Après avoir survécu à l’accident qui a coûté la vie à l’amour de sa vie, Sal ne parvient pas à faire son deuil et ne vit plus que dans ses souvenirs. Sa sœur, Ebe, lui suggère de se tourner vers Another End, une nouvelle technologie qui promet d’atténuer la douleur de la séparation en ramenant brièvement à la vie la conscience de ceux qui sont morts. Sal retrouve ainsi l’âme de Zoé au travers d’une autre femme. Ce qui était brisé semble alors se reconstituer.
Présenté en compétition à la Berlinale 2024, Another End est une élégie futuriste sur l’amour, la perte, le deuil et l’humanité retrouvée, une œuvre qui ose regarder la douleur dans les yeux et en extraire toute la beauté. Porté par un casting international remarquable – Gael García Bernal, Renate Reinsve, Bérénice Bejo, Olivia Williams – et réalisé par le réalisateur italien Piero Messina, le film propose une réflexion poétique et audacieuse sur le deuil, la mémoire, et la résilience affective dans un futur proche où la technologie permet de repousser les limites de la mort.

Après des études de cinéma à la CSC – Centro Sperimentale di Cinematografia – Scuola Nazionale di Cinema de Rome, Piero Messina réalise plusieurs courts-métrages, dont La Porta sélectionné au festival de Rotterdam 2009 et Terra à Cannes 2011, dans la sélection de la Cinéfondation. En 2015, son premier long métrage L’Attente (L’Attesa), avec Juliette Binoche et Lou de Laâge, est en compétition au festival de Venise. Après la réalisation de plusieurs séries, dont L’Ora et Suburra, il présente son nouveau film, Another End, qui était en compétition au festival de Berlin 2024.
Construit sur trois genres différents, la science-fiction, le thriller et le mélodrame, et avant les questions philosophiques, éthiques ou technologiques que pose le film, à travers Another End, le cinéaste s’intéresse en premier lieu à la romance et cherche à développer l’idée des dimensions sensorielles comme socle des relations humaines et amoureuses. À la croisée du drame existentiel et de la science-fiction intimiste, dans une douce anticipation dystopique, Another End imagine une société où l’entreprise Aeterna propose de « réveiller » temporairement les défunts en transférant leur conscience dans des hôtes humains soigneusement sélectionnés. Cette idée de départ, qui aurait pu n’être qu’un gimmick narratif, est ici le cœur même d’un film profondément humain.
Le film suit Sal (Gael García Bernal), inconsolable après la perte de Zoé, l’amour de sa vie. Incité par sa sœur Ebe (Bérénice Bejo), il accepte de tenter l’expérience Aeterna. Zoé « revient » dans le corps d’Ava (Renate Reinsve), un hôte compatible et volontaire. Ce point de départ débouche pourtant sur une œuvre d’une grande pudeur, où la technologie n’est qu’un prisme à travers lequel observer la fragilité des sentiments.

Plutôt que de verser dans le spectaculaire, Messina choisit l’introspection. Il s’intéresse moins à la machinerie qu’à l’intimité : les gestes retenus, les silences qui pèsent plus lourd que les mots, les regards échappés entre deux êtres qui ne savent plus très bien où commence l’un et où finit l’autre. L’hôte, n’est-elle qu’un réceptacle ? Que devient l’identité lorsque l’on est traversé par une autre conscience ? Que signifie aimer ? Comment aime-t-on ? Qui aime-t-on et pourquoi ? Des questions fascinantes, abordées avec une finesse rare.
Contemplative, la mise en scène du cinéaste est magistralement orchestrée. D’une parfaite et grande cohérence visuelle et esthétique, dans Another End, Messina épouse la froideur clinique d’un monde futuriste où les émotions semblent bannies de l’espace public, pour mieux faire jaillir, par contraste, la chaleur des sentiments intimes.
Le réalisateur italien maîtrise le cadre avec une rigueur impressionnante. Chaque plan semble pensé comme une peinture : le vide, la symétrie, la distance entre les corps expriment plus que les dialogues. Les scènes de retrouvailles entre Sal et Zoé/Ava sont d’une pudeur bouleversante, jouant sur l’ellipse et la suggestion plutôt que sur le pathos. La lenteur du récit participe à l’expérience sensorielle et émotionnelle du spectateur. C’est un film qui demande à être « ressenti », presque comme une caresse ou un deuil lentement apprivoisé. On retrouve ici l’influence de cinéastes comme Michelangelo Antonioni ou Jonathan Glazer, mais Messina parvient à imposer une voix qui lui est propre, plus lyrique que théorique.

