FFCP 2018 – Section Paysage

La section Paysage propose un panorama du meilleur du cinéma coréen d’aujourd’hui en 14 films : des films de genre aux films d’auteurs, des films commerciaux aux films indépendants en passant par des documentaires et des films expérimentaux.

1987 : When The Day Comes (1987, 2017). Troisième long métrage de Jang Joon-hwan. Né en 1970, Jang Joon-hwan réalise Save The Green Planet, son premier long métrage, en 2003 qui deviendra instantanément culte. Dix ans plus tard, il réalise Hwayi : A Monster Boy, son second film.

Un matin glacial de 1987, Park Jong-chul, un étudiant arrêté par la police anti-communiste, meurt sous la torture. La dictature militaire est au pouvoir, et les autorités ordonnent d’incinérer le corps de l’étudiant pour étouffer “l’accident”. Quand un procureur rebelle refuse de signer l’autorisation de crémation sans autopsie, l’opposition au régime va chercher à faire éclater la vérité, tandis que la rue gronde de plus en plus sa soif de liberté…

Reconstitution minutieuse et brillante d’une année historiquement importante pour le pays, 1987 : When The Day Comes est le portrait fidèle de la société de l’époque. Mêlant habilement la petite à la grande histoire, le drame historique que relate le film, à travers le combat d’un peuple pour se faire entendre qui s’est déroulé il y a trente ans, parle également d’aujourd’hui. Passionnant et bouleversant. Une œuvre importante qui met en lumière les derniers instants de la dictature sud-coréenne. A ne manquer sous aucun prétexte.

A Haunting Hitchhike (Hichihaikeu, 2017). Premier long métrage réalisé par la jeune réalisatrice Jeong Hee-jae. Née en 1986 à Séoul, Jeong Hee-jae est diplomée en cinéma de la Korean National University of Arts. Le film a remporté le Prix Spécial du Jury à l’Eurasia International Film Festival.

Jung-ae, 16 ans, vit seule avec son père. Sa mère les a quittés des années plus tôt. Sa meilleure amie connaît la situation inverse, vivant avec sa mère et ne connaissant pas son père. Les deux adolescentes décident de retrouver ensemble les parents qui les ont abandonnées.

Puissant drame humain et social, A Haunting Hitchhike suit la quête d’une adolescente à la recherche d’une mère qu’elle n’a pas connue sans jamais tomber dans la facilité ni le larmoyant. Avec une maîtrise incroyable du cadre, de la mise en scène mais aussi de la direction d’acteurs, derrière ce voyage vers un parent inconnu, le film utilise son cadre social et traite avec justesse du système de santé libéral coréen, de la place et du rôle de la religion ou encore de l’explosion de la cellule familiale pour au final dresser un portrait amer des travers de la société coréenne contemporaine.

Adulthood (Eoreundogam, 2018). Premier long métrage réalisé par la réalisatrice Kim In-seon. Kim In-seon est diplômée des Universités Sungshin et Sosang et de l’école de cinéma Korean Academy of Film Arts (KAFA).

Kyung-un a 14 ans et doit faire face à la mort de son père, se retrouvant orpheline et seule dans l’appartement familial après l’enterrement. Sa seule famille désormais est son oncle, trentenaire irresponsable qu’elle ne connaît pour ainsi dire pas du tout. Celui-ci se révèle être un petit arnaqueur, escroc soutirant de l’argent à des femmes plus âgées pour subvenir à ses besoins. L’adolescente va peu à peu se familiariser avec cet homme excentrique et atypique…

Portrait attachant de deux êtres, deux solitudes, qui ne se connaissent pas et vont devoir apprendre à vivre ensemble, à s’apprivoiser, Adulthood est une comédie dramatique émouvante et complexe qui surprend par ses variations de tons et sa manière de détourner les codes du genre.

