Le Monde, la chair et le diable – Ranald Macdougall

En décembre, j’ai vu pour la première fois de ma vie un film dont je ne connaissais que l’image terrifiante publiée dans les dictionnaires de références sur la Science Fiction. Harry Belafonte courant à perdre haleine dans les rues de Manhattan désertes et désolés. Je veux parler du Le monde, la chaire et le diable de Ranald MacDougall, édité dans la collection des Introuvables chez Wild Side.

H Belafonte

Unique oeuvre de cinéma de Ranald MacDougall qui ne réalisera par la suite que des séries TV et des téléfilms.  Le monde, la chair et le diable (1959) est véritablement le premier film post-apocalyptique de l’histoire. Six ans avant The Last Man on Earth d’Ubaldo Ragona et Sidney Salkow avec Vincent Price sur la propagation mondiale d’un virus vampirique qui décima la population.

Dans le cas du film de MacDougall, le péril atomique est la cause de l’extinction de la race humaine. Prétexte qui sera maintes fois évoqué dans le genre jusqu’à nos jours. Mais pour le réalisateur et sa vedette, producteur de son état,  prétexte est le mot juste. Le film évoque un sujet beaucoup plus important et sociétale : la discrimination raciale.

Ralph Burton joué par Belafonte, contremaître dans une exploitation minière se retrouve coupé du monde suite à l’éboulement d’une galerie. A sa sortie, cinq jours plus tard, Ralph se retrouve prétendument seul en plein New York et, semble-t-il, dans le reste du monde. Prétendument en effet parce que le film prend toute son ampleur lorsqu’une femme, Inger Stevens, fait son apparition et tombe sous le charme de Belafonte. Le fantastique cède alors sa place à la chronique sociale et politique sur l’importance de l’origine ethnique dans la société américaine de l’époque. Bien que l’enjeu du moment,  à l’aune d’un départ à zéro de l’humanité, permettrait de redéfinir l’égalité sociale et raciale dans le monde avec la création d’un Adam noir et d’une Eve blanche. Éperdument amoureux de son unique compagne d’infortune, Ralph Burton n’aura de cesse de maintenir la barrière raciale dont il souffre sans doute depuis son enfance et qui sépare  la jeune femme de lui.

Un véritable conflit intérieur se joue pour le personnage d’Harry Belafonte, qui accepte d’être le dernier homme sur terre, mais refuse catégoriquement d’être l’égal de son prochain face à Dieu. Fascinant.

L’arrivé du personnage incarné par Mel Ferrer aurait pu appuyer la thèse de Burton sur la hiérarchie sociale, mais même lui reconnaît que désormais l’importance de la propagation de l’espèce est au dessus de la valeur raciale. Mel Ferrer s’affirme d’ailleurs rapidement au cours du film comme un rival sexuel de Belafonte. Le film est extraordinaire à ce niveau de lecture. Le scénario écrit par le réalisateur aurait très bien pu être l’oeuvre de Jean-Paul Sartre, tant Le Monde, la chair et le diable est proche des pièces,  La p…. Respectueuse et Huis clos. Une oeuvre à redécouvrir.

Lionel Fouquet

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Le monde, la chair et le diable (The World, The Flesh and The Devil) un film de Ranald MacDougall avec Harry Belafonte, Inger Stevens, Mel Ferrer. Scénario : Ranald Macdougall d’après le roman de M.P. Shiel, The Purple Cloud et la nouvelle de Ferdinand Reyher, End of the World Photo : Harold J. Marzorati. Musique : Miklos Rozsa. Producteur : George Englund. Production : HarBel Productions. Durée: 95 minutes. Année de production: 1959. Edition DVD ; Wild Side. Collection Les Introuvables