O Cangaceiro – Lima Barreto

Il était une fois le cinéma brésilien

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Après-guerre, la production des studios brésiliens était très irrégulière, de un à dix films par an tandis que le cinéma américain dominait le pays. L’idée du fameux producteur, Alberto Cavalcanti, était d’établir un « Hollywood » brésilien avec les studios de Vera Cruz mais celle-ci relevait du rêve. O Cangaceiro, film de Lima Barreto produit par le studio et distribué par la Columbia, fut le premier à être mondialement connu, Il recueillit deux prix au festival de Cannes, en 1953. C’est par son travail de documentariste que se distingue son réalisateur. Celui-ci avait, à son palmarès, un prix au festival de Venise dans la catégorie art, en 1951 pour Santuário, magnifiant les sculptures baroques coloniales de l’architecte brésilien Aleijadinho. O Cangaceiro fut son premier film de fiction.

Lampião, à l’origine du genre cangaço

Le film s’inspire d’un personnage folklorique légendaire Virgulo Ferreira da Silva, le chef des bandits des terres arides du Nordeste, surnommé Lampião, car il était toujours prêt à faire feu comme un lampion allumé. Au cours du pillage d’un village, les bandits enlèvent la jeune institutrice Olivia pour ensuite réclamer une rançon. Teodoro, l’assistant du terrible capitaine Ferreira, tombe amoureux d’Olivia et va l’aider à s’enfuir au prix de sa propre vie. Ce type d’intrigue, mettant en scène les affrontements entre les autorités du pays et les bandits, les Robins du désert luttant contre l’oppression sociale des gros propriétaires terriens brésiliens, dans les paysages arides du Sertao donnent alors naissance à un genre : le cangaço.

Hollywood à la brésiliennne

Nonobstant l’influence des westerns américains de l’époque, Lima Barreto s’est lancé le défi de fabriquer un film typiquement brésilien avec ses paysages, son histoire, sa musique, sa culture. Afin que cette entreprise soit réussie et approuvée internationalement, Cavalcanti engagea les meilleurs techniciens, un chef opérateur anglais (Chick Fowle), un monteur allemand (Oswald Hafenrichter). Les décors et les costumes ont été fabriqués par les célèbres Caribé et Pierino Massenzi. L’écrivaine Rachel de Queiroz s’est merveilleusement occupée des dialogues. La musique n’est pas en reste : la chanson du film Mulher Rendeira, douce et hypnotisante, a longtemps bercé les radios du monde entier.

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Le plus frappant dans le film est cet antagonisme entre l’affabilité de la langue portugaise, le lyrisme captivant des mélodies et, en même temps, cette violence des hommes, ou même des relations entre ces derniers et les femmes, dictée par la nature sauvage et asséchée des terres du Nordeste brésilien. Dans le répertoire des scènes mémorables du film : le moment où le capitaine Galdino Ferreira et sa bande croisent un curé dans une carriole. Le groupe écoute impatiemment son sermon mais, à la fin, il lui vole son cheval et le contraigne à rentrer à pieds en poussant sa charrette. La scène d’échange, lorsqu’Olivia et Teodoro rencontrent un Indien sur leur chemin est également remarquable. Les deux premiers personnages troquent un morceau de nourriture contre un collier indien en dents de jaguar, et Téodoro l’offre à son amoureuse.

Magnifiquement filmé, avec un montage très recherché et des personnages hauts en couleur, O Cangaceiro a imposé le cinéma brésilien dans le monde.

Rita Bukauskaite

O CANGACEIRO (1953) aff

O Cangaceiro, un film de Lima Barreto avec Alberto Ruschel, Marisa Prado, Milton Ribeiro, Vanja Orico, Adorian Barbosa, Antonio V. Almeida, Ricardo Campos, Zé do Norte, Neusa Veras. Scénario : Lima Barreto et Rachel de Queiroz. Directeur de la photo : H.E. Fowle. Musique : Gabriel Migliori et Ricardo Prado. Producteur : Cid Leite da Silva. Production : Vera Cruz Studios. Brésil. 1953. Noir et blanc. 35 mm. 1.37 :1. Mono. 105 mn. Titre d’exploitation en France : Sans peur, sans pitié. Prix International du film d’aventures au Festival de Cannes 1953. O Cangaceiro est disponible en DVD aux Editions Films Sans Frontières.

Rétrospective : Brasil ! Une histoire du cinéma brésilien à la Cinémathèque Française du 18 mars au 18 mai 2015.