1868. Un convoi de pionniers traverse les majestueuses Collines Noires, en plein territoire Sioux. Ces familles, marquées par les traumatismes de la guerre de Sécession, cherchent à reconstruire une vie nouvelle à l’Ouest. Parmi eux, le jeune James Aherne Jr., 11 ans, découvre avec émerveillement ces grands espaces. Son père, instituteur, continue d’enseigner aux enfants du convoi, transformant leur chariot en salle de classe ambulante. Mais ce que les enfants préfèrent, ce sont les histoires qu’il leur lit. Leur voyage bascule brutalement lorsqu’une attaque des Crows décime le convoi. Hommes, femmes, enfants : personne n’est épargné. James survit — sauvé in extremis par une intervention des Sioux. Seul rescapé du massacre, l’enfant est adopté par le grand chef Geronimo, impressionné par son courage. Il le renomme Cœur Vaillant…
Le Fils de Geronimo s’inscrit dans la lignée des westerns d’apaisement et de réconciliation qui émergent dans les années 1950, à la faveur d’un regard renouvelé sur les peuples amérindiens. À l’instar de La Flèche brisée (Broken Arrow, 1950) de Delmer Daves ou de La Porte de l’enfer (Devil’s Doorway, 1950) d’Anthony Mann, le film adopte une perspective pro-indienne, loin des stéréotypes de l’Ouest sauvage traditionnel. Certes, Le Fils de Geronimo n’a ni l’ampleur dramatique ni la renommée critique de ces prédécesseurs. Mais il n’en demeure pas moins un film digne et sincère, porté par une ambition humaniste. George Marshall y aborde avec pudeur la question d’un homme écartelé entre deux cultures : celle de ses origines et celle de son adoption. À travers ce personnage, il met en lumière le déchirement intérieur d’un être partagé entre deux mondes, deux civilisations aux aspirations souvent irréconciliables, appelées à coexister sur une même terre.

George Marshall apporte un soin particulier aux détails, dans une volonté manifeste de justesse et d’authenticité. Cela se traduit notamment par les somptueux costumes signés Edith Head. Fidèles à l’époque et respectueux des différentes cultures représentées, ils participent pleinement à la crédibilité du film. Son travail est particulièrement remarquable lors de la scène du conciliabule de guerre, où chaque tribu amérindienne est caractérisée par des tenues distinctes et cohérentes, révélant une attention rare à la diversité des traditions.
On retrouve également, çà et là, de véritables éclats de mise en scène, caractéristiques de Marshall. Une séquence en particulier se détache : celle où Cœur Vaillant, resté à l’extérieur d’un bal organisé par les blancs, observe la fête sans oser y entrer. Se sentant étranger à ce monde, il esquisse pourtant quelques pas de danse. Il est alors rejoint par Tally. Cette scène, d’une grâce discrète, n’est pas sans rappeler les moments de comédie dansée que Marshall savait orchestrer dans ses films avec Laurel et Hardy. Mais ici, ce pas de danse revêt une portée symbolique : il condense avec délicatesse la position du héros, pris entre deux cultures. Avec légèreté et élégance, Marshall parvient à exprimer un sentiment d’exil intérieur sans lourdeur, en un seul mouvement chorégraphique.

