1944. Le soleil se lève sur une île grecque occupée. Au sommet d’un rocher, les vestiges de la Grèce antique, un drapeau nazi planté en plein cœur des ruines. En contrebas, contre les remparts de la ville, les nazis s’apprêtent à fusiller des habitants. L’un d’eux parvient à s’échapper, mais il est abattu quelques rues plus loin. Les forces allemandes traquent des prisonniers évadés. Le premier à être capturé est Net (Richard Roundtree), un soldat américain expert en escalade et magicien. Suivent le professeur Blake (David Niven), spécialiste en art, et Bruno Rotelli (Sonny Bono), un cuisinier italien. Cette dernière arrestation a lieu en plein jour, sur la grande place du village, sous les yeux de Zeno (Telly Savalas), chef de la résistance, et d’Eleana (Claudia Cardinale), tenancière du bordel local. Afin de punir la population, le major SS Volkman (Anthony Valentine) condamne un vieil homme à la pendaison. La terreur nazie règne. Les trois évadés sont reconduits au camp de prisonniers Stalag VII Z, dirigé par le major Otto Hecht (Roger Moore)…
Bons Baisers d’Athènes est né du désir des producteurs de L’Aigle s’est envolé (The Eagle Has Landed, 1976) de réitérer ce succès. David Niven Jr., ancien de la Columbia, et Jack Wiener, ancien de la Paramount, étaient en quête d’un nouveau projet. Leur choix se porte sur une idée proposée par George P. Cosmatos, à partit d’un synopsis qu’il avait écrit en 1971, un film de guerre se déroulant en Grèce. L’histoire est simple : Une équipe de looser emprisonné dans un camp tente de s’empare des trésor archéologiques que les nazis volent sur une petite île grecque. Wiener et Niven, Jr propose l’idée plaît à leur principal financier, Lew Grade, président d’ITC Entertainment — alors le plus important producteur britannique de films et de séries pour la télévision. Cosmatos n’est pas un inconnu pour Lew Grade puisqu’il vient de produire son dernier film, l’excellent film-catastrophe, Le Pont de Cassandra (The Cassandra Crossing, 1976). De plus, Lew Grade est convaincu que le public est en attente de films d’action. Une intuition qui se confirmera tout au long des années 1980. Il donne son feu vert au film.

George P. Cosmatos retravaille son idée et développe avec Richard S. Lochte, un scénario qu’ils orientent plus vers la comédie que le pur film de guerre. Pour la touche finale, les producteurs font appel à Edward Anhalt, scénariste chevronné, doublement oscarisé pour Panique dans la rue (Panic in the Streets, 1950) et Becket (1964). Le projet se bâtit ainsi dans les pas du succès de L’Aigle s’est envolé. Les producteurs sont heureux de refaire un film dans le genre et de ne pas avoir à John Sturges à la réalisation. Selon Tom Mankiewicz, scénariste de L’Aigle s’est envolé, Sturges s’était totalement désintéressé du film et l’avait abandonnant dès la fin du tournage. Tout le mérite du film reviendrait à la la monteuse Anne V. Coates.
Bons Baisers d’Athènes s’impose à l’arrivée comme un patchwork d’influences pleinement assumé. Le film mêle des éléments classiques du genre « film de commando », en reprenant les codes établis dans les années 60, à ceux d’un cinéma de guerre plus décalé, dans la lignée de De l’or pour les braves (Kelly’s Heroes, 1970), sans oublier l’inévitable clin d’œil à l’univers de James Bond. Cette hybridation sympathique touche aussi la distribution mélangeant les stars américaines et européennes. Cette accumulation de grands noms du cinéma participer du plaisir de spectateurs. Passage en revue des troupes :

