Classe à part – Ivan I. Tverdovsky

La mère de Lena amène sa fille souffrant de myopathie en fauteuil roulant à l’école. Lena (Masha Poezhaeva) va enfin intégrer sa classe tant rêvée car jusqu’à là elle étudiait par correspondance. Tout d’abord, elles vont devoir traverser le chemin de fer, où un accident, un suicidé apparemment, bloque le trafic. Ce suicidé, c’est ce qu’on apprendra plus tard dans le film, faisait parti de la classe d’intégration, où l’on rencontre des trisomiques, des épileptiques, des bègues et autres considérés comme handicapés et donc mis à part, loin des yeux de tout le monde, appelés communément par un nom générique : « débiles ».  De rares professeurs manifestent leurs volonté d’enseigner dans ce type de classe, pour la plupart c’est un fardeau, et s’ils y enseignent c’est sans se prendre la tête, en essayant d’esquiver les sujets complexes en dépossédant ainsi les jeunes élèves de l’idée même d’apprendre leur interdisant toute chance d’intégrer une classe dite « normale ».  Pourtant Lena est une très bonne élève. Elle essaie de tirer sa classe vers le haut, mais les pantins servant le système paralysent tout espoir du progrès. Les mentalités des hiérarchiquement supérieurs sont figées dans des normes héritées du régime soviétique et ne peuvent descendre jusqu’à un point de vue simplement humain.

Par malchance, car pour « une débile » c’est une malchance, Lena tombe amoureuse de son camarade de classe épileptique Anton (Philipp Avdeev). La notion de bonheur ne se marie pas avec le handicap. Le handicap est une tare, on en parle à mi-voix, il n’y a pas d’avenir pour les handicapés.

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Le passe temps favori de Lena et de ses camarades est de traîner sur un terrain abandonné à côté de chemin de fer en jouant au jeu des « dures » – rester allongé sur les rails pendant que le train passe. Les jeunes jouent avec leurs vies car ils n’ont pas grand-chose à perdre, ils sont déjà tous marqués, il n’y a plus d’espoir, le chemin des récusés est déjà bien tracé par la société dans laquelle ils vivent.

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Ce premier film très sensible de Ivan Tverdovsky est un véritable choc. Il filme du point de vue des adolescents, dans toute leur crudité, naïveté, bêtise et violence. Il réussit à saisir cet écart énorme qui existe en Russie entre les jeunes et les vieilles générations. On reconnaît dans sa fiévreuse manière de filmer les influences de Lars von Trier (Breaking the WavesLes Idiots), mais le style de Tverdovsky est plus proche du documentaire : il a adapté son scénario d’un roman de psychologue pour enfants, d’Ekaterina Murashova. Le réalisateur a choisi de mélanger sa troupe de comédiens avec des non professionnelles, qui donnent un poids de véracité au film. La scène de la dégradation du fauteuil roulant de Lena par Misha (Nikita Kukushkin) est une véritable danse macabre qui rajoute au film encore plus de cynisme à l’égard de la société et des lois barbares qui la régissent.

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Avec ce premier film poignant, Tverdovsky s’inscrit dans la liste des cinéastes les plus prometteurs.

Rita Bukauskaite

Classe à part

Classe à part (Klass Korrektsii), un film d’Ivan I. Tverdovsky avec Masha Poezhaeva, Nikita Kukushkin, Philipp Avdeev. Scénario : Dimitry Lanchikhin & Ivan I. Tverdovsky tiré du roman Corrections Class d’Ekaterina Murashova. Directeur de la photographie : Fedor Struchev. Décors : Renat Gonibov. Son : Moritz Hoffmeister, Peter Sandmann & Marcus Sujata. Montage : van Tverdovsky. Producteurs : Natasha Mokritskaya – Mila Rozanova – Michael Kaczmarek & Marcus Boehm. Productions : New People Film – Jomami Filmproduktion. Distribution (France) : Arizona Distribution. (Sortie le 23 septembre 2015). Russie-Allemagne. 2014. 85 mn. Couleur. DCP. Tous publics avec avertissement.