Salafistes – Tribunal administratif de Paris

Par une ordonnance du 18 février 2016, le juge des référés du Tribunal Administratif de Paris à suspendu le visa d’exploitation du film documentaire Salafistes, « en tant seulement que ce visa d’exploitation est assorti d’une interdiction aux mineurs de dix-huit ans et non aux seuls de seize ans ».

La commission de classification avait proposé à la Ministre de la Culture, Mme Fleur Pellerin, pour le film Salafistes, une interdiction aux mineurs de moins de 18 ans assortie d’un avertissement. En motivant cette décision de la manière suivante : « Ce film qui donne sur toute sa durée et de façon exclusive, la parole à des responsables salafistes, ne permet pas de façon claire de faire la critique des discours violemment anti-occidentaux, anti démocratique de légitimation d’actes terroristes, d’appels au meurtre d’infidèles présentés comme juifs et chrétiens, qui y sont tenus. Les images parfois insoutenables soutiennent ces propos en dépit de la volonté des réalisateurs de les utiliser en contre-point. Pour ces raisons une interdiction aux mineurs de moins de 18 ans assortie de l’avertissement suivant est indispensable : « ce film contient des propos et des images extrêmement violents et intolérables, susceptibles de heurter le public » (à lire : le communiqué de presse de Mme Fleur Pellerin, de janvier 2016).

Le juge a considéré, entre autres, que l’interdiction aux moins de dix-huit ans « compromet ainsi les conditions de diffusion du film, en salle de cinéma, y compris en cas d’accompagnement par des enseignants dans le cadre d’un projet pédagogique »   et  « (…) que ce documentaire, d’une durée d’une heure et onze minutes, est composé en grande partie d’interviews de personnes se présentant comme appartenant à la mouvance dite « salafiste », entrecoupés de messages de propagande des organisations dites DAESH ou AQMI et de scènes ou d’agissements transcrivant dans l’action leurs propos ; que les personnes interviewées, se présentant le plus souvent comme des imams, y développent des propos portant notamment sur l’application de la loi coranique, la place de la femme dans la société, les attentats perpétrés aux Etats-Unis le 11 septembre 2001, ceux qui ont eu lieu à Paris le 7 janvier 2015 contre le magazine Charlie Hebdo ou l’assassinat d’un journaliste américain ; que ces propos, s’il tendent, il est vrai, à remettre en cause le concept de démocratie et de droits de l’homme, transcrivent un discours et des actes portés par des personnes se revendiquant d’une mouvance dite « salafiste » et sont connus de tous pour être diffusés par les médias audiovisuels à des heures de grande écoute ; que certaines scènes ou images du documentaire, issues pour certaines d’entre elles de films de propagande des organisations DAESH et AQMI, sont d’une très grande violence ; que, toutefois, lesdites scènes, par leur portée et la façon dont elles sont introduites dans le documentaire, participent à la dénonciation des exactions commises contre les populations ; que, de même, l’ensemble des propos ou des scènes présentées dans le documentaire sont mis en perspective par l’avertissement figurant en début de film, accompagné d’une formule de Guy Debord relative à la dénonciation, par sa représentation, de la violence, ainsi que par les déclarations d’un jeune homme opposant le dispositif totalitaire de contrôle de la société mis en place par les personnes se réclamant du « salafisme » et la situation antérieure ainsi que par ceux d’un vieil homme relatant sa confrontation avec des intégristes ; qu’ainsi, le film, qui comporte des scènes de résistance ou de dissidence, permet au public, du fait même de sa conception d’ensemble et de la violence de certaines images, de réfléchir sur la portée de ce documentaire et de prendre le recul nécessaire face aux images ou aux propos qui ont pu y être présentés ; que, dans ces conditions, le film documentaire Salafistes ne paraît pas devoir être regardé, en l’état de l’instruction, comme comportant des scènes caractérisant l’existence de « scènes de très grande violence », au sens des dispositions en cause, de la nature de celles dont le 4° et le 5° de l’article R. 211-12 du code du cinéma et de l’image animée interdisent la projection à des mineurs de dix-huit ans ».

A lire l’intégralité de l’ordonnance du 18 février 2016 N°1601822/9

Salafistes