Roger Moore, James Bond en titre, est au sommet avec le triomphe de L’Espion qui m’aimait (The Spy Who Loved Me, 1977), l’une des meilleurs mission de 007, qui l’impose définitivement. Popularité que confirme le succès Les Oies sauvages (The Wild Geese, 1978), le meilleur film de mercenaires des années 70. Dans Bons Baisers d’Athènes, il incarne un officier autrichien à la fois charmeur et magouilleur. Fidèle à son style, Moore injecte dans son personnage une bonne dose d’humour, jouant subtilement sur le double sens de ses répliques et de ses mimiques espiègles. Ses scènes avec Stefanie Powers, au diapason, sont parmi les plus savoureuses du film. Évidemment, il était impossible pour Roger Moore de personnifier un nazi. Il incarne donc un officier autrichien, ancien antiquaire, qui va prendre fait et cause pour les forces alliées et participer à la libération de l’île.
Bons Baisers d’Athènes marque un tournant dans la carrière de Telly Savalas. Non qu’il cesse de tourner – bien au contraire –, mais ce film apparaît comme le dernier grand rôle dans une production d’envergure internationale. Il clôt une période faste pour l’acteur qui s’étend du début des années 60 à la fin des années 70. C’est Burt Lancaster qui repère Savalas et le présente à John Frankenheimer, qui lui confie un petit rôle dans son premier film, Le Temps du châtiment (The Young Savages, 1961). Leur collaboration se poursuit avec Le Prisonnier d’Alcatraz (Birdman of Alcatraz, 1962), où Savalas livre une performance remarquée qui lui vaut une nomination à l’Oscar du meilleur second rôle. Dès lors, sa carrière décolle et ce partage entre la télévision et le cinéma. En 1965, il incarne Ponce Pilate dans La Plus Grande Histoire jamais contée (The Greatest Story Ever Told) de George Stevens. Pour le rôle, il se rase le crâne, une décision qui deviendra sa signature, à l’image de Yul Brynner. L’année 1967 le voit camper un des personnages les plus marquants et dérangeants de sa filmographie : le psychopathe sexuellement déviant des Douze salopards (The Dirty Dozen), autre très grand film de commando réalisé par Robert Aldrich.

En 1969, il entre dans l’univers de James Bond, interprétant Blofeld dans Au service secret de Sa Majesté (On Her Majesty’s Secret Service), face à George Lazenby. Ce film, longtemps mésestimé, est aujourd’hui considéré par les fans comme l’un des meilleurs de la saga. Dans les années 70, Savalas poursuit sa carrière en Europe. Il tourne De l’or pour les braves (Kelly’s Heroes, 1970) aux côtés de Clint Eastwood, puis s’illustre dans plusieurs productions italiennes et espagnoles : polars, dont l’excellent La Cité de la violence (Città violenta, 1970) avec Charles Bronson, entre autres, westerns, gialli, et même films d’horreur. Parmi eux, le très singulier Lisa et le Diable (Lisa e il diavolo, 1973) de Mario Bava, remonté après le succès de L’Exorciste sous le titre La Maison de l’exorcisme avec des scènes additionnelles. En parallèle de ses films de cinéma, il connaît un immense succès populaire à la télévision avec Kojak (1973–1978).

Telly Savalas, acteur américain d’origine grecque, est resté tout au long de sa vie profondément attaché à la terre de ses ancêtres. Il n’est donc pas difficile d’imaginer ce qui l’a séduit dans Bons Baisers d’Athènes. Il y incarne Zeno, un ex moine devenu chef de la résistance grecque, avec une gravité et une dignité qui tranchent nettement avec la désinvolture affichée par ses partenaires de jeu. Sa présence confère au film une tonalité plus grave, plus ancrée dans la réalité historique, même au cœur de cette aventure fantaisiste. À travers ses scènes, transparaît la violence de l’occupation nazie. Le personnage de Zeno rappelle que, sous les apparences de divertissement, Bons Baisers d’Athènes évoque aussi une période marquée par la terreur, les exactions et la souffrance d’un peuple. En cela, Telly Savalas incarne une forme de mémoire – à la fois personnelle et collective – au sein d’un film qui, sans lui, risquerait de basculer entièrement dans la comédie de guerre.
David Niven, dès les années 30, fut catalogué comme l’incarnation parfaite du gentleman britannique. Cette image d’homme affable, raffiné et toujours impeccablement élégant ne le quittera plus jamais. Officier dans la Highland Light Infantry, en poste à Malte, il s’ennuie profondément. Mis aux arrêts pour insubordination, il s’évade et embarque clandestinement pour les États-Unis. Depuis le bateau, il envoie sa démission à l’armée. Il débarque à New York en 1933 avec l’idée de faire fortune. Le rêve est tenace, mais la réalité plus rude : il enchaîne alors les petits boulots avant de prendre la route pour Hollywood l’année suivante.

