Overlord – Stuart Cooper

Un écran noir sur la bande-son des bruits, de pas, de moteurs, d’avions, un mouvement inéluctable, inquiétant. Puis un plan aérien, des soldats dans l’artère principale d’une ville. Il utilise des chariots tractés par des chevaux. Vu du sol, c’est le spectacle des immeubles éventrés… la population à fuit… les troupes nazies avancent en un long cortège de morts. Les villes brûlent. Paris est désert. Hitler survole un monde qu’il entraîne dans le chaos… Overlord est le nom de code pour la phase d’assaut du débarquement de Normandie, l’une des plus grandes batailles de la Seconde Guerre mondiale. Dans un navire amphibie L.C.A., les soldats britanniques retiennent leurs souffles: dans quelques minutes, ils vont débarquer, une image les obsède, un soldat anonyme s’effondre sur le sable… Quelques mois auparavant, dans une petite ville anglaise, Thomas Beddows fait ses adieux à ses parents. Une petite valise, un exemplaire de David Copperfield, il prend le train pour rejoindre la caserne où il est incorporé. La guerre fait rage… Il a vingt ans…

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Overlord est un beau film, beau par les sentiments qu’il provoque en nous. Stuart Cooper, avec une admirable économie de moyens, suit l’itinéraire d’un simple soldat. Avec une incroyable maîtrise, il entrelace des documents d’archives filmés et conservés à l’Imperial War Museum avec des reconstitutions. L’ensemble se combine si habillement que très vite nous ne faisons plus la différence entre les deux. Le travail photographique de John Alcott, chef opérateur de Stanley Kubrick, est prodigieux. Il utilise des caméras et des objectifs des années 30/40 afin d’obtenir la texture d’image de l’époque. Il travaille le noir et blanc pour que l’ensemble devienne le plus harmonieux possible. Le résultat est sidérant. Avec ses plans d’une grande simplicité mais au cadrage très élaboré, Cooper et Alcott vont donner vie à l’itinéraire de Thomas et surtout transcrire sa vie intérieure, ses aspirations et sa vision du monde.

brian-stirnerLes scènes sont simples, à aucun moment le film ne plonge dans le pathos. Thomas accepte sa condition, que peut-il y faire? La guerre est partout. Vu du ciel, il y a une sorte de beauté dans ses bombes qui explosent au sol. Ses taches de lumière qui déchirent la nuit. A l’opposition de ses beaux plans aériens, Cooper nous rappelle brutalement la triste réalité, les conséquences au sol, l’horreur absolue des corps calcinés, déchiquetés.

La vie à la caserne est décrite avec précision. Des amitiés se créent. Les soldats comprennent rapidement ce qu’ils attendent : le fameux Jour J, le débarquement. Leurs chances d’en revenir vivant sont infimes. Alors chaque instant est vécu comme un départ, une fin en soi. Entrainement, discipline, punition – Tom accepte comme ses camarades, l’univers militaire sans l’aimer.

Dans un bar, Thomas aborde une jeune femme. Ils hésitent tous les deux, une danse, une promenade de nuit, un baiser… et petit à petit les liens forts de l’amour et de la jeunesse vont les unir. Séquence admirable tant au niveau du jeu d’acteur (Brian Stirner et Julie Neesam remarquables) que de son découpage et de son dialogue. Le souvenir de cette jeune femme charmante va revenir comme un brin de lumière dans un rêve de Thomas, rêve sensuel d’une histoire inaboutie.

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Ainsi va le film par petites touches, de manière impressionniste où le temps s’enchevêtre comme les images tandis qu’une angoisse abyssale envahit ce simple soldat. Thomas est la personnification de la tragédie ordinaire d’un jeune homme qui aura vingt ans pour l’éternité.

Le réalisateur Stuart Cooper est américain, il est un peu connu comme acteur, il est l’un des Douze salopards de Robert Aldrich. Cooper vient du documentaire. A l’origine Overlord devait en être un utilisant les archives de l’Imperial War Museum. Pendant quatre ans, Cooper consulte non seulement les films, mais aussi les lettres, les journaux intimes, les dossiers administratifs, etc. réunis au sein du musée. Finalement Stuart Cooper opte pour une fiction. Overlord est son deuxième film. John Alcott a signé tous les films cinéma de Cooper à l’image jusqu’à son décès. Il n’est pas interdit de voir dans les travellings arrière d’Overlord quelques chose de kubrickien. Stuart Cooper est un cinéaste méconnu, ses films n’ont pas connu de sortie en France. Il a réalisé un grand nombre de téléfilms de prestige qui lui ont valu une multitude de récompenses.

La carrière d’Overlord est assez étrange. En 1975, le jury du Festival de Berlin le récompense avec l’Ours d’argent. Pourtant le film a une exploitation pour le moins discrète, il ne sort quasiment pas et reste inédit en France. En 2004, le Festival de Tulluride ressort le film qui fait alors forte impression sur la communauté cinéphilique.  En 2014, le Festival de Cannes le programme dans sa section Cannes Classics dans une copie restaurée. La force humaniste d’Overlord lui a fait traverser le temps et reconnaitre à sa juste valeur, c’est-à-dire, l’un des meilleurs films sur la Seconde Guerre mondiale. Un chef-d’œuvre à découvrir…

Fernand Garcia

overlord-dvdOverlord  est édité pour la première fois en DVD dans la Collection Classique de Guerre par Sidonis/Calysta dans une superbe copie en noir et blanc avec complément de programme une excellente intervention de Bertrand Tavernier qui revient sur Stuart Cooper et la carrière discrète de son film magnifique (27 mn). Une Galerie de photos et les films-annonces : Overlord et de Nimitz retour vers l’enfer complète cette belle édition.

Overlord un film de Stuart Cooper avec Brian Stirner, Davyd Harries, Nicholas Ball, Julie Neesam, Sam Sewell, John Franklyn-Robbins, Stella Tanner, Harry Shacklock, David Scheuer, Lorna Lewis… Scénario : Christopher Hudson & Stuart Cooper. Directeur de la photographie : John Alcott. Décors : Michael Moody & Barry Kitts. Montage : Jonathan Gili. Montage son : Alan Bell. Musique : Paul Glass. Producteur : James Quinn. Production : The Imperial War Museum – Joswend Limited Production. Grande-Bretagne. 1975. 80 mn. Noir et blanc. Format 1.66 :1. Ratio 16/9. Son : 1.0. VOSTF. Tous Publics.