Mais la beauté de ce film ne réside pas uniquement dans sa réalisation : elle s’étend à tous les postes techniques, des plus visibles aux plus subtils, qui contribuent à l’atmosphère particulière de l’œuvre. Que ce soit la lumière signée Fabrizio La Palombara, les décors d’Eugenia F. di Napoli, la musique de Bruno Falanga ou encore le rythme imprimé par le montage de Paola Freddi, chaque élément technique joue un rôle essentiel dans la narration du film. Les différents éléments techniques sont ici comme une symphonie visuelle et sonore au service du récit.
La direction de la photographie est un élément clé dans la création de l’atmosphère unique d’Another End. A la fois empreinte de froideur et de douceur, la lumière du film est assurée par Fabrizio La Palombara. À travers des jeux subtils de lumière et d’ombre, La Palombara parvient à matérialiser l’opposition entre le monde froid, technologique, et l’intimité vibrante des relations humaines. Les teintes froides dominent tout au long du film, avec une palette de bleus et de gris métalliques qui évoque un univers et une société aseptisés, presque irréels. Mais ces couleurs ne sont pas seulement froides. Elles portent en elles une certaine douceur mélancolique qui permet de traduire visuellement l’intensité émotionnelle sous-jacente. L’apparente esthétique glacée devient l’écrin d’un bouleversement émotionnel intense. Les scènes d’intérieur, souvent éclairées par des lumières artificielles diffuses, renforcent le sentiment de déconnexion, mais également de réflexion intérieure, invitant le spectateur à se concentrer sur les personnages et leurs émotions.
Les contrastes entre les moments de tension et ceux d’apaisement et de rapprochement, où la lumière semble s’adoucir, créent une dynamique visuelle qui accompagne parfaitement le rythme du récit. La lumière devient ainsi un personnage à part entière, qui accentue le paradoxe du film : un monde technologiquement avancé, mais où, primordiale, l’émotion humaine reste palpable et fragile.

« Nous avons donc commencé à sélectionner des objets, des paysages et des photos de différentes villes. Je voulais créer un monde qui serait abstrait, suspendu, comme une sorte de conte de fées. J’ai réalisé à la fin de ce long processus empirique que je créais un décor qui ne s’attachait pas à un genre spécifique mais qui était plus proche de l’émotion de l’histoire. » Piero Messina.
Réalisés par Eugenia F. di Napoli, représentant un monde minimaliste mais chargé de significations, les décors du film sont également d’une grande importance. Dans Another End, les espaces sont à la fois modernes et dépouillés, avec des lignes nettes et des matériaux froids qui évoquent une époque future mais distante. L’architecture des bâtiments et des appartements semble déconnectée de toute forme de chaleur humaine, ce qui renforce l’idée d’un monde régi par la technologie et la rationalité.
Cependant, derrière cette esthétique minimaliste, chaque décor est soigneusement conçu pour traduire l’émotion sous-jacente des scènes et des personnages. Les espaces dans lesquels les personnages évoluent sont à la fois vastes et clos, créant une tension constante entre l’ouverture et l’enfermement. Les appartements, par exemple, sont souvent des espaces impersonnels, mais les détails subtils dans l’aménagement – un objet personnel, une lumière tamisée, ou encore, une vue sur la ville – permettent de faire émerger un sentiment de désir de connexion. Les décors ne servent donc pas seulement à poser un cadre futuriste, mais également à mettre en lumière les dilemmes intérieurs des personnages, créant un dialogue silencieux entre l’espace et l’individu.
Signée par Bruno Falanga, la bande originale d’Another End joue un rôle primordial dans l’immersion émotionnelle du spectateur. Mélodie intime et organique, subtile et minimaliste, la musique de Falanga est marquée par sa puissance émotionnelle. Les nappes électroniques, entrecoupées de sonorités organiques, soutiennent le rythme du film et ajoutent une dimension sensorielle à l’expérience visuelle. La musique n’est jamais intrusive, mais elle devient un accompagnateur sensible des émotions des personnages. Dans les moments de tension, celle-ci s’intensifie, tandis que dans les scènes plus calmes, une mélodie plus apaisée, comme « suspendue », envahit l’écran, soulignant le vide ou l’incertitude. Discrète et élégante, la musique de Falanga prolonge les regards autant qu’elle souligne les ruptures et devient ainsi le reflet sonore de l’âme des personnages, une manière d’exprimer ce qui ne peut être dit par les mots.
