Kamiura est devenu une légende en éliminant et en prenant la place d’un précédent chef yakuza. Depuis il règne sur partage un quartier, toujours à l’écoute des citoyens. Kamiura fait l’admiration de Kageyama, fraîchement membre du clan. Alors qu’il se promène dans le quartier, Kamiura se retrouve en présence d’un étranger, un cercueil sur le dos, qui lui ordonne d’entrer dans l’organisation, un syndicat international du crime. Kamiura refuse et un combat à mort s’engage. Démembré sous le regard épouvanté de Kageyama, Kamiura avant de mourir lui transmet ses « pouvoirs » en le mordant au cou. Kageyama devient un vampire. Le clan est maintenant aux mains de yakuza félons. Et la nouvelle chef sous les ordres de l’organisation…

L’on pourrait croire en faisant un survol rapide de ce nouvel opus de Takashi Miike qu’il revient simplement à ses premiers amours c’est-à-dire un cinéma destroy et divertissant. Ce  n’est exact qu’en partie. Miike retrouve avec Yakusa Apocalypse l’énergie dévastatrice, la violence et l’imagination débordante des films qui l’ont révélé à la critique et au public occidental. Mais cet euphorisant Yakusa Apocalypse est aussi une critique assez acerbe d’une caste criminelle et d’une société qui s’est infantilisée. Yakuza Apocalypse fonctionne sur plusieurs niveaux de lecture. Il débute par une scène qui ancre son personnage, le futur chef yakusa Kamiura, dans une mythologie acquise par la force brute.

Ses tatouages témoignent de ses exploits et suscitent l’admiration et le respect des membres de son clan et entraîne la soumission des citoyens dont il assure la « protection ». Fascination que l’on retrouve dans les Kageyama. Kamiura est un homme décontracté et il arpente les rues de son quartier tel un homme politique. Mais c’est un vampire. Faits qu’il cache à ses hommes comme aux citoyens. S’il se refuse à sucer le sang des citoyens, il n’en est pas moins un affameur. Il cache dans un sous-sol, des intellectuels, qui lui font office de garde mangé. Kamiura est un indépendant qui refuse d’entrer dans l’Organisation, le choix qui s’avérera fatal pour lui. Son successeur, Kageyama, rendu à son tour vampire, ne respectera pas l’ordre de ne jamais sucer de citoyens. Il donne ainsi un réel pouvoir à des quidams qui vivaient dans la terreur des yakusas.

Un vent de rébellion souffle sur le quartier. Miike n’est pas tendre avec ses yakusas, qu’il traite non seulement à plusieurs reprises de crétins mais le démontre à l’image. Incapable de la moindre anticipation, la moindre réflexion, ils se comportent comme des enfants. La nouvelle chef yakusa est complètement out. Son cerveau se liquéfie, ses propos sont obscurs et ses actions irrationnelles.  Miike n’est pas tendre non plus pour les petites gens qui habitent le quartier. Lâches, machistes et veules, dès qu’ils accèdent à un petit pouvoir, la force physique en l’occurrence, il se comporte comme des bêtes, reproduisant les pires travers des yakusas. Les forces de l’ordre, représentées par deux fonctionnaires de police dans un petit poste, n’attendent que leur salaire. Dans cette société en déliquescence, on comprend pourquoi la jeune amoureuse de Kageyama préfère rester à l’hôpital et garder un bandeau sur les yeux. La réalité n’est qu’un mensonge vérolé.

Dans un tel contexte, il n’est pas surprenant de voir apparaître un incroyable personnage dans la deuxième partie, La Grenouille, improbable personnage totalement absurde.  Il évoque les gentils monstres des émissions pour enfants. Avec une incroyable maîtrise Miike l’impose aux spectateurs. La Grenouille est à lui seul, la personnification pathétique des films de super-héros qui polluent les écrans et l’incarnation de l’infantilisation du spectateur.  Il est au service d’une force occulte, l’Organisation, dont le but est la domination par le statu quo sociétal.

Yakusa Apocalypse est un film de l’après Fukushima et l’une des plus belles réussites de Miike. Et c’est un regard d’enfant, quoique bien désabusé, qu’il porte sur ses adultes au bord de l’abîme.

Fernand Garcia

Yakuza Apocalypse – The Great War of the Underworld (Gokudo Daisenso), un film de Takashi Miike avec Hayato Ichihara, Yayan Ruhian, Moi Yüki, Pierre Taki, Denden. Scénario : Yoshitaka Yamaguchi.  Directeur de la photographie : Hajime Kanda. Décors : Akira Sakamoto. Montage : Kenji Yamashita. Musique :  Koji Endo. Producteurs : Yoshinori Chiba, Shin’ichirô Masuda, Shinjiro Nishimura, Misako Saka. Production : Nikkatsu – Backup Media – Django Film – Gambit  – Happinet – Oriental Light and Magic. Distribution (France) : The Jocker. Japon – 2015 – 125 mn. 2,35 :1. Couleur. Sélections : Quinzaine des Réalisateur, 2015. Compétition internationale – L’Etrange Festival, 2015.