Believer (Dokjeon, 2017). Quatrième long métrage écrit et réalisé par Lee Hae-young. Né en 1973, Lee Hae-young a débuté sa carrière au cinéma comme scénariste en duo avec Lee Hae-joon. Avant de poursuivre leurs carrières chacun de leur côté, ils réalisent ensemble  Like A Virgin en 2006. Le cinéaste écrit et réalise Foxy Festival en 2010, puis, The Silenced en 2015.

Won-ho, inspecteur à la brigade des stups,  est déterminé à démanteler un important réseau de drogue commandé par le mystérieux M. Lee, trafiquant dont personne ne connaît le visage et après lequel Won-ho court depuis des années. Le policier s’allie avec un petit truand revanchard qui fait partie de l’organisation de M. Lee, afin d’infiltrer le réseau et le faire s’effondrer de l’intérieur.

Adaptation du film Drug War réalisé par le génial Johnnie To, avec un casting flamboyant pour incarner ses personnages troubles, ses scènes d’actions électrisantes, son intrigue vénéneuse à souhait et sa maîtrise des espaces et du rythme, Believer est le polar incontournable du festival cette année.

Counters (Kaunteoseu, 2018). Documentaire réalisé par Lee Il-ha, Counters a été récompensé par de nombreux prix dans divers Festivals à travers le monde. Né en Corée, Lee Il-ha est arrivé au Japon en 2000 où il a été diplômé d’un Doctorat en documentaire à l’Université des Arts d’Osaka. Avant de réaliser A Crybaby Boxing Club, son premier long métrage documentaire, en 2014, ce dernier a travaillé pour plusieurs chaînes de télévision japonaises et coréennes.

Au Japon, plusieurs mouvements ultra-nationalistes et xénophobes propagent des discours de haine envers les japonais d’origine coréenne, installés pour la plupart depuis la fin de la période coloniale, après la Seconde Guerre Mondiale. Les « counters » sont leurs opposés, des hommes et des femmes qui se mobilisent pour contrer les messages de haine. La plupart des counters antifascistes sont pacifiques… et puis il y a Takahashi. Un counter tout en contradiction, ancien yakuza qui a horreur de toutes les formes de discriminations, et défend les hommes et femmes qui en sont victimes, avec violence s’il le faut.  Un sujet fort pour un documentaire passionnant et essentiel qui en dit long sur les relations discriminatoires nippo-coréennes actuelles qui sont l’héritage de la colonisation japonaise de la Corée. Counters met la lumière sur ces japonais qui, opposés à ces discriminations, s’engagent dans la lutte antifasciste.

Ecology In Concrete (Apateu Saengtaegye, 2017). Documentaire réalisé par Jeong Jae-eun. Née en 1969, Jeong Jae-eun réalise Take Care Of My Cat, son premier long métrage de fiction, en 2001. Toujours en fiction, en 2005 elle réalise The Aggressives. S’intéressant particulièrement à l’architecture et à l’urbanisme, elle se tourne ensuite vers le documentaire et signe Talking Architect et City Hall.

Séoul est l’une des mégalopoles qui a le plus changé ces cinquante dernières années. Sa démographie a explosé, sa taille s’est démultipliée, elle est passée du statut de capitale pauvre au sortir de la guerre à l’une des plus grandes, des plus riches, et des plus high-tech au monde. Comment la ville a-t-elle évolué au fil des décennies ? Sous quelles impulsions ? Ecology In Concrete retrace les mutations urbaines, politiques et humaines de la capitale coréenne depuis les années 50 jusqu’à aujourd’hui.

Regard fascinant sur une ville en perpétuelle mutation depuis la Guerre de Corée, doté d’une réelle portée historique et politique, Ecology In Concrete est un documentaire passionnant qui, dans le même temps qu’il retrace la politique urbaine coréenne des dernières décennies, dresse le portrait émouvant de celles et ceux qui vivent au milieu de Séoul et, leurs souvenirs et attachements aux lieux étant condamnés à être détruits, reconstruits et transformés, doivent composer avec cette tornade architecturale.

For Vagina’s Sake (Piui Yeondaegi, 2017). Premier long métrage documentaire réalisé par Kim Bo-ram. Diplômée en littérature, Kim Bo-ram a débuté au cinéma comme scénariste. Elle a entre autre écrit le scénario du documentaire Upo, People In Wetland.

