Frayeurs – Lucio Fulci

Un cri… La brume étend son voile blanc sur le cimetière de Dunwich. Le père Thomas (Fabrizio Jovine) erre entre les tombes. Sur une pierre tombale : « L’âme qui aspire à l’éternité doit se soustraire au joug de la mort. Toi qui est face au seuil des Ténèbres, viens à Dunwich ». Loin, très loin, à New York, au cours d’une séance de spiritisme dans l’appartement de Mme Theresa (Adelaide Aste), une célèbre médium, Mary (Catriona MacColl), une participante, entre en contact avec le prêtre… il se passe la corde autour du cou et se pend ! Des profondeurs, un mort-vivant s’extrait… c’est la résurrection de la cité des morts ! Mary entre en transe et son cœur lâche…

Frayeurs est presque un pur film d’horreur, presque parce que l’on y retrouve encore des réminiscences du giallo, tout comme on trouvait du western dans L’enfer des Zombies. Frayeurs est donc une marche importante vers l’horreur totale et métaphysique de L’Au-delà. On décèle dans Frayeurs une tentative d’épuration de l’histoire, du récit traditionnel vers un cinéma de la sensation pure. Le film entretien de solides liens avec H.P. Lovecraft, la ville de Dunwich, l’ambiance anxiogène, les forces occultes – éléments que Lucio Fulci s’accaparent pour les intégrer à son propre univers. Dans sa vision, l’avenir de l’homme est très sombre, c’est la décadence de la société, le catholicisme perverti et surtout la violence. Fulci pousse ses penchants encore plus loin que dans L’Enfer des Zombies pour le macabre et la brutalité irrationnelle. La violence surgit d’un coup, comme portée par une nécessité échappant à toute logique de narration, ce qui vaudra à Fulci nombre de reproches sur la gratuité de ses séquences. Et pourtant, elles sont partie intégrante du mouvement du film. Ses ponctuations entraînent le film vers des contrées barbare où l’homme est réduit à un simple amas de chair, des hommes creux et vides.

La foi dans Frayeurs n’est qu’une marche vers l’enfer. Le suicide du prêtre, un blasphème, ouvre les portes de l’au-delà. Le monde court à sa perte, les notions de bien et de mal sont totalement brouillées comme si les hommes n’étaient plus capables de faire la distinction entre les deux. Le père qui défend sa fille et celui qui va tuer de la manière la plus sauvage. Il n’y a aucune morale dans Frayeurs contrairement à la grande masse des films du genre. Ici, les hommes et les femmes ne sont pas punis pour des actions passées ou présentes, mais simplement parce que c’est ainsi. L’effet n’en est que plus fort. Tout baigne dans un mystère si opaque que ni l’irrationnel (la foi, le spiritisme) ni le rationnel (la psychanalyse) ne peuvent l’expliquer totalement. Le monde en surface est une horreur et en sous-sol indéchiffrable. La dernière partie est une longue promenade dantesque dans les entrailles de l’enfer, dernière étape avant l’holocauste… Fulci insiste: il faut oser regarder l’horreur en face jusqu’à verser des larmes de sang comme si l’espace d’un instant nous pouvions vaincre la peur de la mort, cette peur qui perfore de part en part le film.

Frayeurs est le premier film né directement du succès de Zombie. Fulci le réalise dans une sorte d’enthousiasme créateur; il perçoit que pour la première fois de sa carrière il est synchrone avec le public. Il n’est plus un réalisateur de genre s’accrochant tant bien que mal aux wagons de la comédie, du western, du giallo ou de la comédie sexy, il a un coup d’avance. Ce que confirmera le prix du public du mythique Festival du Film Fantastique de Paris. Frayeurs, jusque dans ses imperfections, reste toujours aussi fascinant.

Fernand Garcia

Frayeurs est édité par Artus Films dans la Collection Lucio Fulci avec en Suppléments de passionnants et éclairants documents sur le film et Lucio Fulci.

Voyage au bout de la peur « En quelque sorte Frayeurs est le véritable premier film d’horreur pour Lucio Fulci » Lionel Grenier, grand spécialiste de Fulci, évoque les thèmes et les conditions de production et de réalisation de Frayeurs (14 minutes).

Personne ne verra jamais ce film, entretien avec Catriona MacColl, de sa rencontre avec Lucio Fulci au tournage d’un « film fait avec les moyens du bord » (23 minutes).

La ville des morts-vivants, souvenirs de Giovanni Lombardo Radice « Je n’avais pas l’habitude de ce genre de films… » de la construction de son personnage jusqu’à ses relations avec Lucio Fulci « un caractère très difficile, très sombre… » et les autres acteurs et membres de l’équipe du film. Radice dévoile, entre autres, les secrets du tournage de la célébrissime séquence de la perceuse (30 minutes).

Sous le cimetière, entretien avec Massimo Antonello Geleng, le grand décorateur évoque longuement la préparation et le tournage de Frayeurs et sa collaboration, la première, avec Lucio Fulci. « C’était peut-être mon premier film dans le genre », ce qui entraîne des rapports tendu avec Fulci pour un film dont presque tout est en décors reconstitués (30 minutes).

Diaporama d’affiches et de photos d’exploitation et les films-annonces originaux de L’Enfer des zombies, L’au-delà et de Frayeurs.

Frayeurs – Une porte vers l’univers tentaculaire d’H.P. Lovecraft livre de Lionel Grenier, 80 pages.

Frayeurs est proposé en version intégrale dans un nouveau master restauré en Haute Définition, édition spéciale coffret Blu-ray-DVD.

Frayeurs (Paura nella citta’ dei Morti Viventi) un film de Lucio Fulci avec Christopher George, Catriona MacColl, Carlo De Mejo, Antonella Interlenghi, Giovanni Lombardo Radice, Daniela Doria, Fabrizio Jovine, Michele Soavi, Venantino Venantini, Janet Agren… Scénario : Lucio Fulci et Dardano Sacchetti. Directeur de la photographie : Sergio Salvati. Décors et costumes : Massimo Antonello Geleng. Effets spéciaux : Franco Rufini et Gino De Rossi. Montage : Vincenzo Tomassi. Musique : Fabio Frizzi. Producteurs : Fabrizio De Angelis, Mino Loy, Luciano Martino, Lucio Fulci. Production : Dania Film – Medusa Distribuzione – National Cinématografica. Italie. 1980. 92 minutes. Couleur. Format image : 1,85 :1. 16/9e. HD. 1920/1080p. Interdit aux moins de 16 ans.