avec sa famille, et sa confiance dans les autorités et la commission internationale qui, sous la direction du savant français Claude Lacombe, est sur le point de faire une découverte cruciale.

Un enfant filmé à sa hauteur dans l’encadrement d’une porte d’où émane une lumière à la fois aveuglante et accueillante, une montagne, symbole et lieu emblématique du film, dont on n’oubliera plus jamais la forme ou encore cinq notes de musique immédiatement identifiables et devenues iconiques, « blockbuster » ancré dans une réalité déconcertante et dans le même temps authentique film d’auteur, Rencontres du Troisième Type annonce le style singulier et forge l’esthétique imaginaire du cinéma de Steven Spielberg. Il est la matrice de l’œuvre du cinéaste. Avec l’impressionnant travail sur la photographie (lumières, contrastes, couleurs,…) effectué par le chef opérateur Vilmos Zsigmond, la sublime bande originale composée par John Williams, la distribution réunissant à l’écran le formidable Richard Dreyfuss que Spielberg a déjà dirigé dans Les Dents de la mer, et l’inattendu et remarquable cinéaste François Truffaut qui joue ici pour l’unique fois dans un film sans être en même temps derrière la caméra, et bien évidemment le talent de conteur du magicien Spielberg, tourné en images réelles en utilisant des maquettes, Rencontre du Troisième Type se place, avec une évidence déconcertante, au croisement des œuvres de Georges Méliès et de Jules Vernes.

« En fait j’avais écrit le rôle pour Truffaut mais j’étais sûr qu’il dirait non… sans même lui donner une chance de me le dire. J’en étais tellement persuadé que j’ai offert le rôle à Lino Ventura, Yves Montand… à travers leurs agents, sans les rencontrer. Puis j’ai rencontré Depardieu, Philippe Noiret, Michel Piccoli. J’ai quand même demandé son numéro de téléphone à un ami. Il savait qui j’étais parce qu’il avait aimé « Duel ». Nous avons commencé à parler, avec un interprète, et je n’aurais jamais osé espérer ce qui a suivi. Il m’a demandé de lui envoyer le script très vite et m’a dit qu’il lui tardait vraiment de le lire. Une semaine après que je lui aie fait parvenir le scénario, il a envoyé un télégramme à la productrice du film, Julia Philipps, en lui disant : « Suis intéressé par le film. Quand commence-t-on? » ». Steven Spielberg – Première – 1986.

Faire confiance en l’inconnu. Se laisser guider par l’Autre. Première œuvre sérieuse consacrée aux ovnis, véritable manifeste pour un cinéma familiale divertissant, spectaculaire, ludique et humaniste, le film propose une magie cinématographique rarement égalée concernant la découverte de l’inconnu. Savant mélange de science-fiction et d’aventure humaine, le film développe dans le même temps le drame intime, l’implosion sourde de la famille sous l’influence d’un père d’abord absent en esprit puis absent physiquement. Aussi bien sur le fond que par sa forme, le film transcende la condition humaine. La fusion de ces deux récits donne une œuvre à l’émotion unique et indémodable, une œuvre inoubliable et immanquable sur grand écran. Invitation au voyage, à l’imaginaire et à la réflexion, Rencontre du Troisième Type n’est rien moins qu’une merveilleuse et intemporelle invitation au cinéma. Chef-d’œuvre.

12h00 Les Rediffs du PIFFF  COLOR OUT OF SPACE de Richard Stanleyavec Nicolas Cage, Joely Richardson, Madeleine Arthur, Elliot Knight… – Film d’Ouverture – Etats-Unis/Portugal/Malaisie – Hors Compétition – Première Française, dernière projection.

14h30  THE HOLE IN THE GROUND de Lee Cronin avec Seána Kerslake, James Quinn Markey, Kati Outinen, David Crowley… – Irlande – En Compétition.

Sarah et son fils Christopher viennent d’emménager dans une maison isolée au milieu de la forêt irlandaise afin de démarrer une nouvelle vie. Après une installation placée sous le sceau de l’hostilité, au cours d’une balade en forêt, Chris disparaît un instant. Sarah parvient à le retrouver et découvre en même temps un énorme gouffre au cœur des bois. Quelques temps après, elle remarque que le comportement de Chris s’assombrit et devient étrange.

