Les Sentiers de la Gloire par John Landis

Les Sentiers de l’enfance

J’avais 10 ou 11 ans la première fois que j’ai vu Les Sentiers de la gloire, un après-midi passé à la maison alors que j’avais la grippe. Je l’ai regardé sur le poste de mes parents, sans arrêt interrompu par des publicités. Je n’étais pas préparé pour un film trouvé par hasard à la télévision et fus émotionnellement chamboulé. Je n’avais encore jamais vu de film sur les soldats Français ou les tranchées.

Je ne connaissais personne excepté Kirk Douglas que j’avais vu dans deux films au cinéma, 20 000 Lieux Sous les Mers et Les Vikings (photo). Je me souviens vivement de cette première “rencontre visuelle”. J’étais horrifié de voir à quel point George Macready pouvait être injuste, outré par le feint jugement et choqué par le peloton d’exécution. J’étais atterré par le fait qu’ils aient attaché au poteau, avec des cordes, le soldat du brancard (Joe Turkel) pour lui tirer dessus. Le film m’a anéanti.

Dans les années 60, le cinéma et la télévision étaient les seuls moyens de voir un “vieux film”, sauf lorsqu’ils étaient projetés dans les salles de cinéma dites “Renaissance” ou “Cinéma d’Art et d’Essai”. Le “Country Museum of Art” de Los Angeles, sur Wilshire Blvd, donnait des projections chaque week-end de ce qui était appelé “Films Classiques”. Une nuit, ils ont projeté Les Sentiers de la gloire. Je savais désormais qui était Stanley Kubrick. J’ai adoré Dr Folamour et l’ai vu en salle au moins trois fois. J’étais alors très excité de voir Les Sentiers de la gloire sans publicité et sur grand écran cette fois-ci.

 Sachant que j’avais regardé tant de grands films Hollywoodiens sur la télévision noir et blanc de mes parents, c’est régulièrement en les voyant plus tard que je fus surpris de découvrir qu’un bon nombre de ces films étaient en couleurs ! Je fus par la suite étonné qu’un film puisse être en noir et blanc ; dans ma tête, l’imagerie était si forte que j’ai simplement assumé le fait que Les Sentiers de la gloire puisse être en couleurs !

Le regarder de nouveau a tout bonnement renforcé ma première impression, le fait que c’est indéniablement un grand film. Il n’est pas seulement bon pour la réalité du combat si brillamment réalisé mais parce qu’il fait face à l’armée de manière véridique. Pas uniquement l’armée Française (L’affaire Dreyfus) mais l’institution elle-même. Les armées de toutes les nations.

Et le personnage de Kirk Douglas, le rôle vedette qui suit toujours les ordres, est fascinant. Il est militaire et bien qu’il connaisse les conséquences du désespoir, il obéit aux ordres. Il mène courageusement ses hommes à la fusillade mais est conscient de l’inutilité de cet acte. Il tente de défendre ses hommes innocents mais lorsqu’ils sont injustement condamnés à mort, il accepte le verdict, garde sa concentration et les voit se faire tirer dessus sous ses yeux !

Le casting est incroyable, chacun ayant littéralement offert des performances dévastatrices. Georges Macready, Adolph Menjou, Ralph Meeker, Joe Turkel et Timothy Carey sont tout particulièrement éminents.

Au regard de leurs sentiments les uns envers les autres, leur collaboration sur Les Sentiers de la gloire s’est conclue par un film remarquable et important qui n’a nullement perdu de son pouvoir jusqu’à aujourd’hui.

John Landis

© John Landis – KinoScript

John Landis réalise son premier film en 1972 : Schlock, hommage aux films fantastiques avec comme héros involontaire un singe. Suivront Hamburger Film Sandwich (1977) American College (1978), The Blues Brothers (1980), Le Loup-Garou de Londres (1981). En 1983, il imagine et réalise un court métrage qui deviendra le clip le plus célèbre de l’histoire de la musique Thriller avec Michael Jackson. Son film le plus étrange et peut-être le plus personnel reste Série noire pour une nuit blanche (1985). Auteur de plusieurs épisodes de la série DreamOn, on lui doit aussi de remarquables documentaires, dont Slasher sur un professionnel de la vente de voitures sur site. Pour la petite anecdote, la mystérieuse phrase qui parcourt ses films « See you next Wednesday » est empruntée à 2001. Son dernier film en date est Cadavres à la pelle (2010).

 Les Sentiers de la Gloire (Paths of Glory) un film de Stanley Kubrick avec Kirk Douglas, Ralph Meeker, Adolphe Menjou, George Macready, Wayne Morris, Richard Anderson, Joseph Turkel, Susanne Christian (Christiane Kubrick). Scénario : Stanley Kubrick, Calder Willingham, Jim Thompson. Producteur : James B. Harris.  Production : Bryna Productions – Harris-Kubrick Pictures Corporation. Origine : USA. Durée : 86. 1957 (Sortie en France le 26 mars 1975)

Les Sentiers de la Gloire, disponible en DVD chez MGM et dans le coffret Stanley Kubrick (Warner).

 Article traduit de l’anglais par Aurélie et Virginie Coffineau