Paul Verhoeven (III) 1989 – 1992

 « Après cela, une fois que j’ai eu réalisé RoboCop, Mario Kassar et Arnold Schwarzenegger m’ont proposé de faire Total Recall. Ils me l’ont offert. Après Total Recall, Mario m’a proposé Basic Instinct. Je n’ai pas vraiment cherché. Je suis passé d’un projet à l’autre, comme si c’était prédestiné. Je n’ai jamais hésité entre plusieurs projets. » Paul Verhoeven

Après RoboCop, ses deux films suivants seront également de grands succès, que ce soit à nouveau dans le genre science-fiction avec Total Recall (1989), ou dans le thriller avec le sulfureux Basic Instinct (1992) qui semble être comme le prolongement du travail d’Hitchcock sur Vertigo à San Francisco, et qui a fait sensation lors de sa présentation en ouverture du Festival de Cannes en 1992.

Libre et singulière adaptation de la nouvelle Souvenirs à vendre (We Can Remember it for You Wholesale) de Philip K. Dick publiée en 1966, détenteur des droits du scénario qu’il a racheté au producteur Dino de Laurentiis, c’est le comédien Arnold Schwarzenegger qui, impressionné par RoboCop, imposera Paul Verhoeven au studio de production Carolco Pictures, dirigé par Mario Kassar, pour réaliser Total Recall. En 2048, Doug Quaid est hanté par le rêve récurrent d’un voyage sur Mars. Lorsqu’il découvre que son rêve est artificiel, à la recherche de son passé et de son identité, ce dernier s’envole pour la colonie située sur la planète rouge. Fidèle à sa réputation, le cinéaste fera du blockbuster au plus gros budget de l’année, une œuvre personnelle qui témoignera une fois encore de son talent pour apporter sa signature personnelle à un projet grand public en y intégrant brillamment non seulement son cynisme mais également son appétence pour la violence et la sexualité.

A l’instar d’Arnold Schwarzenegger pour Total Recall, c’est Michael Douglas, l’acteur principal du projet de Basic Instinct qui, également impressionné par RoboCop, imposera une nouvelle fois Paul Verhoeven au même studio de production Carolco Pictures. Thriller sulfureux qui révèlera la comédienne Sharon Stone au monde entier lors de sa projection en ouverture du 45ème festival de Cannes en 1992, Basic Instinct raconte l’histoire de Nick Curran, inspecteur de police et ancien cocaïnomane qui, lors de son enquête sur un crime qui s’avère être la réplique parfaite de celui décrit dans un roman de Catherine Tramell, va se laisser séduire par l’intrigante et provocante romancière.

Hommage à Sueurs froides (Vertigo, 1958) d’Alfred Hitchcock, l’action de Basic Instinct se passe à San Francisco et met en scène un personnage de femme fatale, blonde et énigmatique, qui mène la danse et tire les ficelles de l’intrigue. Après RoboCop et Total Recall, le diabolique Basic Instinct vient clôturer sa « trilogie psychotique » autour de la thématique de la dualité identitaire. Alors que Paul Verhoeven met magnifiquement ici en lumière les peurs et angoisses masculines face à la libération et à l’indépendance des femmes, comme chacun des films de son auteur, Basic Instinct connaitra des controverses et créera des polémiques grotesques qui l’accuseront à nouveau de faire l’apologie de ce qu’il dénonce. Mais le public ne se fera pas berner, pas encore, et accueillera le film à sa juste valeur au point d’en faire le plus gros succès de la carrière de son auteur.

« La différence majeure entre faire du cinéma en Europe et en Amérique, c’est qu’en Europe, je peux faire ce que je veux. Que ce soit « Black Book » ou mes films hollandais, c’était mon idée. (…) En Europe je peux faire ce que je veux. Je peux choisir tout ce que je veux, et en général, je peux le faire. Aux États-Unis je n’ai jamais été en mesure de faire ce que je voulais. Sur aucun des films que j’y ai fait, je n’ai eu la liberté que j’aurais voulu avoir. Parce que, d’après moi, aux États-Unis, c’est impossible. C’est lié à la culture, aux mentalités… (…) J’ai compris très vite que je n’aurais pas la possibilité de faire ce que je veux. Que je devrais uniquement suivre le mouvement, les lois d’Hollywood. Si tu arrives à t’adapter à ces règles, alors tout ira bien. Si tu es capable de te projeter dans le système, alors ça marchera pour toi. Si tu penses que tu vaux plus que les studios, c’est quasiment impossible. Je pense que mes films hollandais font partie de moi… J’ai fait ce que les américains voulaient mais en y ajoutant ma touche le plus possible. C’est pour ça que mes films sont très personnels. Je reste attaché aux thèmes qui me sont chers. » Paul Verhoeven

En France, Paul Verhoeven a la juste réputation d’être un auteur qui allie grand spectacle et réflexion. C’est son sens du spectacle qui lui a permis de rentrer dans le système et il va s’en servir pour mieux le dynamiter de l’intérieur. Derrière une apparence de divertissement, ses films véhiculent en « arrière-plan », des messages plus profonds qui ne sont pas du goût de tous. Ses films sont toujours une satire politique et/ou sociale. A partir de Basic Instinct et de son incroyable succès, certains vont commencer à voir clair dans son jeu et l’attendre au tournant. Progressivement, le public et la critique vont le rejeter.

Steve Le Nedelec

Rétrospective Paul Verhoeven du 14 juillet au 1er août à la Cinémathèque Française.