L’Horrible invasion – John “Bud” Carlos

Le soleil se lève sur les plaines arides de l’Arizona. Une journée comme autre commence. Les Colby, Birch (Altovise Davis) et Walter (Woody Strode) lâche Bertha, leur jeune vache, dans les pâturages. Alors, qu’elle rumine tranquille, la pauvre vache est attaqué par des araignées particulièrement agressives…

L’Horrible invasion est un des meilleurs films sur des animaux tueurs de la fin des années 70. Cette invasion d’araignées s’inscrit évidemment dans la vague qui a submergé les cinémas suite au triomphe planétaire des dents de la mer (Jaws, 1975)  de Steven Spielberg. L’horrible invasion ajoute à l’horreur une note écologique déjà présente dans nombre de films et de romans de science-fiction. Le danger ne provient pas de la nature, mais de l’action de l’homme sur la nature.

Ainsi, dans L’Horrible invasion, les araignées sont contraintes de quitter leur terre. Elles n’y trouvent plus leur nourriture, les insectes y ayant été décimés par l’utilisation massive de pesticides et plus particulièrement du DDT. L’invasion est progressive, les araignées s’attaquent d’abord au bétail puis aux humains, étendant ainsi leur territoire. Tourné en Arizona dans les paysages familiers du western, L’Horrible invasion inverse une mythologie fondatrice : celle des pionniers, les transformant en araignée. La nouvelle frontière est celle que repoussent désormais les arachnides du désert vers la ville. Un grignotage fort bien mis en scène par John “Bud” Carlos. L’Horrible invasion s’achève sur un formidable plan, renvoyant aux Oiseaux (The Bird, 1963) d’Alfred Hitchcock (cinéaste que le film cité à plusieurs reprises), totalement dans l’esprit apocalyptique de son époque.

John “Bud” Carlos a eu beaucoup de chance ou de patience, voire de deux dans sa « direction » des tarentules. Il réussit des plans étonnant (et en longueur) de ses satanés arachnides, très beaux plans d’un garagiste suivit par une tarentule ou la sortie de douche de Diane Ashley (Tiffany Bolling) alors qu’une araignée traîne dans l’appartement. Il signe plusieurs scènes formidables dont celle d’un pilote de biplan attaqué en plein ciel par une horde d’araignées. Carlos joue sur les nerfs du spectateur, évidemment si à la moindre vue d’une araignée vous tournez de l’œil, vous allez vivre L’Horrible invasion comme une série de loopings à pleine vitesse dans un grand huit. De quoi faire des cauchemars pendant un bon moment.

John “Bud” Carlos à 48 ans quand il signe L’Horrible invasion, c’est un enfant du monde du spectacle. Son père était exploitant de cinéma à Hollywood et son oncle Spyros Skouras, un des grands patrons de la 20th Century Fox. Né en 1929, il joue dès les années 40 dans la série Our Gang d’Hal Roach. Adolescent, il est cavalier de rodéo, tout en se livrant à toute sorte d’activité dans le cinéma. Il travaille au sein du staff en charge des mouettes et autres corbeaux sur le plateau des Oiseaux et de Psychose (Psycho, 1960), d’où les multiples références au maître du suspense dans l’Horrible Invasion.

Cascadeur et acteur, John “Bud” Carlos apparaît durant les années 60 dans une multitude de série B, le plus souvent sous la houlette d’Al Adamson. Le grand Sam Peckinpah, le cast dans de la seconde équipe de La Horde Sauvage (The Wild Bunch, 1968). Totalement polyvalent, John “Bud” Carlos est à tous les postes : effets spéciaux, décors, lumière, etc. Il est producteur à plusieurs reprises et réalise son premier film : The Red, The White, and The Black (1970, inédit en France) au début de la blaxploitation. L’Horrible Invasion est son troisième et son plus célèbre film. Il faut dire qu’il s’applique et livre une réalisation inspirée. John “Bud” Carlos est décédé dans son sommeil à 91 ans, dans son ranch, après une vie bien remplie.

