Dario Argento (IV) – 1996 – 2004

En 1996, de retour en Italie, Dario renouvelle sa collaboration avec sa fille Asia pour son film suivant, Le Syndrome de Stendhal (La Sindrome di Stendhal) où l’on retrouve également Thomas Kretschmann, Marco Leonardi, Paolo Bonacelli et Luigi Diberti. Le film marque aussi les retrouvailles du cinéaste avec le compositeur Ennio Morricone.

« J’ai été attiré par le compte rendu d’un livre qui, à commencer par son titre insolite, a capté aussitôt mon attention : Le Syndrome de Stendhal, écrit par la psychiatre italienne Graziella Magherini. J’ai découvert ainsi l’existence d’un déséquilibre psychique qui frappe parfois les touristes face à la beauté, à la puissance, aux messages cachés contenus dans certaines œuvres d’art. Le syndrome s’appelle ainsi parce que le premier qui en a parlé fut le grand écrivain français : lui-même, pendant une visite à Santa Croce à Florence, avait été bouleversé par un tourbillon de sensations au point d’avoir eu un malaise. » Dario Argento (Peur, Rouge Profond, 2018)

Une jeune inspectrice de police, victime du « syndrome de Stendhal », est sujette à d’étranges hallucinations et malaises en plein cœur du musée des Offices de Florence. Celle-ci va devenir la proie du dangereux maniaque sexuel qu’elle cherche à arrêter.

Une fois encore Dario Argento filme sa fille en faisant d’elle une jeune névrosée atteinte d’une singulière pathologie. Premier film italien tourné en numérique, avec son idée de faire plonger littéralement le personnage de sa fille à l’intérieur même des tableaux qu’elle observe, Le Syndrome de Stendhal est aussi une métaphore sur le cinéma et le métier de cinéaste.

« Du point de vue de la performance d’acteur ce fut une épreuve difficile qui demandait beaucoup de concentration : Asia fut impeccable, elle arrivait sur le plateau bien avant l’équipe pour discuter avec moi et affichait un dévouement sans faille au travail. Pour moi, la rigueur sur le plateau est fondamentale : sans discipline on n’obtient rien de bon. » Dario Argento (Peur, Rouge Profond, 2018)

Le Syndrome de Stendhal est un film à la fois atypique et puissant qui prolonge les idées développées par le cinéaste dans Ténèbres en mettant de manière encore plus poussée la forme et l’esthétique du film au service de son sujet.

En 1998, obsédé par sa vision enfant de la version du film réalisé par Arthur Lubin en 1943 avec Claude Rains, le metteur en scène signe une nouvelle adaptation gothique du Fantôme de l’Opéra (Il Fantasma dell’Opera) avec à nouveau sa fille Asia dans le rôle principal et à ses côtés Julian Sands, Andrea Di Stefano et Nadia Rinaldi. C’est à nouveau Ennio Morricone qui compose la musique du film.

En 1877 à l’Opéra de Paris, plusieurs ouvriers sont dévorés, mutilés et assassinés par une force mystérieuse. Un soir, la jeune soprano Christine Daaé répète sur la scène du théâtre désert. Caché dans les souterrains de l’Opéra de Paris, un inconnu masqué l’observe, visiblement subjugué par le talent et la beauté de cette jeune femme, et décide de l’aborder. La jeune femme, intriguée et troublée, va basculer dans une passion amoureuse aussi irréelle qu’éphémère pour ce fantôme. Pendant ce temps, l’Opéra continue à être le théâtre d’une série de mystérieux accidents.

Sur un scénario signé Gérard Brach et Dario Argento, relecture gore et sexy du livre de Gaston Leroux, Le Fantôme de l’Opéra sera un douloureux échec artistique et commercial pour le réalisateur.

En 2000, Argento produit le premier film en tant que réalisatrice de sa fille Asia, Scarlet Diva, un « autoportrait » à la fois trash et onirique qui va définitivement faire de cette enfant de la balle, une icône sulfureuse.

Livrée à ses propres démons, Anna Battista, jeune actrice italienne de renommée internationale, mène de front sa carrière, son désir de passer de l’autre côté de la caméra et sa quête d’amour absolu.

Cherchant à renouer avec son glorieux passé, l’année suivante, Dario Argento décide de retourner au genre qu’il maitrise à la perfection, le giallo. Il écrit, en collaboration avec le romancier Carlo Lucarelli, et réalise Le Sang des innocents (Non ho sonno, 2001) avec Max von Sydow, Stefano Dionisi, Chiara Caselli, Gabriele Lavia et Roberto Zibetti.

A Turin, un tueur en série assassine des jeunes filles dans des circonstances identiques à celles d’une série de meurtres perpétrés vingt ans auparavant. La police piétine et le commissaire Ulysse Moretti, qui fut autrefois chargé de l’enquête, reprend du service. Il est aidé par Giacomo Gallo, un jeune homme dont la mère fut jadis victime du meurtrier sanguinaire.

Pour la quatrième fois de sa carrière, Dario Argento situe l’action de son film dans la ville de Turin. Après L’Oiseau au plumage de cristal, Les Frissons de l’Angoisse et Inferno, le cinéaste retrouve la ville industrielle du Nord de l’Italie, Turin, sa ville fétiche.

Relecture jouissive de ses premières œuvres, hommage aux Frissons de l’Angoisse, Le Sang des innocents est une pépite qui, dès sa remarquable scène d’ouverture au suspens saisissant, capte le spectateur pour ne jamais le lâcher jusqu’à son dénouement. Le film marque également le retour du groupe Goblin comme compositeur de la bande originale.

Après trois ans d’absence, Argento écrit, produit et réalise le thriller Card Player (Il Cartaio, 2004) avec Stefania Rocca, Liam Cunningham, Silvio Muccino, Claudio Santamaria et Fiore Argento.

Un tueur en série défie la police à jouer à un jeu dangereux en ligne : si elle perd la partie de poker engagée avec lui, une nouvelle victime sera assassinée en direct sur le net. Anna, une jeune enquêtrice, va pénétrer dans le monde terrifiant du Card Player, le « joueur de carte ».

Caméra à l’épaule, Argento imprime un rythme nerveux à cette histoire d’assassin qui défie la police avec des parties de poker en ligne. L’idée lui est venue, raconte-t-il, lors d’une séance de cinéma où tout le public était focalisé sur son smartphone. Un trait narquois contre l’air du temps où le cinéaste mêle l’esprit de ses premiers films à celui des séries policières américaines contemporaines. Avec ce film, Argento retrouve sa fille Fiore qu’il avait déjà dirigé dans la scène d’introduction de Phenomena et un petit rôle non crédité dans Trauma. Card Player est un film rarissime sur grand écran en France.

Steve Le Nedelec

Dario Argento

Rétrospective intégrale à la Cinémathèque française du 06 au 31 juillet 2022.