Avec une maison isolée dans les bois, une mère célibataire et son inquiétant petit garçon, une voisine à la limite de la folie ou encore un effrayant cratère, surfant sur l’héritage des croyances et du folklore des cultures chrétiennes, celtes et païennes du pays, le réalisateur Lee Cronin signe avec The Hole in the Ground, un film d’horreur en bonne et due forme. Par l’impressionnante habileté et maîtrise de sa mise en scène, Lee Cronin parvient à faire régner dans son premier long-métrage une ambiance oppressante particulièrement dérangeante. Son film prend le temps de créer le malaise en jouant de toutes les nuances de ténèbres à sa portée (l’aura surnaturelle des bois la nuit, les forces maléfiques provenant des entrailles de la Terre,…). Dès le plan d’ouverture où la mère regarde son fils s’amuser de ses reflets devant un miroir déformant, en un instant, le film pose ses thématiques (l’image de soi, le double, les mondes parallèles) et tous ses enjeux à venir. Le cinéaste maltraite ses personnages aussi bien physiquement que psychologiquement et distille l’angoisse avec un appétit rare. Toujours à la frontière entre la folie et le fantastique, les évènements étranges se multiplient. Se passe-t-il véritablement quelque chose ? Une mystérieuse entité a-t-elle pris possession et l’apparence de Chris ou Sarah est-elle en détresse psychologique ? Si le père n’est pas présent dans le film, son ombre plane toujours. Sarah fui son passé mais Chris est là pour le lui rappeler. Pour avancer dans la vie et éviter le retour du refoulé, il faut enterrer ses démons…

Porté par le parcours de Sarah, le film et son efficacité doivent beaucoup à son casting convaincant à commencer par la performance époustouflante de la comédienne Seána Kerslake. Quant au jeune James Quinn Markey, il campe de manière brillante toute l’ambiguïté du sinistre personnage de Christopher.

Intéressante proposition métaphorico-horrifique, sous sa forme de film d’horreur anxiogène, The Hole in the Ground est un drame psychologique efficace qui vous laissera comme un goût de terre dans la bouche.The Hole in the Ground a été présenté en première mondiale dans la section « Midnight » au dernier Festival de Sundance.

16h30 THE BRIDE WITH WHITE HAIR (Bai Fa Mo Nu Zhuan, 1993) de Ronny Yu avec Leslie Cheung, Brigitte Lin, Francis Ng, Elaine Lui… – Hong Kong – Les Séances Cultes.

Orpheline, Lian Nichang a été recueillie par des loups. Dévouée à la cause des jumeaux siamois, maîtres d’une secte occulte maléfique, qui l’ont élevée et fait d’elle une machine à tuer, Lian est aujourd’hui une sorcière redoutée. Zhuo Yihang, un jeune guerrier du clan Wu-Tang, tombe amoureux d’elle en plein champ de bataille. Évidemment, l’élue de son cœur, appartient à la secte rivale, celle menée par la sœur et le frère siamois. Leur passion trouble et charnelle survivra-t-elle aux trahisons et autres coups du sort ?

Ronny Yu appartient à la même génération de réalisateurs de  Hong Kong, que Tsui Hark ou Ringo Lam. Formé en occident, il débute sa carrière au début des années 80 et enchaîne les films et les genres. Adapté du célèbre roman éponyme de Liang Yusheng à l’origine avec Jin Yong de la « nouvelle école » du roman traditionnel de wu xia à Hong Kong dans les années 1950, sorti en 1993, The Bride with White Hair est une fresque spectaculaire qui marque un des sommets de la carrière du cinéaste.

Des superbes et vastes décors aux costumes les plus fous, soulignés par le soin particulier apporté par Peter Pau à la photographie, en passant par le style singulier et époustouflant de la mise en scène de Ronny Yu (cadres, choix de focale,…) rythmé par une sublime bande originale et un montage frénétique, tout ici impressionne. Dépeignant la chute d’un monde, la fin de l’Empire chinois Ming au profit du règne de la dynastie mandchoue des Qing, l’arrière-plan historique du film de cette histoire d’amour interdit passionnelle et tragique n’est pas sans rappeler Roméo et Juliette.

