Macho Callahan – Bernard L. Kowalski

Les vingt premières minutes de Macho Callahan sont sidérantes. Le film s’ouvre sur un camp de concentration, une prison militaire confédérée. Les prisonniers ne sont plus que des épaves humaines, victimes de maltraitance, de malnutrition et de l’arbitraire des gardiens. Images puissantes d’un chaos proche du documentaire. La violence suinte, un cheval mort est éventré, une immonde mixture cuite dans des chaudrons. Dans des trous pourrissent des hommes. Le réalisme de l’ensemble est saisissant et inhabituel dans le western. Dans ce cloaque, un homme Macho Callahan (David Janssen), prisonnier, enrôlé de force dans l’armée confédérée, échafaude une mutinerie. L’évasion est spectaculaire, les prisonniers tombent par dizaines à la porte de sortie. Macho Callahan et un acolyte Juan (Pedro Armendariz Jr.) s’évadent. Le film prend une autre tournure. Le personnage principal, survivant de l’enfer, n’est pas sympathique. En ville, il abat un homme (David Carradine), pour un motif des plus futiles. Laissant derrière lui, une veuve Alexandra Mountford (Jean Seberg). Elle n’a plus qu’un but, tué Macho Callahan, alors que celui-ci traque le bonimenteur (Lee J. Cobb) qui l’a enrôlé dans l’armée.

Bernard L. Kowalski signe un western inscrit dans son époque, relecture réaliste et violente dans le sillage de Sam Peckinpah, de Sergio Leone, du Soldat Bleu (avec qui il partage le même producteur Joseph E. Levine), de Willie Boy (Tell Them Willie Boy Is Here, d’Abraham Polonsky). Le déroulement de Macho Callahan ne cesse de surprendre. Les personnages nous échappent, ils agissent sur une gamme qui ne correspond pas à notre perception, et c’est tant mieux. Ils sont d’une autre époque, d’une autre réalité, d’un monde qui se bâtissait avec son lot de violence, d’injustice, de sauvagerie. Le film comme par un effet de zoom se focalise sur Macho Callahan et Alexandra. Les isolants dans une sorte de bulle dans un Eden perdue au milieu de nulle part. Alexandra tente de le tué, dans une séquence hallucinante, de sexe et de sang. Ils se frappent et finissent par faire l’amour couvert de sang. Kowalski montre que les sentiments les plus forts peuvent, dans ses contrées lointaines, s’inverse radicalement. La vie doit reprendre le dessus.

Macho Callahan n’est pas un héros, détruit par la guerre, l’enfermement en prison, la vie n’a plus aucune valeur. Alexandra, dérive dans un univers de pionniers, dont la diversité des ambitions représente un danger permanent. Accolés l’un à l’autre, ils vivent une étrange histoire d’amour. Amant tragique d’un mouvement inéluctable de violence qui les conduit au bord du précipice. Il n’y a rien de glorieux dans la mort, il reste en héritage que la souffrance et la solitude. Le superbe arrête sur image sur Alexandra scelle le tombeau des sentiments nobles.

Jean Seberg est absolument magnifique.  Elle apporte une consistante et un charme tragique à Alexandra, qui rend sa composition complexe dans son évolution et in fine particulièrement touchante. Le film sort du cadre du western traditionnel s’en allant vers les rivages d’une mélancolie à laquelle l’actrice n’est pas étrangère. Jean Seberg est découverte à dix-sept ans par Otto Preminger qui lui offre le rôle de la pucelle d’Orléans dans Sainte Jeanne (St. Joan of Arc) en 1957. Elle devient une icône de la Nouvelle Vague avec A bout de souffle de Jean-Luc Godard (1960). Lilith (1964) de Robert Rossen est l’une de ses plus belles interprétations. Sa carrière se partage entre les Etats-Unis et l’Europe. A la fin des années 60, son soutien au Black Panther et son opposition aux interventions guerrières de la politique extérieure américaine, en font une personnalité « à abattre » pour le FBI. D’infâmes campagnes de désinformation seront montées contre elle. En 1979, Jean Seberg est retrouvée morte dans une voiture, un suicide douteux, un mort qui reste un mystère. Jean Seberg apporte une finesse et authenticité qui enrichissent à chaque fois ses personnages d’une humanité émouvante.

