Mitraillette Kelly – Roger Corman

Lebanon, sa grande rue commerçante sous un beau soleil. Un homme, George R. Kelly (Charles Bronson) une mallette à la main s’arrête pour allumer sa cigarette. Il remarque, quelque peu contrarié, qu’il est devant une boutique des pompes funèbres. Une voiture s’arrête à sa hauteur. Deux hommes à l’avant, Howard (Jack Lambert) et Maize (Wally Campo), Kelly s’engouffre à l’arrière. Le véhicule se gare devant la Lebanon Bank. Ils braquent la banque. Kelly mitrailleuse en main abat un policier. Le gang s’enfuit avec un gros paquet d’argent…

« Mitraillette Kelly a permis à Charles Bronson de percer et a également été un tournant majeur dans ma carrière » Roger Corman (in Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime, Capricci, 1990/2020). Mitraillette Kelly, est, quelques années et quelques films avant La Chute de la maison Usher, le premier titre qui attire véritablement l’attention sur Roger Corman.

George R. Kelly dit Machine-Gun Kelly est un étonnant personnage, paralysé par l’idée de la mort, superstitieux, faible à bien des égards, il n’en demeure pas moins un être brutal et violent. Sa compagne Flo, le domine, l’injurie et l’humilie. « Mitraillette Kelly est mon petit homme à moi » fredonne-t-elle à son oreille tout en l’aidant à tenir bien droite son arme. Flo est le cerveau et le moteur du couple. « J’ai entièrement construit le film sur ses dernières répliques, qui sont historiques. Kelly était cerné dans son repaire de montagne et quand on lui a dit de déposer les armes et de se rendre, il l’a fait. » A la grande surprise des agents du FBI. « – Kelly vous passez pour être l’homme le plus dur du pays et nous pensions que vous alliez résister ; pourquoi ne pas l’avoir fait ?  – Parce que vous m’auriez tué » (Roger Corman in Positif n° 59, mars 1964). C’est à partir de cet échange que Roger Corman et R. Wright Campbell bâtissent le scénario. Ils font de méticuleuses recherches afin d’être le plus proche possible de la réalité. Kelly n’est ni un héros, ni un rebelle, ni un lâche. Kelly est un instinctif, un animal. Flo est une manipulatrice, assoiffée de pouvoir, elle ne fait aucune concession et surplombe de son ambition de ce petit monde de gangsters.

Le couple Kelly / Flo est interprété par Charles Bronson et Susan Cabot. Charles Bronson est pour la première fois en tête d’affiche. Roger Corman a toujours considéré l’acteur comme l’un des meilleurs. Dans Mitraillette Kelly, Bronson est absolument formidable. Son interprétation oscille entre force brute et instant de panique. Il a déjà à son actif une vingtaine films, sous son vrai nom de Charles Buchinsky. Mitraillette Kelly est une date importante pour l’acteur, le début d’une carrière de seconds rôles plus importants et marquants dans de grosses productions hollywoodiennes qui le mèneront jusqu’en Europe. La suite est connue.

Etrange carrière et destin que celui de Susan Cabot. Sous contrat avec Universal, elle enchaîne les petits westerns et films d’aventures exotiques. Libérée de son contrat, Susan trouve ses rôles les plus variés sous la direction de Roger Corman. Florence ‘Flo’ Becker est certainement son personnage le plus mémorable. Curieusement, Susan Cabot disparaît des écrans en 1959, après un dernier film avec Roger Corman The Wasp Woman. Et puis, plus rien.

Susan Cabot fera la une des gazettes people pour sa liaison avec le Roi Hussein de Jordanie. Il y mettra fin à leurs relations, après sept ans, par suite de révélations sur les origines juives de Susan Cabot. En 1964, elle a un enfant atteint de nanisme dont la paternité est attribuée à Hussein. Toujours est-il que Timothy est reconnu par le second mari de Susan Cabot, Michael Roman. Susan Cabot disparaît des radars. Dans les années 80, elle est victime d’une grave dépression accentuée par des troubles psychologiques. Le 10 décembre 1986, Timothy âgé de 22 ans, bat à mort sa mère avec une barre d’haltérophilie. L’histoire est confuse, il déclara qu’elle l’avait attaqué et qu’il s’était défendu. Il est dans un premier temps poursuivi pour meurtre au deuxième degré. A la fin du procès, l’accusation est changée en homicide involontaire. Timothy, qui avait passé plus de deux ans en prison, est condamné à 3 ans de probation. Il est décédé en 2003.

La séquence d’ouverture de Mitraillette Kelly est célèbre par la limpidité de sa réalisation et l’économie de moyen qui la rapproche du cinéma muet avec près de dix minutes de narration sans le moindre dialogue. Les personnages sont caractérisés immédiatement et le hold-up est intégralement en ombres portées avec simplement la chute d’un corps, celui du policier avec l’amorce de Kelly et sa mitraillette. Mitraillette Kelly regorge d’idées de mise en scène, un des meilleurs films de Roger Corman.

Fernand Garcia

Mitraillette Kelly, une édition combo (Blu-ray + DVD et unitaire) de Sidonis Calysta dans sa collection Charles Bronson. Le film est proposé dans un master haute définition avec en suppléments : Une présentation par François Guérif (11 minutes).  Le Monde selon Corman, Les exploits d’un rebelle à Hollywood, documentaire passionnant sur le cinéaste avec de nombreux témoignages précieux, dont ceux de Jack Nicholson, Joe Dante, David Carradine, Martin Scorsese, Ron Howard, Peter Bogdanovich, Robert De Niro, Dick Miller, Jonathan Demme, William Shatner, la famille Corman, le maître lui-même, etc. avec de nombreux extraits de films et de tournage (86 minutes). Et enfin, la bande-annonce française d’époque (2 minutes).

Mitraillette Kelly (Machine-Gun Kelly) un film de Roger Corman avec Charles Bronson, Susan Cabot, Morey Amsterdam, Richard Devon, Frank De Kova, Jack Lambert, Wally Campo, Barboura Morris, Dawn Menzer… Scénario : R. Wright Campbell. Directeur de la photographie : Floyd Crosby. Directeur artistique : Daniel Haller. Costumes : Marge Corso. Montage : Ronald Sinclair. Musique : Gerald Fried. Producteurs exécutifs : James H. Nicholson & Samuel Z. Arkoff. Producteur : Roger Corman. Production : AIP – American International Pictures – El Monte Productions. Etats-Unis. 1958. 80 minutes. Noir et blanc. Superama. Format image : 2,35 :1. Son : Version originale avec ou sans sous-titres français et Version française. DTS-HD. 2.0. Tous Publics.