Finement orchestré, le montage de Paola Freddi, joue un rôle crucial dans la fluidité du film. La durée des plans est maîtrisée avec une précision remarquable, permettant à chaque scène de respirer et de se déployer sans précipitation. Particulièrement délicat, ce rythme favorise une immersion dans l’introspection des personnages, tout en permettant au spectateur de ressentir le poids de chaque geste, de chaque mot. Marqué par de nombreuses coupures discrètes, souvent entre des plans rapprochés ou des regards qui suspendent le temps, le montage du film effectue des transitions, parfois imperceptibles, qui accentuent le caractère onirique du film, créant comme une sensation de flottement entre réalité et souvenir. Le rythme donne ainsi une texture particulière à l’œuvre, où chaque instant semble suspendu, chaque émotion en devenir.
L’utilisation d’ellipses, tant dans le récit que dans le montage, invite le spectateur à remplir les blancs et à s’imprégner pleinement des émotions qui se dégagent, comme à s’interroger sur les questions que pose le film. Le temps devient un outil narratif précieux, renforçant les thèmes du film liés à la mémoire et à la perte. Le film repose en grande partie sur la subtilité des jeux d’acteurs, et chacun des interprètes semble transcendé par l’univers de Messina. D’une rare intensité, les performances d’interprétations exceptionnelles de Gael García Bernal, Renate Reinsve, Bérénice Bejo et Olivia Williams montrent qu’ils ne se contentent pas d’incarner des personnages mais bien qu’ils vivent et respirent dans cette atmosphère fragile, dans cet univers complexe.

Acteur mexicain d’envergure internationale, Gael García Bernal est sans doute l’un des talents les plus fascinants de sa génération. Au fil des années, il a su passer de « rôles de jeunesse » dans des films comme Amours Chiennes (Amores Perros, 2000) d’Alejandro González Iñárritu, La Mauvaise Education (La Mala Educación, 2004) de Pedro Almodóvar, ou encore Carnets de voyage (The Motorcycle Diaries, 2004) de Walter Salles, à des « rôles adultes » dans des œuvres comme Babel (2006) d’Alejandro González Iñárritu, Blindness (2008) de Fernando Meirelles, No (2013) de Pablo Larraín, ou encore Desierto (2016) de Jonás Cuarón. Dans Another End, Gael García Bernal est parfait dans le rôle de Sal, un homme confronté à la mort de l’amour de sa vie, Zoé, un homme dévasté par la perte.
Sal est un personnage complexe. Avec la perte physique de Zoé et, d’une certaine manière, la difficulté de la récupérer via la technologie, Sal est comme dans une position de double deuil. Le regard perdu qu’il porte sur Ava, l’hôte qui incarne Zoé, révèle à la fois l’espoir et la désillusion. Sal est un homme à la fois en quête de rédemption, mais aussi en quête d’une illusion. Tout en subtilité, le jeu de Gael García Bernal s’appuie sur une gestuelle sobre ou encore, une voix basse chargée d’émotions non exprimées. Chacun de ses mouvements et de ses silences semblant contenir une souffrance insoutenable, c’est avec une rare intensité que l’acteur parvient à traduire et à nous transmettre le déchirement du personnage.
Révélée par le film Julie (en 12 chapitres) (Verdens verste menneske, 2021) de Joachim Trier et également à l’affiche entre autres de La Convocation (Armand, 2025) de Halfdan Ullmann Tøndel, Renate Reinsve continue de briller par son talent exceptionnel. Dans Another End, l’actrice norvégienne incarne Ava, l’hôte traversée par l’esprit de Zoé qui devient son corps temporaire, l’hôte entre deux mondes. Le personnage d’Ava vit dans un entre-deux existentiel, à la fois elle-même et un autre, réceptacle d’une mémoire imposée. Reinsve parvient à rendre cette ambiguïté de manière magistrale : elle est à la fois pleine de vie et, à certains moments, « vide », ou plutôt, habitée par une autre. Son jeu tout en finesse joue sur des subtilités dans la façon dont elle s’adapte au rôle qu’elle joue, devenant tantôt Zoé, tantôt Ava. Les moments où Ava semble « perdre son âme » au profit de Zoé sont bouleversants, et Renate réussit à rendre l’expérience de ce transfert émotionnel avec une immense justesse. C’est au travers de simples gestes et regards qu’elle parvient à déployer toute la complexité de son personnage riche en émotions.