 Entièrement au service de son incroyable univers visuel, baignant dans une ambiance crépusculaire et gothique, l’esthétique sublime du film bénéficie également de la présence de deux immenses stars du cinéma chinois, la magnifique Brigitte Lin et le regretté Leslie Cheung. Riches, complexes et ambiguës, les personnages qu’ils incarnent à l’écran sont la clef de voûte de la construction du récit de ce conte. La beauté et le talent du couple vedette participent pour beaucoup non seulement au romanesque et au tragique de l’histoire mais aussi à l’émotion et à la sensualité que dégage le film.

Restauré en 4K, The Bride with White Hair est un grand spectacle à voir absolument sur grand écran. Beau cadeau de fin d’année, distribué par Splendor Films, le cultissime The Bride with White Hair sera dans les salles en France le 25 décembre.

19h15  THE MORTUARY COLLECTIONde Ryan Spindell avec Clancy Brown, Caitlin Cluster, Christine Kilmer, Jacob Elordi… – Etats-Unis – En Compétition – Première Européenne.

Une jeune femme, Sam, entre dans une société funèbre assister aux funérailles d’un petit garçon. Elle aborde ensuite l’homme de la morgue, l’imposant Montgomery Dark, au sujet de l’annonce d’emploi affichée à l’extérieur et le défie de lui raconter les histoires les plus effrayantes sur la mort dont il a été témoin. Pour le plus grand plaisir de la candidate, l’entretien d’embauche va prendre la forme de récits macabres.

Tout a commencé avec le court-métrage The Babysitter Murders qu’a réalisé Ryan Spindell et à partir duquel il a imaginé une anthologie horrifique dans l’esprit de Creepshow, Darkside ou encore Les Contes de la Crypte. C’est le comédien Clancy Brown (Highlander, 1986 ; Randonnée pour un Tueur, 1988 ; Blue Steel, 1989 ; Les Evadés, 1994 ;…) que l’on retrouve ici avec plaisir en grand ordonnateur d’histoires généreuses en hémoglobine et en humour. La première concerne une femme au foyer des années 50 qui découvre quelque chose qui dérange dans la salle de bain. Suite à cela, nous suivons un collégien dans les années 60 qui tire son épingle du jeu. Nous rencontrons ensuite un homme des années 70 qui doit faire un choix difficile en ce qui concerne sa femme malade. Tout au long des récits, Sam critique leur prévisibilité. C’est donc elle qui raconte la dernière histoire située dans les années 80 et intitulée The Babysitter Murders.  Avec ses quatre histoires courtes, Ryan Spindell maintient le parfait équilibre entre frayeur et humour. Jouissif, The Mortuary Collection est un hommage réussi au format délicat et périlleux du film à sketchs.

21h30 LEAP OF FAITH : WILLIAM FRIEDKIN ON THE EXORCIST de Alexandre O. Philippe avec William Friedkin – Etats-Unis – Hors Compétition – Première Française.

Montée comme la fusion idéale entre le commentaire audio des commentaires audios et le monologue mystique et érudit, cette interview a priori définitive de William Friedkin sur son film d’horreur culte retrace toutes les étapes de sa production, expose toutes les coulisses d’une expérience et d’une aventure exceptionnelles.

Alexandre O. Philippe a gagné le respect éternel des cinéphiles avec son documentaire The People vs George Lucas. L’homme ne se repose pas sur ses lauriers et signe pas moins de deux films, aussi réussis et passionnants l’un que l’autre, sortis cette année – Memory : The Origins of Alien sur le chef d’œuvre du cinéma fantastique réalisé par Ridley Scott, et Leap of Faith, sur l’histoire du tournage de L’Exorciste racontée par son réalisateur tout puissant. Narrateur extraordinaire, William Friedkin nous offre avec ce film une leçon de cinéma magistrale. Le PIFFF vous met au défi de ne pas vous retrouver fasciné en 5 minutes montre en main.

Invité du Festival, le réalisateur Alexandre O. Philippe sera présent lors de la projection du film.

Steve Le Nedelec