Coffy, la panthère noire de Harlem – Jack Hill

Grover (Mwako Cumbuka) ne manque pas d’air, un petit vendeur noir de drogue des bas quartiers, il se pointe dans la boîte où Sugarman (Morris Buchanan), un gros refourgueur de poudre, festoie avec ses admiratrices. Grover lui propose une nana, car il lui doit une faveur, une nana très spéciale. Une nana en manque qui ferait n’importe quoi pour en avoir. Sugarman n’en a rien à battre des filles, il en a tant qu’il veut même des blanches ! Savoir que la « pétasse » l’attend sur la banquette arrière de sa voiture le met dans tous ses états. Il déboule au parking et découvre sur la banquette arrière une magnifique créature, Coffy (Pam Grier)…

Coffy est un grand blaxploitation, un des sommets du genre. Pam Grier est au top de sa beauté, sa sensualité éclate en un véritable feu d’artifice à chaque plan. Jack Hill a trouvé le truc pour la mettre en valeur (encore que cela soit à peine nécessaire), Coffy se venge des marchands de mort, en les séduisant et oh bonheur! elle n’hésite pas dans sa croisade à coucher avec eux. Une dose de Pam Grier a de quoi vous vriller la tête, ce qu’elle ne manque pas de faire. Hill plonge Coffy dans la faune de la nuit. Coffy, infirmière le jour, est une guerrière en porte-jarretelles et décolleté à damner un saint la nuit. Elle traque les responsables de la déchéance de sa petite sœur en désintoxication, résultat de son addiction à la drogue à 11 ans !

Coffy remonte la chaîne des responsables comme Lee Marvin dans Le Point de non-retour (Point Blank, 1967), du petit revendeur au parrain de la drogue. En ce début des années 70, Coffy emboîte le pas à Un Justicier dans la ville (Death Wish, 1973), c’est une anonyme, comme Paul Kersey (Charles Bronson), qui décide de nettoyer la ville. Jack Hill décrit une société gangrenée par la corruption et l’argent facile. Qu’ils soient blancs ou noirs, c’est avant tout l’appât du gain qui les motive. Si le racisme est bien présent et traverse la société, il suffit de voir la hargne des flics (ripoux) qui s’acharnent sur un collègue noir (honnête). Toutes les combinaisons sont possibles, noirs et blancs s’associent tant que l’argent coule à flots. Et qu’importent les ravages de la drogue.

Les personnages croqués par Hill sont pour le moins picaresques : King George (Robert DoQui) avec son incroyable accoutrement, ses bijoux et sa combinaison jaune moule burne. Vitroni (Allan Arbus), frêle parrain de la drogue, un vicieux aux pratiques sexuelles humiliantes et violentes. Omar, son homme de main, élégant tueur particulièrement sadique (incarné par le toujours inquiétant Sid Haig, disparu cette année). La lesbienne blanche en couple avec une dominatrice noire. Howard Brunswick (Booker Bradshaw) ambitieux politicard, amant de Coffy, de mèche avec toutes les crapules de la ville. La copine call-girl de King George éperdument jalouse de Coffy, etc.

Jack Hill arpente avec bonheur les trottoirs mouillés des quartiers chauds et pouilleux jusqu’au penthouse de luxe. On imagine aisément que le budget que lui refile American International est des plus serrés, ce qui occasionne des contraintes, mais permet aussi de grandes libertés à Hill. C’est donc en décors naturels qu’il plante sa caméra, utilisant les lumières et les éclairages urbains à sa disposition, il donne ce cachet, cette couleur si particulière des films seventies. A l’efficacité du visuel, s’ajoute une solide trame qui ne connaît pas de fioritures. Coffy a la pêche des séries noires de poches à 250 pages. Ça avance vite, c’est sexy, érotique et violent, sur une musique aux accents soul, folk et R&B (formidable) de Roy Ayers, dont chose incroyable, c’est sa seule composition originale pour l’écran.

