Grave – Julia Ducournau

Justine rejoint sa grande sœur à l’école vétérinaire où elle va poursuivre ses études. Elle suit en cela la tradition familiale d’être vétérinaire et… végétarien. Un fois sur place, le bizutage des premières années commence… étalé sur plusieurs jours. Dans un étrange rite de passage, Justine est forcée à manger de la viande crue… pour la première fois de sa vie… les effets sur son organisme son spectaculaires…

Grave est la plus belle réussite française dans un fantastique « protéiforme » depuis Trouble Every Day de Claire Denis en 2001. Julia Ducournau connaît le genre et l’aborde avec sérieux, ce qui ne veut pas dire sans second degré, bien au contraire. Justine est une jeune fille surdouée qui intègre l’école où ses parents ont étudié. Elle va vivre un passage de la fin de l’innocence sous le regard de sa sœur Alexia.  Justine, dont le prénom renvoie à Sade, est comme la petite sœur de Carrie du film de Brian De Palma. Au sein de l’école, elle va, comme Carrie, découvrir sa nature profonde.

C’est la métamorphose d’une enfant en jeune femme. La naïveté s’évapore au profit d’un regard plus acéré sur le monde. Transformation physique et psychologique au sein d’un univers perverti, l’école et la cellule familiale. Chaque système fonctionne sur des bases d’acceptation de l’inacceptable. Sa sœur est l’initiatrice à laquelle ses parents laissent Justine. La jeune fille se laisse faire entraînée par les rites de passage: manger du foie de lapin cru, le bain de sang, la soumission aux deuxièmes années, etc. Justine apprend à gérer son corps: l’épilation, à uriner comme un homme, à assouvir ses désirs…

Grave est l’histoire de deux itinéraires, les deux sœurs qui se croissent et s’éloignent l’une de l’autre. Alexia a déjà vécu ce que subit Justine. Mais plus la petite sœur s’affirme, plus la grande perd pied. L’une vampirise l’autre; Alexia, tel un animal blessé, accepte la domination. L’emprisonnement d’Alexia, à la fin, sonne comme la libération de Justine.

Garance Marillier est épatante dans le rôle de Justine. Ce petit corps frêle, son arrogance de  première de la classe sûre d’elle va se prendre en plein visage la dure réalité de l’école. Elle exprime parfaitement par son corps les bouleversements qui se produisent, et que, dans un premier temps, elle ne canalise pas. C’est l’horreur de la découverte que Marillier extériorise par son comportement, tout passe d’abord par le physique avant d’entrer dans un aspect psychanalytique.

La mise en scène de Julia Ducournau est remarquable, elle joue sur l’instinct animal des personnages et comment celui-ci peut être petit à petit dominé. Julia Ducournau est dans le sillage de David Cronenberg, Grave plus d’une fois y fait penser. Pourtant, Julia Ducournau intègre cette influence majeure comme pour mieux bâtir son propre univers.

Grave est une œuvre singulière dont les images fortes vous poursuivent bien après la projection de manière quasi-obsessionnel. Premier film cinéma de Julia Ducournau qui augure, et nous le lui souhaitons le meilleur.

Fernand Garcia

Grave, un film de Julia Ducournau avec Garance Marillier, Ella Rumpf, Rabah Naït Oufella, Joana Preiss, Laurent Lucas, Bouli Lanners, Marion Vernoux, Thomas Mustin… Scénario : Julia Ducournau. Image : Ruben Impens. Décors : Laurie Colson. Costumes : Elise Ancion. Effets spéciaux de maquillage : Olivier Afonso. Montage : Jean-Christophe Bouzy. Musique : Jim Williams. Producteurs : Jean des Forêts, Julie Gayet & Cassandre Warnauts. Production : Petit Film – Rouge International – Frakas Productions en associatioon avec Ezekiel Film Production – Wild Bunch. Distribution (France) : Wild Bunch (Sortie le 15 mars 2017). France – Belgique. 2016. 99 mn. Couleur. Format image : 2.35 :1. Son : Stéréo. DCP. Sélection : Semaine de la critique, Cannes 2016 – L’Etrange Festival, 2016 – Sitges, 2016 – Tiff, 2016 – London Film Festival, 2016 – Sundance 2017 – 24e Festival International du Film Fantastique, Gérardmer 2017. Palm Springs International Film Festival, 2017. Interdit aux moins de 16 ans.