Klondike Annie – Raoul Walsh

Les films avec Mae West ne sont pas légion que ce soit dans le cadre de reprise ou d’éditions DVD. La sortie de Klondike Annie chez BQHL est donc une bonne nouvelle non seulement pour les fans de la pulpeuse blonde (il y en a) mais aussi pour ceux qui désirent la découvrir.

Klondike Annie est une production de « bonne tenue » de la Paramount réalisée par le grand Raoul Walsh (Les Fantastiques années 20, Gentlemen Jim, L’Esclave libre…) à partir d’une pièce écrite par Mae West. Les deux avaient tout pour s’entendre et c’était le cas. On perçoit dans la manière de filmer un réel plaisir à laisser libre cours à son interprète. Il faut reconnaitre que l’actrice s’est confectionnée un rôle à sa mesure et qu’elle a rodé au music-hall. Quoi de plus normal pour une bête de scène à l’incroyable bagout.

Mae West joue dans la même catégorie que les Marx Brothers ou WC Field: même cynisme, même repartie cinglante, même atteinte permanente aux bonnes mœurs. Mae West était la bête noire des ligues de vertu qui la présentaient comme « un monstre de lubricité menaçant l’institution sacrée de la famille américaine », rien de moins! A part ses trois premières comédies à la Paramount, tous ses films eurent à subir les foudres d’une censure déchainée, mais elle ne put contenir cette force de la nature. Heureusement pour les spectateurs. La légende raconte que Mae West en rajoutait des tonnes dans les dialogues et les situations equivoques afin que les censures exigent des coupes de ces « horreurs » laissant ainsi passer d’autres « atrocités » plus anodines. Pas de doute Mae West savait embobiner.

San Francisco dans les années 1890, Rose Carlton vit « recluse » dans l’ancre du clan Chan Lo à Chinatown. Grand Seigneur, il consent à ce qu’elle chante dans son tripot où se pressent joueurs et amateurs de plaisirs interdits. Rose, la poupée de San Francisco, ne manque pas d’admirateurs en extase devant sa beauté, mais pour elle, la cage est bien trop dorée. A la première occasion, elle se fait la belle laissant derrière elle son amant chinois poignardé (scène vraisemblablement censurée). Recueillie à bord d’un bateau en partance pour l’Alaska avec sa servante, Rose tape aussitôt dans l’œil du capitaine Bull Brackett (Victor McLaglen), un dur de dur.

Ce solide gaillard qui en a vu d’autres en pince aussitôt pour la belle inconnue. Rose en connaît un rayon sur les hommes, c’est un festival de sous-entendus à connotation sexuelle et de regard en coin des plus explicites. De quoi rendre raid dingue le Capitaine Bull (le bien nommé) qui n’hésite pas à plonger son regard dans le décolleté de la poupée de Frisco qui, elle, lorgne son entrejambe. La parité en quelque sorte. Sur son chemin, elle croise Annie, une évangéliste que le Seigneur aura le bon goût de rappeler auprès de lui, laissant à Rose la possibilité de se racheter de tous ses péchés. A Nome en Alaska, une ville de chercheurs d’or, Rose usurpant l’identité d’Annie administre une dose de « liberté » aux sein de la congrégation de pisse-froids dont la mission est la lutte contre la décadence des mœurs.

Klondike Annie est ouvertement un pavé lancé dans la mare des mœurs puritaines et c’est jouissif pour le spectateur. Plusieurs chansons accompagnent l’itinéraire de Mae West dont la fameuse «  I’m an occidental woman in an oriental mood for love » ce qui donne lieu à une formidable séquence en forme de parodie du style de Josef von Sternberg et de Marlène Dietrich. En 1936, Klondike Annie est un des gros succès de l’année pour la Paramount.

Fernand Garcia

Klondike Annie une édition BQHL, dans une belle copie au noir et blanc impeccable mais sans complément.

Klondike Annie (Annie du Klondike) un film de Raoul Walsh avec Mae West, Victor McLaglen, Phillip Reed, Helen Jerome Eddy, Harry Bresford, Harold Huber, Lucille Webster Gleason, Conway Tearle, Soo Yong, Gene Austin… Scénario et dialogue : Mae West d’après sa pièce et l’histoire de Marion Morgan et George B. Dowell et des suggestions de Frank Mitchell Dazey. Directeur de la photographie : George Clemens. Décors : Hans Dreier et Bernard Herzbrun. Montage : Stuart Heisler. Musique et chansons : Gene Austin. Producteur : William LeBaron. Production : Adolph Zukor – Paramount Pictures. États-Unis. 1936. 76 mn. Noir et Blanc.. Ratio image : 1.33 :1. 16/9e compaticle 4/3. VOSTF. Tous Publics.