Nous nous sommes tant aimés (II) –  Ettore Scola

En 1945, trois amis qui ont pris part à la Résistance italienne célèbrent la chute du fascisme et la fin de la guerre. Lorsque sonne l’heure de la libération, un monde nouveau s’offre à eux. La République remplace la monarchie et tous trois poursuivent leur chemin séparément, libre de toute propagande fascisante… Tous les trois vont avoir, à des périodes différentes, une aventure avec Luciana, une aspirante actrice. Gianni Perego (Vittorio Gassman), riche avocat bourgeois en quête de clients, épouse Elide, la fille d’un grossier parvenu, puis se retrouve veuf. Nicola Stefano Satta Flores), cinéphile militant pour la pureté des idéaux néoréalistes qui se vouait à être critique de cinéma, devient enseignant en province où il abandonne sa famille pour Rome. Antonio (Nino Manfredi), simple prolétaire authentique, restera brancardier dans un hôpital romain mais lui finira par épouser Luciana. Lorsque par hasard, tous trois se rencontrent, la communication entre eux est devenue bien différente de celle de leur jeunesse : « Nous voulions changer le monde, mais le monde nous a changés ! », déclare l’un des protagonistes… Les aventures sentimentales croisées de trois amis, ex-résistants, qui racontent trente ans de l’histoire de l’Italie.

Nous nous sommes tant aimés est l’exemple même d’un genre et d’un style représentatif du cinéma italien qui cherche à raconter et à témoigner de l’époque, de l’Histoire même du pays, ainsi que de l’évolution de la société. Déjà scénariste corrosif de Un Américain à Rome (Un Americano a Roma, 1954) de Steno, Le Fanfaron (Il Sorpasso, 1962) et Les Monstres (I Mostri, 1963) de Dino Risi, ou encore Je la connaissais bien (Io la conoscevo bene, 1965) d’Antonio Pietrangeli, Ettore Scola est indiscutablement le cinéaste qui incarne le mieux le genre. Dans les années 1960 et 1970, la méchanceté souvent présente dans le cinéma italien cède la place à la nostalgie et à l’autocritique. En racontant  avec maitrise et maestria l’histoire de ces trois personnages fortement connotés, Scola excelle une fois de plus dans le genre et signe une œuvre magistrale qui témoigne de l’identité italienne.

Explicitement dédié au cinéaste Vittorio De Sica, Nous nous sommes tant aimés, par le biais du personnage de Nicola, interprété par Stefano Satta Flores, participant à un jeu télévisé dont les questions portent sur le cinéma, ou encore lorsque les personnages croisent le tournage d’un film, participent à un ciné-club ou à la conférence d’un cinéaste, Ettore Scola rend hommage à quelques monuments du cinéma, à savoir Le Cuirassé Potemkine (Bronenosets Potyomkin, 1925) de Sergueï Mikhailovich Eisenstein, Partie de campagne (1936) de Jean Renoir, La Porte du ciel (La Porta del cielo, 1946) et Le Voleur de bicyclette (Ladri di biciclette, 1948) de Vittorio De Sica, Mademoiselle Julie (Fröken Julie, 1951) de Alf Sjöberg, La Dolce vita (1960) de Federico Fellini, L’Année dernière à Marienbad (1961) de Alain Resnais, ou encore L’Éclipse (L’Eclisse, 1962) de Michelangelo Antonioni.

Sublimement incarné par Stefania Sandrelli, pour chacun des trois protagonistes masculins du film, le personnage de Luciana représente non seulement la beauté à l’état pur mais aussi et surtout l’illusion d’une autre vie possible.

Ettore Scola (1931-2016) étudie le droit à Rome tout en s’intéressant au dessin satirique et collabore à la revue Marc’Aurelio, tout comme Fellini. Il débute en tant que scénariste puis passe à la réalisation avec Parlons femmes (Se permettete parliamo di donne, 1964). En 1970, Drame de la Jalousie (Dramma della gelosia, 1970) obtient le prix d’interprétation masculine pour Mastroianni au Festival de Cannes. C’est avec Nous nous sommes tant aimés (C’eravamo Tanto Amati, 1974) qu’il connaît un immense succès. Il réalise ensuite presque un film par an jusqu’en 2011, où il annonce la fin de sa carrière, et sort peu après son dernier film, Qu’il est étrange de s’appeler Federico (Che Strano Chiamarsi Federico!, 2013), un documentaire sur Fellini.

Steve Le Nedelec

Critique de Nous nous sommes tant aimés

Nous nous sommes tant aimés (C’eravamo Tanto Amati, 1974) un film de Ettore Scola avec  Nino Manfredi, Vittorio Gassman, Stefania Sandrelli, Stefano Satta Flores, Giovanna Ralli, Aldo Fabrizi, Federico Fellini, Marcello Mastroianni, Vittorio De Sica… Restauré par le CSC – Cineteca Nazionale, en collaboration avec StudioCanal et sous la supervision de Luciano Tovoli, au laboratoire L’Immagine Ritrovata di Bologna, à partir de négatifs originaux de la Dean Film (de Pio Angeletti et Adriano De Micheli), conservés à la Cineteca Nazionale. Distribution (France) : Tamasa Distribution.