Plus de la moitié des habitants de la planète sont des femmes. Pourtant, les menstruations féminines restent un tabou dans presque tous les pays, et la Corée n’y échappe pas. La réalisatrice KIM Bo-ram part à la rencontre de femmes de toutes générations, pour un voyage à travers l’histoire et la société sur la place des femmes, et de leur saignement mensuel, dans un monde très masculin.

Extraordinaire documentaire éducatif et sociétal consacré au sujet tabou des menstruations féminines, For Vagina’s Sake nous interroge et éveille les consciences de nos sociétés patriarcales.

Hello Dayoung (2018). Troisième long métrage du cinéaste Ko Bong-soo. Né en 1976 à Séoul, Ko Bong-soo réalise Delta Boys, son premier long métrage, en 2016. Il réalise ensuite Loser’s Adventure en 2017.

Minjae est livreur, il parcourt la ville sur son scooter à longueur de journée, jamais très adroit ni très à l’heure dans ses courses. Son rayon de soleil, c’est quand il lui faut livrer un colis à Dayoung, une jeune femme dont il est épris et qui travaille dans une petite entreprise. Lorsqu’il comprend que celle qui fait battre son cœur souffre dans son travail, Minjae s’y fait embaucher, dans l’espoir de redonner le sourire à Dayoung.

Comédie muette en noir et blanc, véritable pépite cinématographique, Hello Dayoung tire à boulet rouge sur les différents rouages du monde du travail en Corée. Le choix d’utiliser la forme du cinéma muet pour traiter un cadre contemporain et dénoncer les travers de notre époque, est une idée tout simplement brillante et efficace.

Keys To The Heart (Geugeotmani Nae Sesang, 2017). Premier long métrage écrit et réalisé par Choi Sung-hyun. Choi Sung-hyun a commencé sa carrière au cinéma en tant que scénariste. Il a notamment signé le scénario de The Fatal Encounter (2014).

Proche de la quarantaine, Jo-ha est un boxeur finissant qui vit d’expédients. Il croise par hasard sa mère perdue de vue depuis des années. A la rue, Jo-ha accepte de venir vivre chez sa mère, et fait ainsi la connaissance de son demi-frère Jin-tae, autiste, mais aussi pianiste génial qui reproduit à l’oreille tous les morceaux qu’il entend.

Comédie dramatique familiale réussie, Keys To The Heart touche surtout par son sublime duo de comédiens (Lee Byung-hun et Park Jung-min) aussi impressionnants par leurs interprétations respectives que par l’alchimie qu’ils dégagent ensemble.

Little Forest (Liteul Poreseuteu, 2018). Long métrage réalisé par Yim Soon-rye. Née en 1961 à Incheon, Yim Soon-rye est diplômée en littérature anglaise, théâtre et cinéma. Elle réalise Three Friends, son premier long métrage, en 1996, puis, Waikiki Brothers cinq ans plus tard. Suivront Forever The Moment en 2008 ou encore South Bound en 2013.

Hyewon est à bout de souffle, entre le concours d’enseignant qu’elle passe en vain, son travail harassant dans une supérette, et sa relation insatisfaisante avec son petit ami. Elle décide de tout mettre en pause et retourne dans sa petite ville de campagne natale, pour se ressourcer quelque temps auprès de ses amis d’enfance Jae-ha et Eun-sook, pour lesquels elle aime s’adonner à la cuisine.

Comédie dramatique douce et attachante, Little Forest est un film qui fait la part belle à ses personnages, aux liens qui les unissent et à la nature. La réalisatrice filme le quotidien et les moments simples de la vie pour questionner l’être, la vie et le temps.

Mate (Meiteu, 2017). Deuxième long métrage réalisé par Jung Dae-gun. Diplômé de la Korea University et de la Korean Academy of Film Arts (KAFA), Jung Dae-gun a réalisé en 2011 un long-métrage documentaire, Too Old Hip-Hop Kid, ayant remporté plusieurs prix en festivals. Mate, son second long métrage est son premier de fiction.

