Dino Risi (1ère partie)

« J’ai tourné plus de 50 films,

je ne crois pas qu’il en ait plus de 10 à jeter.

Je m’en suis bien tiré. »

Dino Risi

1ère partie : Les débuts

Dino Risi est, avec Mario Monicelli, Luigi Comencini, Petro Germi et Ettore Scola, l’un des grands noms de la comédie italienne. Il s’impose sur la scène internationale en 1962 avec Le Fanfaron et permet par la même occasion à Vittorio Gassman d’accéder à un statut de vedette qu’il ne quittera jamais. A cette époque, Dino Risi n’est pas un débutant. A 46 ans, c’est un cinéaste d’expérience avec 16 longs métrages et bon nombre de courts‐métrages et documentaires à son actif.

Dino Risi avait déjà connu des succès populaires avec Le Signe de Venus (1955) et avec le troisième volet de la série Pain, Amour… Pain, Amour, ainsi soit‐il (1955), mais son nom avait été éclipsé par l’extraordinaire popularité de ses vedettes, Sophia Loren et Vittorio De Sica.

Risi amorce avec Pauvres mais beaux et Beaux mais pauvres en 1957, deux petits budgets interprétés par de jeunes acteurs, Marisa Allasio et Renato Salvatori. Un passage vers des études de mœurs en phase avec la société, faites de fines observations du quotidien des Italiens. Il va poursuivre dans cette veine. Ses films, tant commerciaux que plus personnels, regorgeront d’observations sur ses contemporains et de‐ci de‐là de notations autobiographiques. Risi va mettre en scène toute une galerie de monstres, qu’il va croquer avec ironie et distanciation, et qui in fine va constituer une radiographie de la société italienne de première importance.

Dino Risi est né le 23 décembre 1916 dans une famille bourgeoise de tradition libérale  du Nord de l’Italie. Son père était le médecin attitré de la Scala de Milan. Si le jeune Dino déteste l’école, il n’en poursuit pas moins de brillantes études. Il se passionne pour le 7e art dès l’école primaire où il découvre Charlot et raffole des westerns avec Tom Mix. A huit ans, Dino Risi est déjà un cinéphile averti et… un libre‐penseur comme il le note malicieusement dans ses mémoires Mes Monstres (Editions de Fallois – L’Âge d’homme, 2014).

Adolescent, Risi se passionne pour les spectacles de music‐hall qui se donnent dans les cinémas variétés. En face de la maison familiale, l’Esperi est l’une des adresses les plus réputées de la ville pour ce genre de spectacle. Il s’y combine des numéros de cabaret, de comique, mais l’intérêt de Dino Risi se porte vers les jeunes danseuses dont les jupes virevoltent sur la scène laissant entrevoir leurs culottes. Il devient un assidu de ces représentations. Le grand comique Toto l’impressionne au point qu’il ne rate, pour rien au monde, aucun des passages de sa troupe dans la ville. Il y croise d’autres jeunes qui se feront un nom dans le cinéma italien, Carlo Ponti deviendra l’un des plus grands producteurs italiens (La Strada, Docteur Jivago, Blow Up, Une Journée particulière…) et le futur réalisateur Alberto Lattuada (Les Feux du music‐hall, La fille…).

En pleine période fasciste, un camarade de classe, devenu dessinateur à l’hebdomadaire humoristique, le Bertoldo, lui propose d’intégrer la rédaction pour rédiger de courtes répliques percutantes. Risi y fréquente les rédacteurs et y apprend le sens de la formule et du trait juste de la caricature. Temps de formation, il développe son sens de l’observation et apprend à croquer ses contemporains. Leçons qu’il n’oubliera jamais et qu’il appliquera avec bonheur à son cinéma.

A peine diplômé en médecine, Dino Risi se spécialise en psychiatrie et exerce dans plusieurs cliniques pour malades mentaux. C’est dans le magasin d’amis antiquaires que sa vie va basculer. Par hasard, il y rencontre un camarade de classe, Alberto Lattuada. Entre-temps, celui‐ci est devenu premier assistant‐réalisateur et travaille sur un film de Mario Soldati, Le Mariage  de minuit (Piccolo mondo antico, 1941), en tournage  dans la ville. Il propose à Risi un poste d’assistant stagiaire. Alida Valli, la jeune et belle vedette du film, le remarque et tous deux ont une aventure qui prend fin au dernier jour de tournage.

En juin 1943, à la suite d’une hépatite virale, il est envoyé à l’hôpital militaire de Baggio, à Milan, plutôt que sur le front russe. Il se retrouve sous les intensifs bombardements des Alliés. Dix jours d’enfer où il échappe à la mort. Milan se vide. Risi avec son frère et un groupe d’amis franchissent la frontière Suisse. Inscrit en cinquième année de médecine, un colonel des services de santé suisses le nomme médecin du camp de Grossdietwil, dans le canton de Berne. A Genève, il entre à la Faculté de médecine et y poursuit ses études. Période chaotique pour Risi comme pour des centaines d’autres italiens alors en exil dans les alpages suisses. Le débarquement des Alliés en Normandie entraîne le déplacement de la communauté italienne vers Mürren, une station de ski, dans l’Oberland bernois. Risi y rencontre Claudia, qui quelques mois plus tard deviendra sa femme.

Le cinéma italien est à l’image du pays de l’immédiat après‐guerre. Les studios sont à l’arrêt, le travail se fait rare, la nourriture et l’argent manquent. C’est dans ce paysage qu’une nouvelle forme de cinéma va apparaître et influencer un grand nombre de cinéastes de par le monde, et ce jusqu’à nos jours : le néoréalisme. Tourné en extérieur avec un mélange d’acteurs professionnels et non professionnels, le néoréalisme donne une impulsion nécessaire à une cinématographie qui va lui permettre de renaître. Cette énergie nouvelle va bénéficier à toute la production italienne. Pour Dino Risi : « Le néoréalisme a appris à regarder la réalité ». La comédie italienne de l’après‐guerre va tout naturellement découler du néoréalisme. C’est Mario Monicelli avec Le Pigeon va mettre au point les bases de la comédie italienne. C’est naturellement que Dino Risi va se fondre dans ce cinéma de l’observation de la vie de l’après‐guerre, des petites gens et de leur volonté de sortir de leur condition sociale. Risi va accompagner la société italienne dans ses évolutions. Petit à petit, il va porter son regard ironique sur les nantis et les grands corps d’état avec une prédilection pour les grands patrons.

La comédie italienne de l’après‐guerre va évoluer en parallèle de la société, mettant en avant toutes ses dérives, les nouveaux riches, la fascination pour l’argent, la corruption, l’évolution des mœurs… du boom économique des années 60 à la révolution sexuelle, de la suprématie de la société de consommation aux années de plomb des années 70. Les films de Dino Risi sont des témoignages d’une richesse et d’une complexité de première importance pour comprendre pleinement ces bouleversements.

Fernand Garcia

A lire : Dino Risi 2eme partie, 1960-2000

Rétrospective DINO RISI à l’Institut Lumière du 1er mars au 25 avril 2017