William Shatner est bien sûr le commandant Kirk de Star Strek, le générique début nous le rappelle avec un typo identique à celle de la série. Pourtant, en 1977, Shatner est un peu au creux de la vague, la Paramount n’a pas encore entrepris de propulser l’Entreprise sur les grands écrans. Il partage quelques scènes avec sa seconde femme, Marcy Lafferty, la fille d’un des patrons de CBS. Elle incarne, Terry Hansen, la femme du frère du héros (Shatner), mort au Vietnam, sa fin à elle, sera des plus terribles, sous la morsure de dizaines d’araignées. Quant à Altavise Davis, qui incarne la femme de Woody Strode, elle était la troisième de Sammy Davis, Jr., sa carrière au cinéma se réduit à une poignée de films.

Tiffany Bolling est une élégante entomologiste. Elle porte, à égalité avec William Shatner, L’Horrible invasion sur ses épaules. Originaire de Santa Monica, elle débute à 16 ans comme chanteuse dans des bars. Enregistre un premier album, mais le succès n’est pas au rendez-vous. Elle apparaît dans un microscopique rôle de serveuse dans Tony Rome est dangereux (Tony Rome, 1967) de Gordon Douglas avec Frank Sinatra. En 1972, elle pose nue dans une charmante série de photos pour Playboy. Tiffany Bolling poursuit durant une vingtaine d’années, une belle carrière dans la série B, hélas, la majeure partie de ses films n’ont pas connu d’exploitation en France. Il n’en est pas de même avec son versant TV avec Mannix, Perry Mason, L’homme de l’Atlantide, Drôle de dames, etc.

Igo Kantor, est un producteur atypique, débute comme superviseur musical pour Universal et Columbia avant de créer son propre studio de post-production. Selon ses dires, il passe à la production après que Dalton Trumbo lui ait laissé une ardoise de 130 000 dollars sur Johnny Got His Gun (1971). Malin, il réduit les coûts musicaux de L’Horrible invasion en piochant dans ses stocks de musique en réserve. Il se « paye » ainsi Jerry Goldsmith, de quoi renforcer grandement l’impact des images. Pour une mise initiale de 500 000 dollars, L’Horrible invasion rapporte plus de 22 millions et continue à engrangeait les recettes depuis sa sortie. Une suite avait été un moment envisagée avec toujours William Shatner comme acteur et réalisation. Un contrat est signé avec Menahem Golan et Yoram Gobus, mais la faillite de la Cannon condamne le projet.

Dans L’Horrible invasion, plus de 5 000 tarentules (un record) gambadent joyeusement, alors attention, ce royaume des araignées est peut-être pour demain…

Fernand Garcia

L’Horrible invasion une édition Sidonis – Calysta dans sa collection Cinéma fantastique, en version intégrale (en DVD et pour la première fois en Blu-ray) master HD impeccable. En bonus : Une interview pleine de peps de Tiffany Bolling « Il (Shatner) me draguait continuellement. Sa femme était sur le tournage alors c’était un peu bizarre. J’ai dû gérer ça » (8’45 mn). Une interview jouant sur un réjouissant second degré de William Shatner, entrecoupé de scènes du tournage (16 mn). Des petites bêtes qui montent par Marc Toullec, narration de Christophe Champclaux, un survol des animaux dans le cinéma de science-fiction et fantastique afin de mieux pénétré dans L’Horrible invasion (25 mn). Un commentaire audio sans langue de bois (ce qui n’est pas si fréquent) et particulièrement instructif d’Igo Kantor et Tiffany Bolling. Enfin pour conclure cette section la bande-annonce de Kingdom of the Spiders (1’48 mn).

L’Horrible invasion (Kingdom of the Spiders) un film de John “Bud” Carlos avec William Shatner, Tiffany Bolling, Woody Strode, Lieux Dressler, David McLean, Natasha Ryan, Joe Ross, Marcy Lafferty, Altovise Davis, Adele Malis, Roy Engel… Scénario : Richard Robinson et Alan Caillou d’après une histoire de Jeffreey M. Sneller et Stephen Lodge. Directeur de la photographie : John Morrill. Montage : Steve Zaillian et Igo Kantor. Musique supervision : Igo Kantor. Chanson générique: Dorsey Burnette. Producteurs exécutifs : Sidney D. Balkin et Henry Fownes. Producteurs: Igor Kantor et Jeffrey M. Sneller. Production : DPI Dimension Pictures – Arachnid Productions. Etats-Unis. 1977. 97 minutes. Eastmancolor. Metrocolor. Format image : 1.85:1. 16/9. Version Originale avec ou sans sous-titres français et Version française. Interdit aux moins de 12 ans.