Maria by Callas – Tom Volf

On m’imagine plus à quel point Maria Callas a enflammé et bouleversé le public par ses interprétations et sa vie. Une vie publique tumultueuse exposée sous le regard des caméras et une vie intime, solitaire qui n’ont jamais cessé de fasciner. « Il y a deux personnes en moi, Maria et La Callas… ».

Pendant cinq ans Tom Volt recherche et assemble des milliers d’archives et de documents sur Maria Callas. Des images d’actualités, de vacances, etc. dans tous les formats possibles du 35 mm à la VHS en passant par le 8 mm, super 8, 16 mm, U-matic… Superbe travail de restauration des couleurs d’origine pour reproduire ce frémissement de la pellicule et redonner vie à des bandes vidéo.

Maria by Callas est un voyage dans le temps et dans l’art magistral de cette interprète unique. Immense bonheur que les morceaux qu’interprète La Callas sont dans leur intégralité, on se laisse aller à la beauté de sa voix, de sa vibration et c’est l’émotion qui nous étreint, parce que chaque morceau correspond à un moment de sa vie, nous sommes avec elle, la barrière de l’espace-temps tombe, et c’est le moment présent que nous vivons intensément.

La voix de Callas et puis les mots de Maria. Tom Volt découvre une longue interview de Maria Callas par David Frost, document exceptionnel réalisé en 1970, dont il fait la colonne vertébrale de son film, véritable fil rouge qui relie les époques. Choix judicieux, tant la sincérité de Maria Callas dans ce document exceptionnel est palpable, elle nous parle, à nous spectateur d’aujourd’hui. « Regardez, c’est moi tel que je suis ». Ses lettres intimes (magnifiquement lues par Fanny Ardant) révèlent une femme passionnée, exigeante, solitaire… textes qui nous vont droit au cœur. A partir d’extraits de ses mémoires inachevés, de ses lettres à Elvira de Hidalgo, sa professeur de chant, toute à la fois une mère et une confidente, nous entrons dans son intimité, dans son appartement de la rue Georges Mandel à Paris.

Ses débuts dans les années 50, New York, la ville de son enfance, sa mère qui veut faire d’elle une grande chanteuse, et la petite Maria qui se soumet à une discipline de chaque instant ; les années 60, son apogée, elle devient La Callas. Ses moindres faits et gestes enregistrés, traqués par les cameras des actualités, immortalisés sur des photos de la presse magazines et commentés sans fin dans la presse internationale. Chacune de ses apparitions et de ses déplacements attirent dans son sillage une cohorte de journalistes et d’admirateurs qui lui saute dessus. Des images de halls d’aéroport, de bousculade, de questions qui fusent de partout, véritable intrusion sans gêne des médias dans sa vie. Epoque folle et épique que sera admirablement capté par Federico Fellini dans La Dolce Vita. Il y a de ça dans la vie de Maria Callas avec cet insensé balancement entre sa vie publique et sa vie privée, l’une n’allant pas sans l’autre et nourrissant l’une l’autre.

Son mari, Giovanni Battista Meneghini, de vingt-sept ans son ainé, l’utilise, ivre du pouvoir que lui procure La Callas. Le couple s’effrite. Et lors d’un voyage sur le yacht d’Aristote Onassis, elle tombe éperdument amoureuse de cet homme drôle et attentif qui apaise ses démons et ses angoisses. Avec Aristote, c’est Maria qui revient à la vie, c’est le bonheur retrouvé. Sentiments réciproques et illégitimes, ils sont tous deux mariés. La Callas quitte son mari. La séparation est douloureuse, elle a lieu au tribunal sous le regard de médias. Encore une fois Maria doit faire face comme sur la scène des plus prestigieuses salles d’Opéra. Personne jamais n’arrivera à égaler sa Norma. En paie-t-elle le prix, celui de son ind épendance dans l’Italie aux mains de l’Eglise et de la droite conservatrice où la femme doit fidélité à l’homme et ne divorce pas ? Maria et Onassis sont amants. Elle aimerait avoir un enfant… et le temps passe, les plus grandes scènes d’Opéra du monde entier la réclament. Vivre si intensément pour son art, c’est se créer nombres d’inimitiés et d’incompréhensions, son perfectionnisme est assimilé par les médiocres et les jaloux à de vulgaires caprices. Maria est trop grande pour eux parce que trop humaine. « Le grand problème est que, si l’on tente de faire quelque chose d’admirable au point d’atteindre la perfection, cette perfection même tue l’art. L’art n’est jamais absolu : il doit se renouveler sans cesse et sans cesse varier. Je suis avant tout humaine et les rôles que j’interprète eux aussi sont humains. » Onassis la quitte sans un mot pour Jackie Kennedy, la veuve du président. L’événement fait la une des journaux du monde entier. Maria est blessée, trahie, un abîme de douleurs la submerge.

Rencontre magique avec Pier Paolo Pasolini, le cinéaste d’Accattone, lui offre Médée, personnage qu’elle connaît bien pour l’avoir interprétée pour la première fois sur la scène de l’Opéra Royal de Covent Garden en 1959. Pasolini revient aux origines de la tragédie. Callas est impeccable, elle est au sommet de sa beauté. Images d’un tournage heureux, et, hélas, Médée est unique film de Maria Callas. Les années 70, elle s’éloigne de la scène. Elle participe à la vie mondaine. Et puis, l’appel de la scène est trop fort, elle revient pour une longue tournée où elle interprète ses airs les plus célèbres. Sa voix n’est plus celle de la grande époque mais elle vibre encore de milliers d’émotions. Le public lui fait un triomphe. Onassis revient vers elle… avant que la grande faucheuse ne l’emporte. « J’ai vécu auprès d’Aristote les plus belles années de ma vie et les pires de toutes… »

Superbes images en kodachrome d’une Maria Callas peut être apaisée au bord de la mer. « Ce n’est pas de mourir qui est triste… C’est de vivre quand on n’est pas heureux… ». Reste que son aura est aujourd’hui encore si intense qu’il irradie  le spectateur,… puis les lumières se rallument et dans ce temps suspendu on distingue dans le silence de la salle le filet à peine perceptible d’un murmure : merci.

Fernand Garcia

Maria by Callas un film de Tom Volf avec la voix de Fanny Ardant. Montage : Janice Jones. Etalonnage : Isabelle Laclau. Producteurs : Emmanuelle Lepers, Gaël Leiblang, Emmanuel Chain, Thierry Bizot, Tom Volf. Production : Elephant Doc. – Petit Dragon – Unbeldi Productions – France 3 Cinéma avec la participation de Ciné + et France Télévisions et le soutien de CNC. Distribution : Haut et Court (Sortie le 13 décembre 2017). France. 2017. 113 minutes. Ratio image : 1.85 :1. Couleur et noir et blanc. Son : 5 .1. Tous Publics.