Joon-ho est un photographe freelance qui vit de contrats éphémères, à l’image de ses relations amoureuses qu’il préfère libres et sans attaches. Eun-ji entre dans sa vie via une application de rencontres. Elle est journaliste et prépare un article sur les rencontres amoureuses de ce type, mais se garde bien de le dire à Joon-ho. Quand Joon-ho est engagé dans le magazine où travaille Eun-ji, il découvre vite la vérité, ce qui n’empêche pas les deux jeunes gens de vite devenir inséparables…

Vif et coloré, Mate est une charmante comédie romantique qui reflète les difficultés d’une génération de jeunes, maladroits, incapables de se livrer car trop pudiques sentimentalement,  à s’engager en amour.

Old Love (Jaehoe, 2017). Long métrage réalisé par Park Ki-yong. Né en 1961, Park Ki-yong est diplômé de la Korean Academy of Film Arts (KAFA). Egalement scénariste, producteur et documentariste, il réalise Gwang, son premier long métrage, en 1990, puis, entre autres, Motel Cactus en 1997, Camel(s) en 2002 ou encore Picture Of Hell en 2016.

Un soir d’hiver, à l’aéroport d’Incheon, deux anciens amants tombent l’un sur l’autre par hasard. Il vient de mettre sa fille étudiante dans un avion pour l’Australie. Elle arrive tout juste de l’étranger où elle vit depuis des années. Ils se sont aimés dans leur jeunesse, et ne se sont plus revus depuis des décennies. Elle est seulement de passage en Corée, et doit repartir dans quelques jours…

Douce errance mélancolique dont la forme s’approche du documentaire, avec l’histoire de cet ancien couple qui se souvient de ce qu’il a été, Old Love propose une réflexion sur le temps qui passe de manière inéluctable et les effets qu’il a sur la vie, passée, présente et future, des hommes.

Park Hwa-Young (2018). Premier long métrage réalisé par Lee Hwan. Né en 1979, Lee Hwan a commencé sa carrière en tant qu’acteur. Après avoir réalisé quelques courts métrages, celui-ci réalise ici son premier long métrage.

Au sein d’une petite communauté d’adolescents, Park Hwa-young tient le rôle de “Maman”. C’est ainsi que l’appelle tous ceux qui vivent et fréquentent ce groupe de jeunes gens marginaux, la plupart en rupture familiale. Sous la coupe de Young-jae, petit caïd régnant sur cet univers, Hwa-young cultive également son amitié avec Mi-jung, pour qui elle est prête à tout, jusqu’à se perdre dans un enchaînement de violences.

Sujet que l’on ne traite que trop rarement dans le cinéma coréen, montrant de manière radicale la jeunesse errante, délinquante et désœuvrée de Corée, à la fois frontal et brutal, Park Hwa-Young est avant tout un magnifique portrait de femme.

Romans 8:37 (Lo-ma-seo 8:37, 2016). Long métrage réalisé par Shin Yeon-shick. Né à Séoul en 1976, Shin Yeon-shick réalise Piano Lesson, son premier film, en 2003. Il réalise ensuite A Great Actor (2005), puis, entre autres, The Russian Novel (2012) ou encore The Avian Kind (2014).

Gi-sup est diacre au sein d’une paroisse qui s’apprête à élire son nouveau pasteur. Joseph, qui est en conflit avec son mentor, le révérend Park, pour prendre la tête de la paroisse, fait appel à Gi- sup pour qu’il intègre son équipe. Les deux sont plus que des amis, ils sont de la même famille par alliance, et Gi-sup se plonge dans cette campagne avec ferveur. Mais sa découverte d’une face sombre de Joseph va remettre en cause son attachement à son ami, et à sa paroisse.

Puissante exploration d’une lutte de pouvoir au sein de l’Eglise, dans une atmosphère troublante, Romans 8:37 désoriente autant qu’il invite à la réflexion.

Steve Le Nedelec