Persona – Ingmar Bergman

Ce n’est pas un scénario que j’ai écrit, mais plutôt une partition…Sur de nombreux points je manque d’assurance et un passage au moins m’est étranger… C’est pourquoi j’invite les spectateurs à faire appel à leur imagination pour assimiler la matière que je leur propose…

Ingmar Bergman

 

Persona est né à l’hôpital. Janvier 1965, Ingmar Bergman est hospitalisé pour une broncho-pneumonie. Atteint de vertiges suite à une infection de l’oreille interne, Bergman reste trois mois au Sofiahemmet de Stockholm et doit abandonner son projet  Les mangeurs d’hommes, grosse production dont le tournage est prévu pour l’été.

Persona Ingmar Bergman

Bibi Andersson était déjà engagée en prévision du film et Bergman avait prévu un petit rôle pour Liv Ullmann dans ce même film.

Bergman alité cherche un autre projet pour l’été. Le souvenir d’une photo réunissant Bibi Andersson et Liv Ullmann l’obsède en raison de la ressemblance qu’il décèle dans le visage des deux actrices. L’idée de deux femmes qui comparent leurs mains est l’élément déclencheur du scénario. Très vite, il met en place le tournage du film pour fin juillet, engage Bibi Andersson et Liv Ullmann et s’attèle au scénario d’un film à équipe réduite et bon marché. Bergman s’impose une heure d’écriture par jour à l’hôpital, malgré une aggravation de son état de santé en mai. Il avance tant bien que mal sur le script.

Bibi Andersson devant tourner dès septembre dans une production américaine, La Bataille de la vallée du diable (Duel at Diablo de Ralph Nelson), le tournage de ce qui n’est pas encore Persona mais Kinematograf (Cinématographe) débute en studio à Stockholm le 19 juin 1965. Le résultat n’est pas satisfaisant aux yeux de Bergman. Il est fatigué, Liv angoisse, le rôle est extrêmement difficile. Le tournage se poursuit sur l’île de Färo, où Bergman possède sa résidence principale. Bergman est de plus en plus content des prises. Il écrit et réécrit au fur à mesure de l’avancement du tournage. Il retourne sur l’île ce qui avait été déjà fait en studio.

Persona débute par l’un des plus extraordinaires pré-génériques de l’histoire du cinéma. C’est tout à la fois un raccourci de l’histoire du cinéma et une plongée dans l’inconscient de l’actrice Elisabeth Vogler (Liv Ullmann) frappée de mutisme alors qu’elle joue Electre sur scène. Après un bref séjour en clinique, elle part au bord de la mer accompagnée par une infirmière, Alma (Bibi Andersson). Vogler reste murée dans son mutisme tandis que l’infirmière se confie. Elle lui révèle des moments particulièrement intimes de sa vie. Alma se libère tandis qu’Elisabeth abandonne son masque (persona) pour accéder à la personnalité de la jeune femme. Les deux personnalités finissent par se rejoindre dans un même mouvement aussi bien psychologique que physique.

Persona est une méditation sur l’être, ce que nous sommes réellement quand tombent toutes les barrières, le ou les masques qui recouvrent notre personnalité et que nous avons patiemment mis en place. La « vérité » pure est-elle exprimable sans dommage ? Ne vivons-nous que par rapport à une image que nous avons préfabriquée, que nous présentons aux autres. Celle-ci n’a-t-elle pas pris le dessus sur notre être réel ? Bergman est au-delà de la réalité visible, de l’apparence de ses personnages. Il est au cœur de ce qui constitue un être humain, ses désirs, ses regrets, ses remords, ses terreurs, ses secrets enfouis,  ses rêves, ses fantasmes, ses contradictions. « Je pourrais être ton sosie, intérieurement. » petite phrase de l’infirmière à l’actrice. Voyage intérieur,  Persona n’est pas un film mortifère mais un film vivant teinté d’un profond pessimisme. Œuvre complexe et passionnante, Persona enrichit son spectateur à chaque vision.

Persona

Persona comme beaucoup de films d’Ingmar Bergman est une œuvre courte, à peine 80 minutes, mais d’une densité psychologique et d’une richesse cinématographique hors normes, les plans où se confondent les visages des deux femmes sont d’une beauté sidérante. Le film n’existerait pas sans l’interprétation fabuleuse de Liv Ullmann et Bibi Andersson dans des rôles d’une incroyable difficulté, des virtuoses de l’art dramatique. Persona est un chef-d’œuvre absolu, un de plus dans la carrière d’Ingmar Bergman.

Fernand Garcia

Persona est disponible en DVD-Blu-ray chez Studio Canal avec en bonus le film Liv & Ingmar, Histoire d’une passion racontée par Liv Ullmann, documentaire de Dheeraj Akolkar, basé sur les souvenirs et les écrits de l’actrice (84 mn. 2012).

Bio-filmographie commentée par Ingmar Bergman

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Persona, un film d’Ingmar Bergman Avec Liv Ullmann, Bibi Andersson, Margareta Krook, Gunnar Björnstrand, Jörgen Lindström. Scénario : Ingmar Bergman. Directeur de la photographie : Sven Nykvist. Décors : Bibi Linström. Costumes : Mago. Montage : Ulla Ryghe. Musique : Lars Johan Werle. Producteurs : Ingmar Bergman – Lars-Owe Carlberg. Production : Svensk Filmindustri.  Première sortie en France le 21 décembre 1966. Distribution (France) : Carlotta. Suède. 1966. Noir et blanc. 84 mn.