Bérénice Bejo, actrice brillante que l’on connaît pour ses performances dans The Artist (2011) de Michel Hazanavicius, Le Passé (2013) d’Asghar Farhadi ou encore L’Economie du couple (2016) de Joachim Lafosse, incarne ici Ebe, la sœur protectrice de Sal. Seul lien solide de Sal avec la réalité, elle essaie de le guider vers une forme d’acceptation du deuil. Personnage complexe, consciente des limites de ce qu’elle peut offrir à son frère, Ebe est à la fois bienveillante et distante. Bejo joue ce rôle empreint de tendresse avec finesse et une grande douceur, montrant une facette plus matriarcale ancrée dans la terreur de l’impossibilité de sauver son frère. Montrant l’intensité de la douleur silencieuse et de l’amour familial, son jeu repose sur l’intelligence des non-dits et la suggestion. Bien que se voulant être une « gardienne » de Sal, Ebe est elle-même prisonnière de son impuissance face à la souffrance de son frère. Bejo réussit à rendre ce dilemme avec une grande élégance, marquant une déchirure subtile entre son amour et son incapacité à « réparer ».
L’actrice britannique Olivia Williams, que l’on a pu voir notamment à l’affiche de films comme Rushmore (1999) de Wes Anderson, The Ghost Writer (2010) de Roman Polanski ou encore Maps To The Stars (2014) de David Cronenberg, quant à elle, joue le rôle de Juliette, la directrice de l’entreprise Aeterna, qui permet la réanimation des morts à travers des hôtes humains. En contraste avec la chaleur humaine que dégagent les autres personnages, son personnage ne se permet pas de se laisser submerger par les émotions. Glaciale et impassible, mais d’une intelligence remarquable, à travers son rôle, la comédienne incarne de manière presque clinique, la figure de l’autorité. A la fois rassurante et inquiétante, elle est la représentante énigmatique du progrès mais aussi de l’immoralité qui peut en découler.
Loin de la science-fiction dystopique tapageuse, Another End s’inscrit dans une tradition méditative et existentielle, héritée de films comme Solaris (1972) d’Andreï Tarkovsky ou Her (2014) de Spike Jonze. Cohérent et riche de résonances philosophiques, le monde qu’Another End décrit est crédible. Le spectateur est immergé dans une société où la mort n’est plus une fin mais un passage temporairement négociable. Une société qui, sous prétexte de soulager la douleur, interroge le droit au souvenir, à l’oubli, à la reconstruction.
Le cinéaste ne cherche pas à tout expliquer mais suggère en laissant des zones d’ombre. Et c’est précisément ce qui donne sa force au film. Le spectateur est invité à remplir ces vides par sa propre expérience. Il est invité à faire résonner les silences du film avec ses propres « absences ». Another End pose des questions universelles : Qu’est-ce qu’aimer quelqu’un qui n’est plus là ? Peut-on continuer à aimer dans un corps qui n’est plus le sien ? Où s’arrête le deuil ? Comment commence le refus d’avancer ?
Œuvre audacieuse sur la mémoire et l’identité, Another End est un film rare, parce qu’il ose explorer des terrains fragiles, là où la douleur se confond avec la beauté. Messina s’intéresse à cette zone trouble où l’amour survit à la mort, mais aussi à la manière dont les souvenirs, même falsifiés, peuvent reconstruire un être. Le film interroge aussi la question du consentement, de la projection, de la confusion entre le passé et le présent. Ava est-elle libre d’exister, ou n’est-elle que le réceptacle d’une mémoire imposée ? Sal aime-t-il Zoé ou l’idée de Zoé ? Peut-on encore aimer lorsqu’on sait que l’autre n’est plus vraiment lui-même ? Autant de questions vertigineuses que le film traite avec délicatesse et humilité. Mais plutôt que d’imposer un message ou de donner des réponses, Messina nous propose une réflexion par le biais d’une expérience sensorielle, émotionnelle et philosophique.
« Ma référence principale a sans aucun doute été La Jetée de Chris Marker. Il y a une scène avec des images et une femme qui se réveille, et Another End en est directement inspirée. En ce qui concerne la science-fiction, je voulais surtout éviter les stéréotypes de genre, éviter toute référence aux classiques de la science-fiction. » Piero Messina.
