David Lynch : The Art Life – Jon Nguyen, Rick Barnes & Olivia Neegaard-Holm

David Lynch: The Art Life est un documentaire important pour ceux qui suivent l’œuvre de l’artiste et pour ceux qui parfois ont l’impression de rester sur le bas-côté devant ses créations. Le film offre des clés pour pénétrer, modestement, dans l’une des œuvres les plus stimulantes et originales de la fin du XXe et de ce début du XXIe siècle.

La force du documentaire de Jon Nguyen, Rick Barnes et Olivia Neegaard-Holm est d’être comme une préface à son œuvre totalement émergée dans celle-ci. Dans son atelier, sur un flanc de colline à Hollywood, David Lynch peint. Toiles ne sont que l’expression de son ressenti, de son rapport au monde. Sa fille Lula s’amuse en allant de-ci de-là. Lynch « travaille » là, seul, dans le calme. Aucune arrogance dans son attitude, ni dans son geste créateur. Nous découvrons un artiste secret, loin du système médiatique. Lynch peint encore et encore… l’atelier est son espace naturel.

Et puis, un soir, il s’installe devant un micro et nous raconte des événements de sa vie. Sa voix si particulière nous entraîne dans un autre espace-temps, celui des souvenirs de son enfance. Son père et sa mère, des lieux, des moments, sa première femme, sa fille…

David Lynch est d’un milieu humble. Son père exerce un petit métier au service des forêts. Sa mère, une femme généreuse, pieuse sans excès, professeure d’anglais, elle élève avec attention ses enfants. Son père, « un homme sans une once de méchanceté »,  fait tous les jours à pied le trajet de la maison jusqu’à son travail.  L’enfance du petit Lynch est heureuse.

Les premiers dessins de David Lynch sont marqués par la guerre, la Seconde Guerre mondiale est encore et pour longtemps dans les esprits. La mère remarque assez tôt les prédispositions de David pour la création. Chose étrange et élément fondateur pour Lynch, sa mère, contrairement à ce qu’elle a fait avec ses autres enfants, ne lui donne pas de cahier de dessin. Elle laisse ainsi David dessiner sans « limites ». Son père de son côté lui apprend à voir sous l’écorce des arbres, à découvrir au-delà de la surface. Dans le quartier de son enfance, dans ce périmètre, se retrouve à ses yeux tout le mouvement du monde, un espace à plusieurs dimensions.

Le regard du petit garçon est déjà celui de l’homme de Blue Velvet. Un souvenir le marque profondément : une femme nue dans la rue en pleine nuit… ses films sont émaillés des impressions du jeune enfant.

Lynch grandit, découvre l’Art… mais reste dans son petit monde de l’Amérique profonde. Il tombe amoureux, et la jeune fille lui ouvre la porte de l’atelier de son père, un peintre. Lynch – c’est la découverte d’un nouveau monde, d’un art de vivre aussi.

Lynch se raconte… vingt-cinq entretiens étalés sur trois ans… des souvenirs… le petit appartement où il emménage avec sa femme Peggy et leur fille Jennifer. Son petit boulot dans une imprimerie. A la maison, il réalise en famille de petits films expérimentaux. La chance lui sourit le jour, où l’American Film Institute lui octroie une bourse. La famille Lynch s’installe dans les écuries de la fondation. Lieux délabrés, délaissés par les autres lauréats. Pendant cinq ans, il conçoit Eraserhead (la « tête d’effacement » bouton que l’on trouve sur les enregistreurs son Nagra). Un film fait main entièrement. Son couple n’y résiste pas. David et Peggy divorcent…

David Lynch : The Art Life n’ira pas au-delà d’Eraserhead, mais les histoires que cet homme secret nous livre en disent beaucoup sur ses créations à venir… au bout du voyage, nous nous éveillons heureux d’avoir partagé un moment avec un génie.

Fernand Garcia

David Lynch : The Art Life, un film de Jon Nguyen, Rick Barnes & Olivia Neegaard-Holm avec David Lynch… Directeur de la photographie : Jason S. Montage : Olivia Neegaard-Holm. Musique : Jonatan Bengta & David Lynch. Montage son : Philip Nicolai Flindt. Producteurs : Jon Nguyen, Jason S., Sabrina Sutherland. Production : Absurda – Duck Diver Films – Hideout Films – Kong Gulerod Film. Film Constellation. Distribution (France) : Potemkine Films (Sortie le 15 février 2017). Etats-Unis. 2016. 85 mn. Couleur et Noir et blanc. Format image : 1.78 :1. Son : 5.1. DCP. Tous Publics. Sélection : Venizia Classici, 73 Mostra de Venise, 2016 –  PIFFF 2016