Jack Hill suit Francis Ford Coppola, son camarade de classe, quand il propose ses services au roi de la série B, Roger Corman. Il passe par tous les postes: décors, scénario, montage, coréalisation, etc. Jack Hill accède officiellement à la réalisation en 1966 avec Blood Bath qu’il coréalise avec Stephanie Rothman, film de vampires qu’il tourne à Belgrade. Roger Corman l’expédie aux Philippines où il réalise des films d’exploitation de légende, The Big Doll House (1971) et The Big Bird Cage (1972), deux films avec Pam Grier. Films de prisons avec ses incontournables scènes de douches, de combats et rivalités féminines, mais aussi de rébellion contre l’oppression. Films d’exploitation, mais progressistes. De retour au Etats-Unis, il réalise en pleine vague de la blaxploitation coup sur coup deux autres films avec sa muse: son chef-d’œuvre avec Coffy avant de poursuivre l’année suivante avec l’excellent Foxy Brown (1974). Il se sépare de Pam Grier et poursuit dans la foulée avec des films mettant – toujours – en scène des personnages de femmes puissantes et rebelles, dont l’étonnant Switchblade Sisters (1975) avec son gang de filles. En 1982, Jack Hill tourne son dernier film Sorceress (sous le pseudo de Brian Stuart !) de l’heroic fantasy sexy produite par le fidèle Roger Corman.

Pam Grier est l’icône absolue de la Blaxploitation. Jack Hill la rencontre à l’American International Production où elle est standardiste. D’autres sources indiquent que c’est Roger Corman qui la repère. Toujours est-il que Corman et Arkoff (le patron d’AIP) expédient le réalisateur et l’actrice aux Philippines pour mettre en boîte des films à (très) bas coût. Sur place, Pam Grier chope une maladie tropicale qui, parmi divers symptômes, la rend aveugle pendant quelques semaines. Elle tourne sur place pour Eddie Romero deux autres films toujours produits par Corman. Pam Grier crève l’écran, Arkoff la prend sous contrat. Elle tourne des seconds rôles des Blaxploitations avant de devenir la Super Star féminine du genre avec Coffy. A la fin de la Blaxploitation, elle poursuit avec des seconds rôles particulièrement intéressants comme dans le Policeman (Fort Apache the Bronx, 1981) aux côtés de Paul Newman ou en sorcière dans La Foire des ténèbres  (Something Wicked This Comes, 1983), un des très rares films dignes d’intérêts produit par l’empire Disney. Fan absolu de Pam, Tarantino écrit pour elle Jackie Brown, le nom est bien sûr un hommage à Foxy Brown. En parallèle de sa carrière cinématographique, Pam Grier a une intense activité télévisuelle, elle est, entre autres, un personnage récurrent dans plusieurs séries comme Smallville ou L World.

Coffy est produit par Samuel Z. Arkoff dont la devise était « Toujours plus de sexe, toujours plus de violence », de quoi se précipiter sur ses productions ! Est-il besoin de préciser que Coffy, la panthère noire de Harlem est l’un des films préférés de Quentin Tarantino ?

Fernand Garcia

Coffy, la panthère noire de Harlem pour la 1ère fois en Blu-ray sous la bannière de BQHL éditions (et en DVD). Le film est proposé dans un nouveau master haute définition impeccable, sans complément, mais Pam Grier est à elle seule un bonus royal. Et contrairement à ce qu’indique le titre français, Coffy ne se déroule pas dans le quartier de Harlem à New York, mais à Los Angeles.

Coffy, la panthère noire de Harlem (Coffy) un film de Jack Hill avec Pam Grier, Brooker Bradshaw, Robert DoQui, Allan Arbus, Sid Haig, William Elliott, Barry Cahill, Lisa Farringer, Carol Young, Linda Haynes, Mwako Cumbuka, Carol Locatell, Lee de Broux, John Perak… Scénario : Jack Hill. Directeur de la photographie : Paul Lohmann. Montage : Charles McClelland. Musique : Roy Ayers. Producteurs : Robert A. Papazian et Samuel Z. Arkoff. Production : A.I.P. American International Production – Papazian – Hirsch Entertainment International. Etats-Unis. 1973. 91 minutes. Panavision. Couleur (Movielab). Format image : 1,85 :1. 16/9e compatible 4/3. Son VO sous-titré en français et VF. HD. Interdit aux moins de 12 ans.