David Janssen est peut-être un choix trop lisse pour Macho Callahan. Il atteint la célébrité en incarnant le Dr Richard Kimble dans la série Le Fugitif (1963 – 1967). Solide second rôle, Janssen est le journaliste gauchiste du politiquement délirant Les Bérets verts (The Green Berets, 1968) de John Wayne, Janssen aura quelques premiers rôles sans jamais retrouver le succès de la télévision.

Bernard L. Kowalski, est une légende de la réalisation TV. Impossible de ne pas avoir vu sa signature : Les Incorruptibles, Rawhide, Les Mystère de l’Ouest, Mission Impossible (dont il est l’un des co-créateurs), Les rues de San Francisco, Columbo, Baretta, Mike Hammer, K2000, Supercopter, Magnum, etc. sans compter les innombrables unitaires. Kowalski débute à cinq ans en tant que figurant dans des productions Warner Bros. A dix-sept, il est déjà assistant-réalisateur et directeur de production. Roger et Gene Corman, le repère et lui propose de réaliser coup sur coup ses deux premiers films pour le cinéma : Hot Girl Car et Night of the Blood Beast (1958), séries B nerveuses pour Drive-In. Les incursions au cinéma de Bernard Kowalski se limitent à sept films. Son œuvre la plus célèbre est SSSSnake, le cobra (Sssssss, 1973) produit par le duo Richard D. Zanuck et David Brown pour Universal. Macho Callahan est sans l’ombre d’un doute son meilleur film. Il s’entoure d’un collaborateur de premier plan, Gerry Fisher, chef opérateur attitré de Joseph Losey. Sa photographie de Macho Callahan avec ses ciels gris/bleus et ses couleurs désaturées, renforce la puissance graphique du film. La manière de filmer, avec une utilisation du scope atypique dans le genre contribue à faire de Macho Callahan une œuvre singulière. La photographie de Gerry Fisher anticipe sur celle des westerns de Robert Altman, Philip Kaufman ou Clint Eastwood qui vont suivre dans les années 70. Gerry Fisher signe un autre western atypique, par la suite, Le Convoi sauvage (Man in the Wilderness, 1971) de Richard C. Sarafian.

Macho Callahan mérite plus qu’un détour, une réévaluation.

Fernand Garcia

Macho Callahan, une édition Sidonis – Calysta dans sa collection Western de légende, master HD, image et son restaurés (DVD et Combo). Une qualité d’image qui permet d’apprécier la superbe photographie de Gerry Fisher. En complément : Une double présentation du film par Jean-François Giré (17 minutes) et Patrick Brion (7 minutes).

Macho Callahan un film de Bernard L. Kowalski avec David Janssen, Jean Seberg, Lee J. Cobb, James Booth, David Carradine, Pedro Armendariz Jr., Bo Hopkins, Anne Revere, Richard Anderson, Diane Ladd… Scénario : Cliff Gould d’après une histoire de Richard Carr. Directeur de la photographie : Gerry Fisher. Décors : Edward Marshall. Costumes : Dave Berman et Barbara Rosenquest. Montage : Frank Mazzola, Jerry Taylor et Fabien D. Tordjmann. Musique : Patrick Williams. Producteur exécutif : Joseph E. Levine. Producteurs : Bernard L. Kowalski et Martin C. Schute. Production : Felicidad Productions – AVCO Embassy Pictures. Etats-Unis. 1970. 99 minutes. Couleur. Panavision anamorphique. Format image : 2,35 :1. Son : Version originale avec ou sans sous-titres français et Version française. DTS-HD.