En 1934, il signe un contrat de quinze ans avec Samuel Goldwyn et commence à se faire remarquer dans des seconds rôles importants. Il apparaît notamment dans La Huitième femme de Barbe-Bleue (Bluebeard’s Eighth Wife, 1938) d’Ernst Lubitsch et dans Les Hauts de Hurlevent (Wuthering Heights, 1939) de William Wyler. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, il est l’une des premières stars hollywoodiennes à s’engager. Il rentrer en Europe pour reprendre du service dans l’armée britannique.
A la fin de la guerre, il retrouve le chemin des studio. Il aborde des personnages plus complexe, son jeu gagne en finesse, en ambiguïté et en profondeur. Il est bouleversant dans Une question de vie ou de mort (A Matter of Life and Death, 1946) de Michael Powell et Emeric Pressburger, où il incarne un aviateur de la RAF suspendu entre la vie et la mort. C’est aussi à cette époque qu’il rompt son contrat avec Goldwyn, dans une séparation douloureuse, qui l’éloigne des studios pendant quelques années.
Sa collaboration avec Otto Preminger marque un tournant : il reçoit un Golden Globe pour La Lune était bleue (The Moon Is Blue, 1953) et impressionne dans Bonjour tristesse (1958), face à Jean Seberg et Deborah Kerr. Mais c’est sa prestation dans Tables séparées (Separate Tables, 1958), où il incarne avec une grande subtilité un ancien officier rongé par la solitude, qui lui vaut l’Oscar du meilleur acteur. À partir de là, David Niven navigue entre superproductions spectaculaires – Le Tour du monde en 80 jours (Around the World in Eighty Days, 1956), Les Canons de Navarone (The Guns of Navarone, 1961), Les 55 jours de Pékin (55 Days at Peking, 1963) – et des films commerciaux à l’ambition plus modeste. Blake Edwards l’utilise plus judicieusement dans La Panthère rose (The Pink Panther, 1963), où il joue sur son flegme légendaire et son humour pince-sans-rire. Il fait aussi un détour par la France pour Le Cerveau (1969) de Gérard Oury, véritable classique de comédie populaire française, entouré de Bourvil, Jean-Paul Belmondo et Eli Wallach.

Au début des années 60, David Niven passe une audition pour incarner James Bond. Ian Fleming lui-même s’était inspiré de l’acteur pour façonner certains traits du personnage. Mais sa prestance élégante et détachée ne correspond pas à la vision plus musclée et contemporaine que les producteurs, Harry Saltzman et Albert R. Broccoli, souhaitent pour le cinéma. Il incarnera toutefois 007 dans Casino Royale (1967), version parodique et délirante du mythe bondien.
Au moment de Bons Baisers d’Athènes, David Niven venait de tourner dans Mort sur le Nil (1978), adaptation soignée d’Agatha Christie avec Peter Ustinov en Hercule Poirot, entouré de stars telles que Bette Davis et Mia Farrow. Dans Bons Baisers d’Athènes, il est quelque peu en sous-régime : son personnage, peu développé, n’est pas moteur de l’action. Sa présence fait plus écho aux Canons de Navarone. Le tournage du film se déroule sur lîl de Rhodes qui avait déjà servi de toile de fond au film de J. Lee Thompson. Il reste malgré tout un nom qui compte, et l’on imagine qu’il a accepté ce rôle avec plaisir, le film étant produit par son fils, David Niven Jr.

Elliott Gould semble tout droit sorti de M.A.S.H. (1970) avec son interprétation désinvolte, son humour à froid, et sa manière de tirer ses scènes vers la parodie pure. Le seul problème, c’est que les autres acteurs ne jouent pas sur le même tempo, ni dans le même registre. Le voir débarquer avec sa casquette des New York Yankees a d’ailleurs de quoi surprendre dans un premier temps. Ce décalage donne au film une tonalité étrange, parfois involontairement absurde. À ce moment-là de la fin des années 70, Elliott Gould incarne le symbole d’une Amérique désabusée : un antihéros marginal, porteur d’une nouvelle idée de la masculinité, loin des stéréotypes virils du cinéma classique. Ce qui est d’autant plus déstabilisant dans un film de commando, genre traditionnellement enraciné dans des valeurs martiales. Il ne s’offusque d’ailleurs nullement que sa compagne lie une aventure avec un autre homme — nous sommes clairement dans l’après-68. Dommage que le scénario ne creuse pas davantage ce décalage, qui aurait pu enrichir le ton du film en lui apportant une touche d’originalité. Gould est absolument parfait en showman dans la grande scène du strip-tease de Stefanie Powers.

Stefanie Powers et Claudia Cardinale jouent des personnages finalement assez similaires. Elles apportent toutes deux une touche de glamour et de sensualité qui tranche avec l’ambiance parfois hésitante du film. Stefanie Powers joue une fausse ingénue, Dottie Del Mar. Une femme qui a roulé sa bosse en tant qu’artiste. Si son personnage flirte avec la comédie légère, il conserve une forme d’autodérision, perceptible notamment dans la scène où l’officier interprété par Roger Moore la drague ouvertement. Elle n’est pas dupe de la situation, et connaît le pouvoir de ses charmes. Son sens du timing est particulièrement évident dans la scène du strip-tease, où l’on retrouve l’assurance de ses années de danses. Son amoureux du moment, William Holden fait une apparition clin d’œil à Stalag 17 (1953).
Claudia Cardinale incarne, de son côté, une maquerelle au grand cœur, amoureuse de Zeno. Son hôtel, officiellement un bordel pour officiers nazis, est en réalité le centre névralgique de la résistance. Les filles y séduisent l’ennemi pour mieux récolter des informations. Ces séquences dans l’hôtel comptent parmi les plus émouvantes du film. Ce n’est pas Stefanie Powers, mais Claudia Cardinale qui danse avec Telly Savalas dans la scène finale de joie populaire dans l’esprit de Zorba le Grec. Magnifique actrice, d’une grande sensibilité, Claudia Cardinale apporte une vraie profondeur à son personnage, même si le scénario ne lui donne pas toujours l’ampleur qu’elle mériterait.