George Marshall est un pionnier du cinéma. il est renvoyé de l’Université de Chicago en 1912. Il se tourne d’abord vers le journalisme avant d’être rapidement attiré par un média alors en pleine émergence : le cinéma. Il entre chez Universal comme figurant, mais gravit très vite les échelons. Doté d’une belle plume, il devient scénariste, puis réalisateur dès 1916. Il se fait d’abord remarquer par une série de westerns courts (une à trois bobines), tournés pour Universal, souvent avec des vedettes du genre comme Harry Carey ou Neal Hart. Mais il ne s’enferme pas dans un seul registre : il réalise également des serials à succès tels que Les Aventures de Ruth (The Adventures of Ruth, 1919) et L’Héritière du Rajah (Ruth of the Rockies, 1920), tous deux portés par Ruth Roland. Du western Marshall passe à la comédie et porte à l’écran Girl (1927) un scénario de O. Henry, grand auteur de nouvelles humoristiques.
C’est Hal Roach, pour qui il réalise nombres de petites comédies, qui lui offre l’opportunité de réalisé son premier film long métrage sonore avec Les sans-soucis (Pack Up Your Trouble) avec Stan Laurel et Oliver Hardy en 1932. George Marshall a un véritable sens du gag et il excelle dans leur enchaînement. Il ne délaisse pas pour autant le western. George Marshall n’est jamais aussi bon que dans le western humoristique, ainsi Femme ou démon (Destry Rides Again, 1939) est une merveille avec Marlene Dietrich et James Stewart. Marshall s’illustre aussi dans le film noir avec le remarquable Dalhia bleu (The Blue Dahlia, 1946) avec au scénario Raymond Chandler, ou le biopic avec Houdini (1953). Son dernier western pour le très grand écran est l’épisode du Chemin de fer de La Conquête de l’Ouest (How the West Was Won) en 1962. Quentin Tarantino, rend hommage à George Marshall dans Kill Bill Vol. 2, en intitulant le chapitre 7 : La Tombe Solitaire de Paula Schultz (The Lonely Grave of Paula Schultz), en référence directe aux Rêves érotiques de Paula Schultz (The Wicked Dreams of Paula Schultz, 1968). George Marshall réalisé son dernier film avec Cramponne-toi, Jerry (Hook, Line and Sinker) avec Jerry Lewis en 1969. Il s’est après consacré à la télévision jusqu’en 1972. George Marshall est décédé à 83 ans en 1975 dans sa maison de Los Angeles. La carrière de George Marshall couvert presque toute l’histoire du cinéma américain du XXe siècle. Il reste à n’en pas douter à découvrir des pépites au sein d’une filmographie considérable.

Dans Le Fils de Geronimo, Charlton Heston, alors au seuil d’une carrière fulgurante, incarne avec justesse et intensité le personnage de Cœur Vaillant. Son jeu, tout en tension contenue, exprime à la fois la méfiance envers les hommes blancs et une haine profondément ancrée contre les Indiens Crows. Par son attitude, ses regards et sa gestuelle, Heston rend palpable le tiraillement intérieur d’un homme écartelé entre deux cultures. L’une des belles idées du film réside dans le rapport que Cœur Vaillant entretient avec les livres — vestiges d’une enfance heureuse, brisée par la violence. Ce souvenir du père instituteur donne au personnage une profondeur inattendue, entre mémoire et identité perdue.
Encore inconnu du grand public, Heston s’apprête alors à connaître la consécration : quelques mois plus tard, il est à l’affiche de Sous le plus grand chapiteau du monde (The Greatest Show on Earth, 1952) de Cecil B. DeMille, avant de devenir une véritable star avec Les Dix Commandements (The Ten Commandments, 1956), toujours sous la direction de DeMille.
Partiellement tourné dans les paysages majestueux du Dakota, sublimés par un Technicolor éclatant, Le Fils de Geronimo séduit autant par sa beauté visuelle que par la sincérité de son propos. George Marshall signe un western de très bonne facture, équilibré, à la fois classique dans sa forme et honnête dans son regard sur les peuples autochtones. Porté par un jeune Charlton Heston déjà impressionnant, le film se distingue par sa pudeur, sa générosité et son humanisme discret. Une œuvre modeste mais attachante, bourrée d’action, de combats et de trahisons, qui se suit avec un réel plaisir, et mérite d’être redécouverte à l’aune des westerns dits pro-indiens.
Fernand Garcia

Le fils de Geronimo une édition Silver combo (Blu-ray + DVD) et livret ou unitaire (DVD) de Sydonis Calysta dans la collection Western de légende, master Haute-Définition impeccable. En complément : Un présentation du film par Jean-François Giré, «… un film intéressant… » (9 minutes). Une présentation par Noël Simsolo, qui s’attache à la manière de faire de George Marshall (14 minutes). Et sur le Blu-ray uniquement, un documentaire sur la carrière de Charlton Heston (46 minutes).
Le fils de Geronimo (The Savage), un film de George Marshall avec Charlton Heston, Susan Morrow, Joan Taylor, Peter Hansen, Richard Rober, Don Porter, Ted de Corsiaa, Angela Clarke, Ian MacDonald… Scénario : Sydney Boehm d’après le roman de L.L. Foreman. Image : John F. Seitz. Consultant Technicolor : Robert Brower. Décors : William Flannery et Hal Pereira. Costumes : Edith Head. FX Optique : Gordon Jennings. Montage : Arthur Schmidt. Musique : Paul Sawtell. Producteurs : Mel Epstein. Production : Paramount Pictures. États-Unis. 1952. 1h31. Technicolor. Format image : 1,37:1. Son : Version originale avec sous-titres français et Version française. Dolby 2.0. DTS-HD. 2.0. Tous Publics.