La loi de Murphy – J. Lee Thompson

La nuit est tombée sur Los Angeles. Jack Murphy (Charles Bronson) sort d’une supérette avec ses courses. Une paumée (Kathleen Wilhoite) vol sa voiture sous ses yeux. Murphy s’interpose et la fille perd le contrôle du véhicule et atterrie dans un restaurant…

La loi de Murphy peut sembler un thriller classique des années 80, mais le scénario de Gail Morgan Hickman, s’avère en bien des points pour le moins originale. Son point de vue féminin sur le genre apporte un regard neuf en s’écartant du classicisme… tout en respectant ses principales figures de style. La loi de Murphy est l’un des rares films où le tueur est une femme. Il ne s’agit plus d’une empoisonneuse comme dans beaucoup de policiers, mais d’une femme, réellement fatale, décidée, armes en main tue avec sadisme et organisation. Elle se venge des responsables (et pas uniquement des hommes) de sa mise à la l’écart de la société. Baptisée ironiquement par Gail Morgan Hickman : Freeman, homme libre, il est incontestable que sa tueuse psychopathe s’affranchit de toute règle piétinant la loi. Viscéralement mauvaise, Joan Freeman, agit en toute conscience, sans affect, froidement et méthodiquement. A l’écran, cela crée un trouble, une ligne symbolique est franchie, généralement associé à la vie, la femme dans La loi de Murphy donne la mort.

Gail Morgan Hickman reprend la formule du couple antagoniste, homme-femme, qu’elle avait charpenté pour L’inspecteur ne renonce jamais (The enfoncer, 1976) troisième aventure de l’Inspecteur Harry (Clint Eastwood). Il s’agit plus d’une jeune femme en stage auprès d’un flic, mais d’un inspecteur qui « hérite » d’une paumée. L’idée est bonne, une forme de réactualisation de La chaîne (The Defiant One, 1958) de Stanley Kramer, où Tony Curtis et Sidney Poitier se retrouvaient enchaînés l’un à l’autre. Arabella est une punk au langage ordurier. Elle n’est pas une gamine naïve, le sexe n’a pas de secret pour elle. Cette association avec un flic Old Style est réussie. Le décalage entre les deux étant si grand qu’à l’écran cela fonctionne parfaitement. On ne peut que regretter que J. Lee Thompson n’ait pas poussé plus loin dans le réalisme dans l’aspect vestimentaire et déglingue d’Arabelle, restant dans la « punkette » bien propre dans le sillage de Recherche Susan désespérément (Desperately Seeking Susan, 1985). La production avait envisagé Madonna pour le rôle, renonçant finalement face aux exigences financières de la star. Dans une certaine mesure, Arabelle anticipe sur un personnage bien plus riche et complexe : Lisbeth Salander de la série de romans (et de films) Millénium du suédois Stieg Larsson, mais rien n’indique qu’il ait vu La loi de Murphy.

Jack Murphy (Charles Bronson) est un personnage de policier classique, à l’ancienne. Usé par son métier, le départ de sa femme, le fait plonger dans l’alcoolisme. Elle le quitte non seulement pour un autre homme, mais reprend sa carrière de danseuse nue dans une boîte de nuit bas de gamme. Elle s’y exhibe dominant les hommes (et les femmes dans la salle) et autour de la barre, retrouve un équilibre et une liberté qu’elle n’avait plus. La situation est insupportable pour Murphy, qui subit les quolibets sexistes de ses collègues. Sa femme ne reviendra pas, Murphy prit dans une spirale infernale où l’amertume d’une vie ratée se noie dans les litres de whisky. Personnage dans la pure tradition du polar, une épave qui va devoir faire face à l’adversité, coupable aux yeux de tous, ne trouvant de soutien qu’auprès d’une rebelle. Classique, mais dont l’efficacité n’est plus à démontrer.

Charles Bronson est excellent, il a clairement du plaisir à jouer Jack Murphy. Gail Morgan Hickman et J. Lee Thompson, connaissant son aversion pour les scènes de nu féminin, prennent un malin plaisir à le faire assister à des spectacles de danse érotique. Son calvaire ne s’arrête pas là, puisqu’il malmène un mafieux en string ! Son couple avec Kathleen Wilhoite fonction parfaitement. Bronson, l’image du machisme, de l’antiféminisme, laisse sans problème un grand espace de jeu à la jeune actrice. L’entente entre les deux acteurs est évidente. Ils resteront amis après le tournage.

Carrie Snodgress, un excellent choix de J. Lee Thompson. L’actrice avait obtenu une nomination à l’Oscar pour Journal intime d’une femme mariée (Diary of a Mad Housewife, 1970) de Frank Perry. Subjuguer par l’actrice lors d’une projection du film, Neil Young en tombe amoureux. Ils se rencontrent et finissent par vivre ensemble. De cet amour naît un garçon handicapé. Plusieurs chansons de Neil Young lui sont consacrées. Snodgress se détache du théâtre et du cinéma. Le couple se sépare en 1974. Elle s’engage dans une relation avec le compositeur Jack Nitzsche (Vol au-dessus d’un nid de coucou) qui se termine devant les tribunaux en 1979. Carrie Snodgress fait un retour éclatant au cinéma avec Furie (The Fury, 1978) de Brian De Palma. Elle avait refusé le rôle d’Adrian dans Rocky (1976) malgré l’insistance de Sylvester Stallone et John G. Avildsen. Clint Eastwood, la dirige dans Pale Rider (1985), Tony Richardson dans Blue Sky (1994), John McNaughton dans Sexcrimes (Wild Things, 1998). Joan Freeman, tueuse psychopathe, est l’une de ses plus importantes et intenses interprétations.

Gail Morgan Hickman, J. Lee Thompson et Charles Bronson feront à nouveau équipe pour Le Justicier braque les dealers (Death Wish 4 : The Crackdown, 1987), quatrième volet de la franchise Death Wish, beaucoup moins inspiré que La loi de Murphy.

Fernand Garcia

La loi de Murphy, une édition Sidonis – Calysta (pour la première fois en Blu-ray disponible aussi en DVD) report HD impec, dans la collection Charles Bronson. En complément : Une présentation par Gérard Delorme où il nous apprend l’essentiel sur la production du film (11 minutes), et la bande-annonce d’origine du film (1,30 m).

La loi de Murphy (Murphy’s Law) un film de J. Lee Thompson avec Charles Bronson, Kathleen Wilhoite, Carrie Snodgress, Robert F. Lyons, Richard Romanus, Angel Tompkins, Bill Henderson, Lawrence Tierney…  Scénario : Gail Morgan Hickman. Directeur de la photographie : Alex  Phillips, Jr. Décors : William Cruse. Costumes : Shelley Komarov. Montage : Peter Lee-Thompson et Charles Simmons. Musique : Marc Donahue et Valentine McCallum. Producteurs exécutifs : Menahem Golan et Yoram Globus. Co-producteur : Jill Ireland. Producteur : Pancho Kohner. Production : Cannon Group – Golan-Globus Productions. Etats-Unis. 1986. 100 minutes. Couleur. Format image : 1.85 :1. Son : Version originale avec ou sans sous-titres français et Version française. DTS-HD. 2.0. Interdit aux moins de 12 ans.