Bons baisers d’Athènes est le quatrième film de George P. Cosmatos, après Le Péché (1971), drame sentimental avec Raquel Welch, SS Représailles / Massacres à Rome (Rappresaglia, 1973), reconstitution historique avec Richard Burton et Marcello Mastroianni, et Le Pont de Cassandra (The Cassandra Crossing, 1976) avec Sophia Loren et Richard Harris. Avec ce film, Cosmatos s’essaie à la comédie de guerre. Mais ce mélange des genres qu’opéré Cosmatos ne prend pas vraiment. L’aspect comique de la première partie reste bancal, tant la différence de ton et de jeu entre les acteurs se fait sentir. La deuxième partie, plus axée sur l’action, s’avère bien plus convaincante. Les scènes spectaculaires s’enchaînent, notamment une séquence d’anthologie : une poursuite en moto à travers les ruelles étroites de l’île, considérée aujourd’hui encore comme l’une des meilleures du genre. On notera aussi les prises de vue aériennes, en hélicoptère, remarquables. C’était déjà l’une des qualité du précèdent film de Cosmatos, Le Pont de Cassandra. Le film s’ouvre sur un impressionnant plan-séquence, débutant en mer et se poursuivant jusqu’à l’exécution de villageois sur l’île. Quant à la conclusion, avec son missile dissimulé dans un monastère, elle semble tout droit sortie d’un James Bond. Le décor du monastère, entièrement construit sur place, est bluffant. Bons Baisers d’Athènes entre pastiche, aventure et hommage au film de commando avec tout l’attirail du cinéma d’action : explosions, bagarres, fusillades, poursuite et séquence sous-marine, est un divertissement efficace.
Fernand Garcia

Bons Baisers d’Athènes bénéficie d’une édition combo (Blu-ray + DVD) et en édition unitaire proposées par Éléphant Films. En supplément, on retrouve une présentation du film par Justin Kwedi, critique pour Il était une fois le cinéma et DVDClassik. En 14 minutes, il donne les principales clés pour comprendre les codes des films de commando et mieux apprécier ce divertissement. L’édition s’accompagne surtout d’un document passionnant : une série d’interviews tournées en pellicule et en extérieur, dans les coulisses du tournage. C’est à la fois amusant, riche en anecdotes et un vrai plaisir d’écouter Elliott Gould, Roger Moore, Sonny Bono (accompagnés de leurs enfants), George P. Cosmatos, Jack Wiener et David Niven Jr. parler de la fabrication du film. Claudia Cardinale, Stefanie Powers, Telly Savalas et Anthony Valentine livrent eux aussi avec humour aux questions-réponses (1h16). On trouve également la bande-annonce d’époque de Bons Baisers d’Athènes, ainsi que celles de deux autres films de guerre de la même collection : L’Évadé du camp 1 et L’Odyssée d’un sergent. Enfin, Éléphant Films soigne les détails en proposant une jaquette réversible.
Bons baisers d’Athènes (Escape to Athena) un film de George P. Cosmatos avec Roger Moore, David Niven, Claudia Cardinale, Telly Savalas, Stefanie Powers, Richard Roundtree, Sonny Bono, Elliott Gould, Anthony Valentine, Siegfried Rauch, Philip Locke, Michael Sheard, Mimi Denisi, Maria Drakopoulou, William Holden… Scénario : Edward Anhalt et Richard S. Lochte d’après une histoire de Richard S. Lochte et George P. Cosmatos. Directeur de la photographie : Gil Taylor. Costumes : Yvonne Blake. FX : John Richardson. Cameraman séquences aériennes : Ron Goodman. Coordination des cascades : Vic Armstrong. Montage : Ralph Kemplen. Musique : Lalo Schifrin. Producteurs : David Niven Jr., Jack Wiener et Lew Grade . Production : ITC Entertainment. Royaume-Uni. 1H59. 1979. Couleur. Panavision. Format image 2,35:1. Son : Version originale avec sous-titres français et anglais et Version française DTS-HD 2.0 (BR) ou Dolby Audio 2.0 (DVD). Tous Publics.