Si Another End s’inspire de La Jetée (1962) de Chris Marker et explore la résilience du cœur humain face à la mort, il s’inscrit dans une tradition de films qui interrogent les limites de la mémoire, du deuil et des relations humaines. Her (2014) de Spike Jonze, Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004) de Michel Gondry ou encore Alps (Alpeis, 2011) de Yorgos Lanthimos partagent avec Another End une exploration des liens affectifs, de la mémoire et de l’identité, mais chacun aborde ces thèmes sous un angle particulier.
Quête d’amour dans un monde virtuel, à travers l’histoire de Theodore Twombly, qui tombe amoureux de son système d’exploitation d’intelligence artificielle, Her interroge la relation entre l’humain et la technologie. Tout comme Another End, Her traite de la recherche du lien humain dans un contexte technologique, mais avec une approche plus centrée sur l’isolement affectif et l’illusion de l’amour artificiel. Tandis que Her se concentre sur l’évolution d’un amour improbable mais sincère, Another End explore davantage la tension entre la vie et la mort, et la manière dont un homme tente de revivre l’amour perdu, par l’intermédiaire de la technologie.
Avec son concept de l’effacement de la mémoire, Eternal Sunshine of the Spotless Mind se rapproche d’Another End dans son interrogation sur la manière dont la mémoire façonne nos vies et nos relations. Tandis que Michel Gondry permet à ses personnages de « purger » les souvenirs de leurs anciennes relations, Messina, quant à lui, explore la résurgence de souvenirs inaltérés, mais réanimés à travers la technologie. Les deux films partagent une interrogation sur la permanence des souvenirs, mais Eternal Sunshine s’intéresse à l’oubli et à la renaissance du soi, alors que Another End plonge plus profondément dans la possibilité de « revisiter » un amour, de le transformer ou de le confondre avec un autre.
Exploration absurde des rôles identitaires et de l’illusion, avec ces personnes qui incarnent des rôles de défunts pour le compte de leurs proches, Alps (2011) de Yorgos Lanthimos, pose des questions similaires à celles de Another End. Jusqu’où peut-on s’immerger dans l’identité de l’autre ? Où commence la perte d’authenticité ? Tandis que Lanthimos s’intéresse à la mécanique du remplacement identitaire et à la confusion des rôles sociaux, Another End va plus loin dans la dimension affective, avec l’idée de « réanimer » un être cher dans un autre corps, brouillant la frontière entre deuil et désir de reconstruction. Ces films qui partagent certaines thématiques avec Another End, se répondent, se complètent et dialoguent entre eux.
Sans céder aux « facilités » du mélodrame ou de la science-fiction spectaculaire, Another End est un film qui assume son rythme et sa lenteur, comme son mystère. Another End nous offre une des plus belles méditations cinématographiques de ces dernières années sur la perte, l’amour et la résilience. Avec cette œuvre ambitieuse, Piero Messina confirme qu’il est un cinéaste à part. Un cinéaste exigeant, sensoriel et profondément humaniste. En racontant une histoire intime dans un monde futuriste, il touche à l’universel. Le cinéaste nous rappelle que ce qui fait de nous des humains – notre mémoire, notre désir d’aimer, notre peur de l’oubli – transcende les époques et les technologies.
Another End est une œuvre précieuse, à la fois poème visuel, drame philosophique et expérience émotionnelle. Another End est un film à voir, un film à vivre. Another End est un film à revoir, un film à ressentir. Another End est un film à « rerevoir », un film à méditer.
Steve Le Nedelec

Another End, un film de Piero Messina avec Gael García Bernal, Renate Reinsve, Bérénice Bejo, Olivia Williams, Pal Aron, Angela Bain, Philip Rosch… Scénario : Piero Messina, Giacomo Bendotti, Valentina Gaddi, Sebastiano Melloni. Idée originale : Valentina Gaddi, Sebastiano Melloni, Piero Messina, Giacomo Bendotti. Image : Fabrizio La Palombara. Décors : Eugenia F. Di Napoli. Costumes : Mariano Tufano. Son : Fabio Falici. FX : Rodolfo Migliari & Daniele Starnoni. Producteurs : Nicola Giuliano, Francesca Cima, Carlotta Calori, Viola Prestieri et Paolo Del Brocco. Production : Indigo Film – RAI Cinéma – TF1 Studio – Anton – Number 9 film. Distribution (France) : Damned Films (Sortie le 28 mai 2025). Italie – France – Royaume-Uni. 2024. 1h58. Compétition officielle, Festival de Berlin, 2024. Tous Publics.